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Yves Poey
Yves Poey
Mini-Molière du Critique
120 ans
62 espions
espionner Ne plus espionner
Des critiques de théâtre, des interviews webradio, des coups de coeur, des coups de gueule.
Son blog : http://delacouraujardin.over-blog.com/
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Ses critiques

1005 critiques
Stacey Kent

Stacey Kent

9/10
10
L’élégance délicate.
La délicatesse élégante.

Stacey Kent.

L’une des plus importantes chanteuses de jazz actuelles a purement et simplement envoûté les spectateurs de la scène nationale de Sénart.
Celle à qui l’on doit une vingtaine d’albums voyage en ce moment même dans toute l’Europe dans le cadre d’une grande tournée, à l’occasion de la sortie de son dernier opus en date, Songs from other places.


Stacey Kent fait partie de ces grandes artistes dont la voix au timbre clair, empreinte de grâce, de douceur et de subtiles nuances est immédiatement reconnaissable.
Elle n’a pas besoin de mettre en avant son irréprochable technique vocale : Melle Kent chante, et vous savez que c’est elle. Point.


Dans un dépouillement paradoxalement très riche, elle parvient à chaque fois à faire en sorte qu’une impression de naturel et d’évidence se dégage de son interprétation des titres qu’elle a choisis.
Ce dépouillement confère alors une force incomparable aux petits moments de vie que sont ces chansons.

La forme musicale qu’elle affectionne tout particulièrement, le trio, sert de parfait écrin à cette voix et à ce style uniques.

Deux complices de longue dates sont à ses côtés.
Ceux-là mêmes qui jouent avec elle sur l’album mentionné ci-dessus.

A jardin, le pianiste Art Hirahara, derrière le clavier de son Steinway ou de sa workstation Kronos Korg, a la lourde mais passionnante tâche d’assurer la partie rythmique des arrangements.
C’est lui qui avec beaucoup de sensibilité pose le cadre, l’univers sonore.
Ses introductions permettent de peindre une atmosphère, un univers, dans lesquels Stacey Kent vient se lover pour chanter.



Et puis Jim Tomlinson.
Le compositeur, l’arrangeur, le producteur, le saxophoniste, le flûtiste, le percussionniste.
Le mari.
Sur scène, lui nous expose de délicieux contrepoints, dialoguant subtilement avec la voix de son épouse.
Les flûtes traversières sont en totale harmonie avec la délicatesse vocale, le saxophone apportant un côté jazz plus ancré, plus profond.
Mister Tomlinson nous prouvera à de nombreuses reprises son grand talent instrumental, notamment dans un remarquable solo très inspiré au sax ténor.


Quatorze titres figureront au programme.
Les dernières nouveautés en date, des chansons françaises (parfois chantées en anglais), le Brésil, et les chansons « madeleine » de la chanteuse, bien souvent tirées du Great americain song book.

La célèbre chanson Sous le ciel de Paris, chantée en anglais, débute en beauté le concert.
Un clin d’œil à sa venue en France, certes, mais également un moyen de nous dire l’amour qu’elle porte à notre pays. Elle parle parfaitement la langue, et s’exprimera d’ailleurs longuement pour présenter le répertoire choisi.
Immédiatement, le charme opère, et nous voici embarqués, captivés que nous sommes par ces notes et ces mots à la fois intenses et délicats.

La complicité des trois artistes est tout de suite évidente.
Le public savoure la magnifique interprétation de ce titre alternant des passages en modes mineur et majeur.

Elle enchaîne avec une autre très belle valse, écrite par Michel Legrand, La valse des lilas.

« Tous les lilas de Mai n'en finiront jamais de faire la fête au coeur des gens qui s’aiment... »

Les premiers applaudissement fusent, l’émotion est palpable.

Tango in Macao, I wish I could go travelling again, les titres du dernier album dans leur version live nous prouvent s’il en était encore besoin le talent de compositeur de Jim Tomlinson.

Une magnifique version de Ne me quitte pas (If you go away) fera que nous n’en mènerons pas large, dans nos fauteuils, tous autant que nous sommes retenant notre souffle, devant tant de profonde et bouleversante beauté musicale.
Il en sera de même pour Avec le temps, de Léo Ferré.


