Critiques pour l'événement Cavalleria Rusticana / Sancta Susanna
4 déc. 2016
7,5/10
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Couplage inédit du célèbre opéra de Mascagni avec celui bien moins connu et plus ardu de Hindemith.

Difficile de trouver un véritable lien entre les deux qui n'ont en commun ni le style, ni les sujets abordés, ni l'époque... Il faut peut-être chercher dans les mises en scène de Mario Martone une certaine manière de représenter la religion, pourtant très peu présente dans Cavalleria hormis le contexte temporel de Pâques. C'était néanmoins l'occasion d'assister à une rare représentation de Sancta Susanna.

La mise en scène de Cavalleria Rusticana m'a époustouflé! Totalement minimaliste, zéro décors, et pourtant trois ambiances bien différentes (une église, la place du village, une maison) basées uniquement sur les acteurs, et en particulier sur le chœur, que j'ai rarement vu aussi bien dirigé. L'idée de faire se dérouler l'action dans les derniers rangs de la congrégation réunie à l'église était excellente. Le face à face entre Turridu et sa mère était saisissant, uniquement éclairé par des douches. Bien sûr un tel minimalisme est parfois en décalage avec le texte: Mamma Lucia invite Santuzza à "entrer dans sa maison", la cantatrice désignant alors la chaise à côté d'elle, puisque Martone a placé l'action dans l'église... Excellente distribution avec Elīna Garanča en Santuzza et Yonghoon Lee en Turiddu.
La musique ne m'a pas vraiment emporté, malgré quelques beaux arias, et l'histoire se résume à un fait divers banal: une femme trahie, un mari trompé pas content.

Celle de Sancta Susanna est bien plus intrigante: une nonne se voit dévorée par une passion charnelle pour le Christ. C'est un opéra teinté d’expressionnisme allemand, avec une musique tirant vers l'atonal, et un livret non linéaire, qui nous plonge dans la même confusion que son héroïne, une œuvre qui m'a vraiment passionné. J'ai été moins convaincu par la mise en scène; pourtant chaque élément était réussi pris indépendamment: la scène était presqu'entièrement bouchée par un mur avec la cellule monastique se découpant en plein milieu; le fantôme d'une nonne emmurée progressait de manière inquiétante dans les sous-sol du couvent hantés par une énorme araignée, un gigantesque crucifix descend en fond de scène... Mais cette idée de restreindre l'espace scénique à une cellule, où se passe 90% de l'oeuvre, est un peu extrémiste; une scène de la taille du théâtre de poche Montparnasse face à 2700 personnes, toute l'action portée sur un seul plan en avant de la scène, ce dispositif m'a paru vraiment contraignant. En étant sur le côté de l'orchestre je n'ai pas tout vu, je doute que le public du deuxième balcon ait pu voir l'araignée emporter le fantôme, par exemple. Là encore rien à redire sur la distribution, fiévreusement menée par une Anna Caterina Antonacci possédée par son rôle.