Kvetch

Kvetch
De Steven Berkoff
Mis en scène par Sophie Lecarpentier
Avec Fabrice Cals
  • Fabrice Cals
  • Stéphane Brel
  • Anne Cressent
  • Julien Saada
  • En tournée dans toute la France
Itinéraire
Billets à 33,00
Evénement plus programmé pour le moment
Achat de Tickets

On échangera nos kvetchs, j’veux dire les histoires qui nous tracassent.


Dans Kvetch, on se parle, on joue le jeu, mais les personnages énoncent à voix haute tout ce qui leur passe par la tête, hargnes, frustrations, désirs secrets.

Comédie satirique, farce cruelle, la pièce explose les tabous du petit milieu juif new-yorkais.

 

Note rapide
7,8/10
pour 2 notes et 2 critiques
0 critique
Note de 1 à 3
0%
1 critique
Note de 4 à 7
50%
1 critique
Note de 8 à 10
50%
Toutes les critiques
22 févr. 2016
7/10
66
La Comédie de la vie
En guise de prologue, avant que la pièce ne commence, alors que la salle illuminée se remplit encore, les comédiens uniformément vêtus de noir et de rouge entrent en scène et, dans la pénombre, vont et viennent, se contorsionnent, prennent la pause, grimacent…

De cette uniformité et ce paraître vont émerger 4 protagonistes et 5 personnages dont les vies interfèrent et dont les envies et pensées profondes sont jugulées par la peur, les conventions sociales et inhibitions diverses.

De l’invitation au dîner familial du collègue esseulé récemment divorcé, aux conversations de travail en passant par les ébats dans la chambre conjugale ou les monologues du célibataire largué sommé de narrer ce qu’il fait de ses soirées, nous suivons les pensées intérieures réelles de chacun se débattant avec ses ennuis, envies et désirs cachés dans le jeu social qu’exige la famille, les relation amicales ou les affaires.

Le père de famille travailleur et mari minable (Fabrice CALS excellent dans le rôle du médiocre) la femme d’intérieur parfaite et frustrée qu’on ne regarde plus (Anne Cressent vive et précise), le collègue divorcé qui joue le célibataire épanoui (Stéphane BREL charmeur et désespéré), et tour à tour, la mère gênante et sub-claquante ou l’amant de la femme et relation d’affaire du mari (polymorphe julien SAADA) exposent leur affres et contradictions internes en décalage total avec la réalité de leurs discours apparents .

Au final la salutaire délivrance par la parole viendra soulager tout le monde, dénouer les conflits intérieurs, révéler les pulsions profondes…du moins momentanément… En effet, pas sur que se libérer de ses peurs, inhibitions, soit si simple et que celles ci, inchangées, ne referont pas surface à une autre occasion et avec d’autres partenaires.

Allégorie de nos vies approximatives et d’un quotidien qui nous mine entre ce que nous sommes, rêvons d’être et arrivons péniblement au final à être, Kvetch, de façon subtile et intelligente (malgré quelques passages d’humour « caca-prout » pas tous indispensables), met le doigt sur nos violences rentrées, nos compromis sociaux et lâchetés diverses, il titille l’aventurier(e) refoulé(e) et sans attache qui sommeille souvent en nous et fait ressortir avec humour le triste sort de notre humaine condition.

La réussite de la pièce repose en grande partie sur ses 4 formidables comédiens auquel vient s’adjoindre un violoniste qui ponctue opportunément le texte en le renforçant. Pas temps mort, de l’énergie, du rythme et des interactions parfaites entre les comédiens, une mise en scène minimaliste façon « cartoon » qui repose sur des tableaux instantanés et des visuels intelligents.