Le brésil, donc.
Le timbre de Stacey Kent prend alors une couleur très saudade, cette mélancolie poétique unique en son genre.
Là encore, nous voyageons en musique grâce au talent des trois artistes, nous nous évadons du théâtre pour nous retrouver portés par la voix veloutée sur les hauteurs du Corcovado.

Une autre grande reprise, Blackbird, signée Lennon-McCartney.
La subtile appropriation par la chanteuse permet de redécouvrir complètement cette grande chanson, et de prendre vraiment compte toute la profondeur sous-jacente.

Les voyages, un poème de Raymond Levesque, notamment chanté par Barbara.
Le thème du voyage sera prépondérant dans ce spectacle, Miss Kent nous rappelant les deux dernières années éprouvantes où il a fallu rester à la maison, mais aussi nous invitant à voyager, que ce soit d’un point de vue géographique ou intérieur.
« Ah ! Jeunes gens, sachez profiter de vos vingt ans. Le monde est là. Ne craignez rien... »

Oui, le temps passe beaucoup trop vite.
Aguas de Março, Les eaux de Mars, d’Antonio Carlos Jobim conclura le spectacle, dans un registre un peu espiègle, jovial et joyeux.
Deux petites notes finales, un intervalle de tierce, sifflées par la chanteuse, et reprises à la flûte nous font sourire.

Devant la standing ovation qui suivra, Stacey Kent n’aura d’autre choix que de revenir par deux fois devant nous.
Pour le dernier rappel, la chanteuse nous dira qu’elle écoutait naguère en boucle Stevie Nicks chanter Landslide. Elle nous bouleverse une dernière fois.

Ce concert est donc de ceux qui se savourent à chaque instant, à la fois intimiste et intense, toujours passionnant, toujours envoûtant.
Une nouvelle fois, Stacey Kent nous aura prouvé s’il en était encore besoin, combien elle est une figure importante et incontournable du jazz contemporain, l’une de ces ensorcelantes ladies qui nous font voir la vie en bleu.

Elle sera en concert au Théâtre Marigny le 8 juin prochain.
Une date à noter sur son agenda !
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John McLaughlin & the 4th dimensionn

John McLaughlin & the 4th dimensionn

9,5/10
7
Une légende. Une vraie.


L’un des fondateurs, si ce n’est LE fondateur du jazz-rock et du jazz fusion.
Un des plus grands guitaristes actuels, qui a illuminé les scènes du mode entier avec son instrument au manche « scallopé », ou bien sa Gibson à deux manches.

Un musicien à qui Miles Davis a demandé de jouer avec lui sur onze albums, et qui pour autant ne s’est jamais contenté de cette gloire rare.
Un homme qui a trouvé sa voie propre, musicale et humaine, un homme dont l’apport considérable à la musique contemporaine ne saurait être exhaustivement quantifié.

John McLaughlin était hier à la Seine musicale, lui le jeune homme en pleine forme de quatre-vingts printemps, pour nous présenter sa nouvelle formation, The 4th dimension, et son dernier album en date, Liberation time.

Moi, la toute première rencontre avec Mister McLaughlin eut lieu grâce à deux albums.

Deux chefs d’œuvres alors sortis déjà depuis une dizaine d’années.


1971. The inner mounting Flame, premier album du Mahavishnu Orchestra, toute première version.
Le premier titre, Meeting the spirits.
Neuf accords merveilleux débutant le morceau, au-delà de toute tonalité et pourtant si mélodiques, des accords d’une puissance tellurique incandescente, des accords que je n’avais jamais entendus.
Ou comment comprendre que cet immense instrumentiste était avant tout un compositeur novateur mettant en œuvre de subtiles polytonalités et des mesures impaires totalement inusitées.



1972. Love, dévotion and surrender.
Un album enregistré avec Carlos Devadip Santana. Les deux guitaristes, tous deux disciples du guru Sri Shinmoy vont s’emparer de deux thèmes de John Coltrane, et nous en donner des versions admirables qui m’émeuvent toujours autant : A love supreme, et Naïma.



