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Faust Le voyage immobile - Collectif 8
Heinrich Faust, éminent scientifique et professeur, dresse un bilan amer de sa vie : comme scientifique, il n’a pas réussi à accéder au savoir absolu et comme individu, vieillissant, il n’a pas jouit de la vie et de ses plaisirs.
Désespéré, il promet de donner son âme au diable si celui-ci parvient à le délivrer de son insatisfaction et de son ennui. Méphisto l’entraine dans un extraordinaire voyage dans lequel il découvrira le désir et le pouvoir.
Le Faust de Goethe est une œuvre foisonnante, conçue en deux tomes, deux tentations auxquelles Faust sera soumis : celle intime du désir et l’amour et celle sociale du pouvoir et de la politique. Goethe s’interroge sur le Bien et le Mal à travers un double pari : celui de Méphisto et Faust mais aussi celui contracté par Dieu et Méphisto au sujet de l’âme de Faust et, à travers elle, l’ensemble de l’humanité. Chaque spectacle du Collectif 8 recherche et explore les schémas qui tissent l’histoire de l’Humanité.
Ces schémas se reproduisent éternellement à travers de nouvelles formes, de nouveaux symptômes. Après les événements violents qui nous ont bouleversés depuis plus d’un an, nous avions besoin de rechercher les origines même du mal, nous questionner sur l’âme humaine et sa troublante dualité. Faust porte l’extraordinaire capacité à raconter notre monde dans son obscurité la plus effrayante à travers une lumineuse écriture, un sens aigu de l’immersion dans ses profondeurs, une finesse d’analyse de ses rouages obstinément humains.
Comment parler de ce Faust sans avoir peur de trop en dévoiler ?
Le collectif 8 s’empare de l’œuvre de Goethe pour nous livrer un spectacle haut en couleurs. Le collectif maitrise l’utilisation des arts numériques comme personne. Elle permet une immersion complète dans l’univers proposé par Gaële Boghossian.
Il s’agit d’une adaptation de l’œuvre de l’auteur allemand. En effet, la metteure en scène nous offre un Faust qui résonne avec notre monde actuel. Il s’agit pour elle grâce à cette création de raconter notre monde, de questionner la limite entre le bien et le mal. A travers ce Faust, elle nous offre une sorte d’ «opéra endiablé », avec des comédiens démoniaques qui dégagent une énergie folle (surtout à 10h15 du matin).
Ici, Faust ne vend pas son âme au diable mais décide au contraire de parier avec Méphistophélès : « Si jamais dans un élan de plaisir tu me vois supplier le temps de suspendre sa course, alors tu pourras m’enchaîner, me traîner dans l’abîme, alors que la cloche des morts sonne, que l’horloge se fige, que l’aiguille tombe, que le temps s’arrête à tout jamais pour moi. »
Mais Faust ne demandera jamais l’arrêt du temps et cohabitera donc avec le diable à son service sa vie durant. Ce dernier l’initiera au capitalisme. Il prendra le pouvoir et inventera le papier monnaie comme solution à tous les problèmes... L'Empire basculera donc vers le totalitarisme et la guerre. La vidéo, ici, n’est pas sans évoquer l’univers de Big Brother dans 1984 de Georges Orwell.
Le spectacle nous enchante par sa musique hypnotisante. Nous sommes envoûtés par des images grandioses. Le tout donne une représentation d’une inoubliable brutalité. Un collectif à suivre de très près !