D’un texte plaisant mais pas inoubliable manquant un peu de férocité et à la fin relativement convenue (mais n’est pas Woody Allen qui veut) ressort au final un bon et « honnête » divertissement.
24 janv. 2016
8,5/10
46
Si on vous donnait le pouvoir, à vous public, d’être télépathe, en feriez-vous bon usage ? Dans Kvetch, Steven Berkoff fait le grand saut dans la psyché humaine et sonde nos états d’âme inconscients avec un humour décapant. Sur ce principe dramaturgique original et propice aux pires décalages, l’Américain bâtit une comédie au vitriol barrée. Jouant jusqu’au vertige sur ce don de dédoublement entre la réflexion profondément cachée et la réalité hypocrite, Sophie Lecarpentier s’appuie sur un quatuor de comédiens au diapason qui se prête aux folies interprétatives les plus extravagantes. Au Rond-Point, on s’époumone une heure sans faiblir. Et quel pied !

Pourtant, avant la logorrhée introspective à se tordre les boyaux, tout commence par des aveux d’angoisse. Alignés en rang d’oignon, les quatre protagonistes se confient face public sur leurs peurs les plus profondes et parfois les plus absurdes. Un témoignage qui en dit long sur la crise de confiance de nos sociétés épuisées par la surenchère compétitive.

Après ce préambule un brin glauque, la machine infernale peut s’activer lors d’un dîner cauchemardesque mémorable. Entre une belle-mère pétomane et qui rote, une épouse soumise et mauvaise cuisinière, un mari accro au travail et nul en amour et un collègue dépressif, la fête s’annonce mal partie. Seulement voilà, derrière les catastrophes qui s’enchaînent à force de maladresses, le cerveau cogite et gèle l’action. La grande force théâtrale de Kvetch provient de la mise en lumière de ces instants normalement intimes et inviolables mais jetés en pâture ici à un public qui jubile. Bien à l’abri dans notre petite tête, on se lâche et on peut sortir les pires vacheries l’air de rien et sans aucune risque. Et le quatuor n’y va pas de main morte. Tout le sel de cette pièce se joue dans le fossé entre des pensées répréhensibles car vouées à perturber le consensus social, conjugal et familial et la nécessité de paraître lisse et formaté face aux autres. C’est sur cet écart que s’appuie Berkoff pour amplifier ses effets comiques.

Décor nu pour quatuor déjanté
Sophie Lecarpentier l’a bien compris : pour preuve de son acuité et de son intelligence, elle ne s’embarrasse pas d’un quelconque décor : hop, quatre chaises et basta. À l’occasion, on peut retrouver une immense nappe blanche en guise de drap de lit ou des genouillères coquines pour éviter de se faire bobo lors de la levrette… Simple mais très efficace et suggestif.

Tout repose sur la dynamique de groupe des comédiens et quel festival ! On ne cesse d’être surpris au fur et à mesure de la représentation tant les gags et les bons mots s’enchaînent, ponctués de mimiques et de sursauts délirants. Anne Cressent campe une délicieuse nunuche attentive mais qui s’ennuie dans son couple. Son jeu d’ingénue gourgandine ouverte peu à peu aux interdits fait mouche. Face à elle, Fabrice Cals est absolument renversant en petite teigne « workaholic », pathétique et désespérément « attention whore ». Le très sexy Stéphane Brel se régale en ami au bout du rouleau et Julien Saada endosse avec bonheur diverses casquettes, de la belle-mère gâteuse au client snob. Enfin, Bertrand Causse souligne avec pertinence les tensions ou les revirements grâce au joli maniement de son violon.

Ce Kvetch se déguste donc comme un apéritif tout trouvé afin de décompresser en sortant du travail. Un dépaysement introspectif aux confins de nos cerveaux torturés qui vaut assurément le détour. Bravo !
Votre critique endiablée
Nos visiteurs sont impatients de vous lire ! Si vous êtes l'auteur, le metteur en scène, un acteur ou un proche de l'équipe de la pièce, écrivez plutôt votre avis sur les sites de vente de billets. Ils seront ravis de le mettre en avant.
Notes détaillées (pour les plus courageux)
Texte
Jeu des acteurs
Rire
Intérêt intellectuel
Mise en scène et décor