Beaucoup d’émotion, donc, à retrouver John McLauglin sur la scène de l’auditorium Patrick Devedjian.

Il arrive le micro à la main, saluant d’emblée la salle, nous disant son émotion de se trouver devant nous : « C’est un miracle d’être là ! ». (Il parle un Français remarquable, résidant depuis longtemps à Monaco.)

A ses côtés, trois musiciens qui ne vont pas l’accompagner mais bel et bien jouer avec lui. La nuance est importante.
Aux drums, le batteur d’origine indienne Ranjit Barot, aux claviers et pour un magistral solo de batterie Gary Husbands, et à la basse cinq cordes Etienne Mbappé.

Premier groove infernal.
Mister Barot envoie une formidable pulsation, qu’il accompagne à la voix au micro, les onomatopées devenant autant de motifs rythmiques, au même titre que ses descentes de fûts ou ses envolées de cymbales.
Etienne Mbappé entre en lice et les deux compères déversent alors un rythme fait de lave magmatique brûlante.

Hélas, et ce sera le seul bémol de ce concert, la prise de son n’est pas à la hauteur.
Une grande confusion règne notamment dans le bas registre, une réverbération trop lourde empêche toute précision de restitution, et nous avons beaucoup de peine à distinguer les subtilités des deux musiciens.
Un très léger mieux arrivera vers le dernier quart du concert.

John McLaughlin entre en lice, et immédiatement, le public de fans inconditionnels reconnaît son style et sa sonorité inimitables.
Sans amplificateur sur scène, passant directement après ses effets par une boîte de direct sur la console FOH, le son cristallin de sa guitare Paul Reed Smith à tige de vibrato procure toujours autant de frissons.


Cet homme est toujours et peut-être plus que jamais le virtuose que l’on sait, qui met cette virtuosité au service d’un lyrisme de tous les instants, d’une vision claire et inspirée de thèmes mélodiques complexes mais d’une incomparable beauté.

Le quatrième compère, Gary Husband ne laisse pas sa part au chat. Que ce soit au piano ou au clavier Norlead, lui aussi nous rappelle qu’il est l’un des grands keyboardistes actuel.
Quelle technique, quelle sensibilité !

De très grands moments nous attendent.

Des morceaux d’une impressionnante fulgurance rythmique, avec une pulsation infernale qui permet au guitariste de tirer de son instrument des fulgurances presque inconcevables et pourtant bien réelles.
Ce sera le cas notamment pour ce titre Kiki, qui commence comme un blues, pour aller vers une fusion merveilleuse.
Un titre dans lequel Mr Barot se déchaînera façon beat box vocale.

Des morceaux presque planants, des ballades oniriques, comme Peace and Happiness to all men, avec des envolées de notes tenues à la sustain qui vous font frissonner de bonheur.


La cohésion, la complicité entre les quatre grands musiciens est totale, une véritable osmose règne en permanence.
J’ai été frappé par la place à la fois large et précise que la patron laisse aux trois autres membre du quatuor.

Seule la formidable qualité des compositions permet ces échanges et cette complémentarité de tous les instants.
Ici, règne en permanence une impression de liberté rendue possible par les structures mélodiques et rythmiques, moins complexes que par le passé, certes, mais toujours aussi passionnantes et inspirées.

Les moments de solo de chacun nous laisseront souvent bouche bée, un chase guitare-clavier sera des plus enthousiasmants, une composition dédiée à Paco de Lucia nous bouleversera, et le duo de batteurs (Gary Husband ayant troqué ses touches noires et blanches pour deux baguettes), ce duo aura quelque chose d’hallucinant.

Tous, nous aurons l’impression d’avoir vécu un moment rare.
Il se murmure ici et là que cette tournée de John McLaughlin serait sa toute dernière.

Je ne veux évidemment pas le croire.

Quoi qu’il en soit, tous ceux qui sortaient hier de la Seine musicale semblaient n’avoir comme moi qu’une seule pensée en tête : « moi, j’y étais, à ce concert mémorable ! »
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SCUM Rodéo

SCUM Rodéo

9/10
8
Et… Coupez !

Du manifesto au rodéo.
De Manhattan à la Reine Blanche.
De la rue à l’arène.

1967.

Valérie Solanas publie à compte d’auteur un véritable brûlot féministe intitulé SCUM Manifesto, qu'elle vend dans la rue.

Manifesto, on voit peu près, mais SCUM ?

SCUM : le rebut, la lie, la crasse.
SCUM : "Society fur Cutting Up Men", une société pour châtrer les mâles.



En quelques mots comme en cent, Valérie Solanas est finalement assez simple : « Renverser le gouvernement, éliminer le système monétaire, mettre en place l’automatisation et détruire le sexe masculin. »
Rien que ça.

Dans ce petit opuscule qui est à la radicalité féministe ce que la kalachnikov AK-47 est au lance-pierre, celle qui sera condamnée à trois ans de prison pour avoir truffé un certain Andy Warhol de trois balles, celle-là échafaude toute une théorie.

Dans une démonstration certes on ne peut plus extrémiste, qui certes parfois relève du plus ignoble fascisme, Miss Solanas analyse finalement assez lucidement la domination exercée par la gent masculine sur les femmes, domination relevant du plus ancestral patriarcat.

Pour elle, tous les moyens les plus extrêmes seront bons pour éradiquer purement et simplement tous les mâles de la planète.


Dans un premier temps relevant du registre scientifique, voire universitaire, le texte va se politiser à outrance pour théoriser ce féminisme absolutiste, et va même s’orienter vers un côté science-fiction, au futur assez simple, un côté qui va engendrer une certaine forme d’humour.

C’est ce pamphlet étonnant et détonant que la metteure en scène Mirabelle Rousseau et la comédienne Sarah Chaumette ont eu la bonne idée de porter sur un plateau de théâtre.

Bonne idée, excellente idée même, car elles sont parfaitement parvenues à mettre en avant la fulgurance, la radicalité sans concession, la vision absolutiste et jusqu’au boutiste de Valérie Solanas.
Portées par la très actuelle traduction du livre par Blandine Pélissier, qui appelle une chatte une chatte, les deux complices vont nous asséner une véritable claque.
Au public, en général, mais surtout aux spectateurs masculins dont votre serviteur en particulier.



Nous allons assister à une conférence.
Le pupitre surmonté d’un micro nous donne déjà un indice sur la forme que va prendre le spectacle, et quand la conférencière pénètre par le fond de la salle, plus aucun doute ne plane : allure sévère, chignon retenu par un crayon, petites lunettes sur le bout du nez, Sarah Chaumette commence à dire le texte.

Elle annonce immédiatement la couleur : tel un spécialiste médico-légal qui relève d’un coup d’un seul le linceul d’un cadavre pour sa reconnaissance par les proches, dans le but d’infliger le moins de douleur possible, la comédienne nous définit le SCUM.

Je vous assure qu’à ce moment précis du spectacle, lorsque vous croisez son regard, vous n’en menez pas large !

Elle parvient à nous édifier. Dans les deux sens du terme.


Edifier, c’est à dire nous expliquer clairement ce qui a amené Miss Solanas à écrire son texte. La comédienne est très convaincante, et nous ne pouvons qu’acquiescer.

Oui, la domination masculine et le patriarcat sont bien réels.
En ce sens, c’est un spectacle indispensable, en ces temps troubles où ici et là, clairement ou insidieusement, les droits fondamentaux des femmes sont de plus en plus menacés.

Edifier, c’est faire peur.

Parce que pour l’auteure, la fin justifie les moyens. Tous les moyens.


Elle ne ménage pas sa peine, Sarah Chaumette, à arpenter le plateau, à porter haut et fort le texte.

Et puis, elle va chercher en coulisse une espèce de parallélépipède métallique bleu, qui va se révéler être une machine qu’elle va brancher.

De conférencière, grâce à cette machine, elle va devenir militante, respectant la structure littéraire du bouquin.

De pupitre, le meuble en bois devient un piédestal phallique, sur lequel elle s’élèvera de plus en plus.

Et la machine, me direz-vous ?
Cette machine va nous procurer une étonnante surprise, dont bien entendu je ne vous révèlerai pas la teneur.
A vous de venir découvrir ce phénomène à la Reine blanche.

Sarah Chaumette nous livre de façon hallucinée et drôle les vitupérations de Valérie Solanas.
Nous sommes sidérés par tant de radicalité, après avoir opiné du chef durant le constat.
La comédienne est alors magnifique d’outrance, incarnant cette redoutable pythie, cette prophétesse extrémiste, cette théoricienne de l’éradication masculine.

On comprend alors pourquoi le manifesto est devenu un rodéo : la comédienne parvient à dompter cet animal sauvage complètement affolé qu’est le texte.

Ce spectacle agit donc comme un électro-choc salutaire : grâce aux judicieux partis pris dramaturgiques, et en passant bien entendu outre la solution révolutionnaire évoquée, on ne peut qu’être totalement en phase avec la démonstration de l’auteure et comprendre la nécessité de la porter haut et fort de nos jours.


Un spectacle électrisant des plus réussis !
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La périchole

La périchole

10/10
6
Cette Périchole féérique, grandiose et magnifique, c’est vraiment le Pérou !

De la même façon qu’elle co-signe en ce moment un Bourgeois gentilhomme qui restera dans l’histoire de la Comédie française, seule cette fois-ci aux manettes, Valérie Lesort nous propose sa vision enchanteresse de l’un des chefs d’œuvre d’Offenbach, une vision qui restera sans nul doute dans les annales de l’Opéra-comique.

Ou comment laisser une marque indélébile dans la longue liste des mises en scène de cet opéra bouffe créé le 6 octobre 1868 au Théâtre des Variétés.

Jacques et le temple du soleil, ou Offenbach chez les Picaros.
Je dirai même plus : Jacques et le temple du soleil, ou Offenbach chez les Picaros !

C’est en effet du côté de Messieurs Hergé et Tintin que Mademoiselle Lesort semble bien avoir cherché et trouvé les références culturelles de son travail salle Favart.
D’ailleurs, un petit détail savoureux ne nous échappera pas : deux personnages tout droits sortis de Moulinsart feront leur apparition sur le plateau.

Cette mise en scène, ce sera une magnifique bande dessinée colorée, animée, une succession de tableaux époustouflants, tous plus réussis les uns que les autres, générant un humour ravageur et une douce folie maîtrisée de bout en bout, et faisant appel à notre capacité à nous rappeler notre enfance.



Le monde de l’enfance.
Une nouvelle fois, c’est à ce monde-là que fait appel Valérie Lesort.

Un monde où l’on en finit pas de dire « On dirait qu’on ferait ci, on aurait qu’à dire qu’on serait ça... »

En témoigne encore et toujours le style « lesortien », qui fait appel à une foultitude de délicieux petits procédés dramaturgiques qui nous renvoient à nos plus jeunes années.

Des pains au raisin qui évoquent les macarons capillaires de la princesse Leïa, des chevaux qui forcément laissent du crottin, des chiens qui évidemment conduisent des petites autos à pédales, un prisonnier amoureux qui dessine comme de bien entendu deux initiales dans un grand cœur, et tant d’autres...

Et puis les marionnettes, sans qui un spectacle de Valérie Lesort ne serait pas un spectacle de Valérie Lesort.

Les marionnettes épatantes de Carole Allemand, qui nous touchent profondément, parce qu’elles nous font remonter à l’époque plus ou moins lointaine de nos propres doudous et autres nin-nins…

Les magnifiques et toujours aussi inventifs costumes de Vanessa Sannino, la scénographie de Audrey Vuong, à base de deux grandes structures verticales qui pivotent sur elles-même (avec également un cachot très réussi), les tableaux dansés chorégraphiés par Yohann Têté (avec un french cancan à la fois endiablé et décalé), tout ceci concourt également à notre émerveillement de tous les instants.



Et la distribution !
Une distribution trois étoiles et bien plus, qui va elle aussi provoquer l’enthousiasme des spectateurs.

Valérie Lesort a énormément demandé aux chanteurs, avec une direction d’acteurs à la fois très précise et exigeante au possible.
Ces chanteurs, dont elle a su utiliser au mieux les talents lyriques, certes, mais également leur capacité à jouer la comédie, ces chanteurs vont être amenés à s’exprimer dans des positions étonnantes et parfois stupéfiantes, ce qui aura pour effet là encore de nous faire beaucoup rire.
Le clin d’œil chorégraphique de Piquillo à Michaël Jackson est formidable ! Ou comment chanter penché à 45° )

Stéphanie d’Oustrac est une grande, très grande Périchole, dont on se souviendra longtemps.
La mezzo-soprano nous emmène loin, très loin, avec à la fois une délicatesse et une puissance vocales qui conviennent tout à fait au personnage. Quel engagement, quelle fougue !
Elle nous captive en permanence, et nous attendons avec impatience les airs très connus du personnage.

Le ténor Philippe Talbot interprète de façon irréprochable Piquillo, formant avec Mademoiselle d’Oustrac un couple particulièrement cohérent, réaliste, aux passionnantes péripéties.

Ces deux-là vont nous faire beaucoup rire. Leurs scènes de comédie sont en effet drôlissimes.

Le talentueux baryton Tassis Christoyannis est un vice-roi facétieux, libidineux à souhait, finalement magnanime.
Ses airs, son allure épatante très Henri IV, son léger accent grec, tout ceci nous ravit !

Eric Huchet (qui m’a fait penser dans la première partie au sociétaire honoraire du Français Bruno Raffaëlli), ainsi Lionel Peintre incarnent pour notre plus grand plaisir les deux hauts dignitaires péruviens, nous faisant eux aussi beaucoup rire.

Quant à l’habituée de la maison, la toujours délicieuse mezzo Marie Lenormand, elle chante de la plus brillante façon qui soit le double-rôle de Berginella et Frasquinella.

Julie Goussot et Julia Wiscniewski, elle aussi irréprochables, sont les deux autres cousines !

Julien Leroy, à la baguette, contribue pleinement avec l’orchestre de chambre de Paris et le chœur Les éléments, à nous plonger dans le tourbillon de cette musique d’Offenbach.
Les musiciens et les choristes nous rappellent parfaitement qu’il ne faut pas se fier à l’impression première de légèreté de cette musique.

En les écoutant tous, on est certes emporté dans un premier temps par une grâce de tous les instants, mais on est aussi frappé par l’exigence que requiert la partition du grand Jacques.

Comment pourrait-il en être autrement, une longue et on ne peut plus sonore ovation conclura cette mémorable soirée durant un très long moment.
Les applaudissement en rythme témoignent du grand plaisir pris par les spectateurs, complètement captivés, émerveillés et conquis par ces presque trois heures de pure beauté.

Des spectateurs qui pourront dire en se souvenant pendant longtemps de cette Périchole d’anthologie : « Nous y étions ! »

Et l’on est prié de ne pas oublier : « Quand lama fâché, lui toujours faire ainsi ! »
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Les femmes à la maison

Les femmes à la maison

9,5/10
4
Femmes des années 50, 70, 22…

La pièce de Pauline Sales a au moins un point commun avec l’ensemble des personnels enseignants français : on y compte trois femmes pour un homme.

Si à l’Education Nationale, on est habitué depuis longtemps à cet état de fait, sur un plateau de théâtre, c’est suffisamment assez rare pour être relevé.

Cet homme, c’est Joris.
Un homme à femmes ? Certes oui, mais pas au sens habituel de cette expression.


Les femmes de Joris, ce sont ces plasticiennes, peintres, dessinatrices, sculpteures, photographes, auteures, à qui il va prêter une maison, à partir des années 50, afin qu’elles puissent entrer en résidence et qu’elles puissent se réaliser en tant qu’artistes-femmes.

Cette fameuse maison, à l’instar de la Cerisaie tchekhovienne, sera un personnage à part entière.
Nous en verrons d’ailleurs bien des facettes.

Je vous laisse découvrir par vous-mêmes la très jolie et astucieuse scénographie de Damien Caille-Perret.

Une nouvelle fois, Pauline Sales va partir de l’intime pour déboucher très finement sur un propos politique et sociologique.
Ici, il sera question d’évoquer, à travers trois époques successives, l’évolution du féminisme en posant un regard sur des femmes artistes.

Il va donc s’agir de proposer au spectateur un miroir de la société des années 50, 70, et celle de nos jours.
Bien des thèmes seront abordés : le rapport à la gent masculine, au patriarcat, la capacité ou non à envisager l’indépendance, mais également les rapports entre les femmes elles-mêmes ou encore les implications des origines sociales sur cette question.

Les trois époques correspondront à trois phases très précises de l’évolution moderne de la condition féminine et artistique.
Années 50, le temps où dans le groupe nominal "les femmes de la maison", la préposition "de" était remplacée par "à".
Ce sera alors la volonté de se libérer du carcan et de la domination masculine, le besoin de trouver enfin une indépendance et une identité artistique.

Les années 70 verront arriver en droite ligne des USA le désir de liberté, d’émancipation.

De nos jours, il sera question du refus de l’instrumentalisation sous différents formes du concept d’artiste-femme.


On s’en doute, évoquer ce sujet comporte un risque : celui de tomber dans des clichés éculés et poussif.
Ici, il n’en est absolument rien.


Melle Sales, par la double entrée femme / artiste est parvenue très subtilement à dépasser le propos « purement » féministe et féminin.


Et puis, il y a un autre élément qui contourne ce piège : à côté de ces artistes, elle a eu l’excellente idée d’introduire d’autres personnages, à savoir les femmes de ménage qui vont côtoyer les invitées.

Ces employées de maison auront elles aussi leur mot à dire !

De plus, comment passer sous silence l’humour qui émaille les deux heures que dure la pièce ?
On connaît bien la belle écriture de Pauline Sales, une écriture à la fois intense et ciselée, avec des formules épatantes qui déclenchent des rires très sains.
(Le texte est publié aux Solitaires intempestifs.)

Joris, c’est Vincent Garanger, co-directeur avec Pauline Sales de la compagnie A l’envi.
C’est lui qui va interpréter ce philanthrope qui, en souvenir d’un amour perdu, entreprend pendant de nombreuses années d’offrir pour quelques semaines un havre de paix à ces filles-artistes.

Le comédien excelle dans le rôle pas si évident que cela de ce personnage en apparence jovial, patelin, bon enfant, édictant pourtant des règles assez strictes quant à l’occupation de son habitation.
Pas si évident que cela car ici, il s’agit d’exprimer une image masculine très éloignée du macho et du misogyne de base, sans tomber pour autant et là encore dans des clichés ou des stéréotypes.

M. Garanger jouera également un autre rôle, celui de la dernière employée de maison.

Une autre excellente idée de la dramaturge-metteure en scène.

Tous les autres personnages seront interprétés par trois comédiennes, Olivia Chatain, Anne Cressent et Hélène Viviès, qui interpréteront chacune plusieurs rôles.
Ces comédiennes connaissent bien la metteure en scène, pour avoir de nombreuses fois déjà travaillé avec elle.
Une belle énergie émane de ce trio-là, une vraie cohérence est immédiatement palpable.

Elles nous réservent de très beaux moments, comme ces scènes avec les coussins-vulves (là encore, je ne développe pas plus avant) ou ces passages consacrés à la libération des corps.

Une interrogation émane de la troisième partie de la pièce, l’époque contemporaine.
Ce personnage d’auteure, confrontée à deux plus jeunes consœurs plus radicales qu’elle, ce personnage-là ne serait-il pas le double de Pauline Sales ?
Allez donc savoir…


Cette entreprise artistique, où le fond se dispute à la forme en terme de réussite, fait d’ores et déjà partie des grands moments de théâtre de cette saison 21/22.


Au fait, vous reprendrez bien un doigt de kir ?
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