B. Traven

Evénement plus programmé pour le moment
Achat de Tickets

Comment faire le portrait d’un homme qui a passé sa vie à se dissimuler ?

L’écrivain B. Traven inspire à l’auteur et metteur en scène Frédéric Sonntag un spectacle sur l’identité.

En forme de puzzle.

 

Théâtre national Melun-Sénart
Allée de la mixité
77127 LIEUSAINT

Note rapide
8,5/10
pour 3 notes et 3 critiques
0 critique
Note de 1 à 3
0%
0 critique
Note de 4 à 7
0%
3 critiques
Note de 8 à 10
100%
Toutes les critiques
12 déc. 2019
9/10
13
Mexico, Mexi-iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii-co !
Le Mexique.
Point de convergence, point commun, point de non-retour (aussi et parfois) des personnages de cette pièce, à savoir notamment Glenda et Lester, respectivement journaliste et caméraman américains en 1977, Léon Trotski en 1917, le scénariste Dalton Trumbo en 1947 ou encore Olivier, ce squatteur voulant s'engager auprès du Sous-Commandant Marcos en 1994.

Tout ce petit monde aura un rapport ou va participer d'une manière ou une autre à une enquête, une « chasse à l'homme », le mystérieux B. Traven. Nous y voilà !

B. Traven, né Otto Feige, était un écrivain libertaire de langue allemande, un auteur mystérieux qui connut la célébrité avec plusieurs romans cultes, dont le célébrissime « Trésor de la Sierra-Madre », qu'adapta pour le grand écran John Huston.

Un écrivain qui érigea la fuite de toute médiatisation en une véritable revendication politique : échapper à toute identification et à toute récupération. Un homme qui ne cessa de dissimuler et de brouiller son identité.

Frédéric Sonntag ne pouvait qu'être fasciné par ce B. Traven.
Le dramature interroge en permanence ce thème de l'identité, celle que l'on tait, celle que l'on cache, celle qui demeure un mystère, une énigme.
L'identité, ou le vrai visage qui se cache derrière un nom.

« B. Traven » (créée en 2018) est en effet le dernier opus de sa « Trilogie fantôme » commencée avec « George Kaplan » et « Benjamin Walter ».
Trois personnages qui ne sont jamais présents physiquement sur la scène, mais qui sont le fil rouge de la narration et de la dramaturgie.

Durant deux heures et quarante minutes, le dramaturge, avec une réelle virtuosité, avec également une érudition qui force le respect, Frédéric Sonntag va donc entremêler époques, Histoire avec un grand H, parcours intimes ou destinées personnelles.

Dans un rythme haletant, dans un montage de scènes totalement maîtrisé, dans une imbrication permanente de schémas narratifs, nous allons être embarqués dans un vertigineux maelström.

Nous ne sommes jamais perdus, nous savons en permanence non seulement qui se trouve devant nous, mais également à quelle époque nous nous situons et dans quels lieux.
Des sur-titres nous aident, évidemment, mais la dramaturgie et la scénographie relèvent d'une telle habileté qu'on pourrait sûrement s'en passer.

Cette pièce, prolonge le questionnement identitaire comme un moyen de lutte contre le capitalisme, le culte de l'argent-roi, et va rappeler cette volonté de domination d'un peuple notamment par le biais de l'introduction par la CIA de la marque Coca-Cola au Mexique, avec pour objectif « l'appauvrissement humain » par l'absorption massive de sucre.
La démonstration est imparable. N'est-ce pas, M. Le Lay, ex-Patron de TF1 ?
Seront évoquées également la crise des subprime et le scandale Lehman-Brothers.

Les huit comédiens de la compagnie AsaNIsiMAsa vont déployer une énergie folle à incarner la multitude de personnages de la pièce.
Tous se donnent sans compter, il n'y a aucun petit rôle, l'esprit de troupe est en permanence présent sur le plateau.

De plus, ce sont eux qui vont assurer les changements de décor millimétrés, très rapides et ô combien étonnants. Des décors très réussis, très années 70.
C'est bien simple, j'ai eu l'impression d'assister à des sortes de fondus-enchaînés entre différentes scènes, souvent très courtes.

Nous rions tout au long des cent soixante minutes. Le personnage de Lester est drôle, très drôle.
Des scènes de comédie émaillent la pièce, avec notamment un passage relatif au café produit au Chiapas, ou encore une scène de doublage en direct de films. C'est hilarant.

La musique live assurée par un batteur-contrebassiste et un guitariste-claviériste renforce ce façon judicieuse le caractère prenant et viscéral de la pièce.

Au final, j'ai assisté à un brillant spectacle, foisonnant, luxuriant et haletant. Les deux heures et quarante minutes passent à une vitesse folle.

Une pièce d'une grande habileté stylistique et scénographique, totalement maîtrisée. Le fond le dispute à la forme, et réciproquement.

Cette très ambitieuse entreprise artistique relève de la plus totale des réussites !
8/10
8
L’auteur du « Vaisseau des morts » et du « Trésor de la Sierra Madre » est une figure mystérieuse.

Traven. B. Traven. Nul ne sait qui il est. Son prénom est la deuxième lettre de l’alphabet, la suite est inconnue. Qu’importe puisqu’il a porté plusieurs pseudonymes, incognito. Impossible de suivre sa trace mais qu’importe - là aussi - car ce sont ses œuvres qui ont de l’importance, et non l’artiste, selon ses propres dires. Traven plane sur le spectacle bien qu’il en soit absent. Il est partout dans toutes les histoires dont les fils sont déroulés sans ménagement pendant 3 heures. Défilent l’entourage de l’écrivain, ceux qui enquêtent et ceux qui s’en inspirent. Les noms s’affichent en haut de la scène et donnent le tournis. On ne sait plus où nous en sommes.

De qui est-il question ? Pourquoi ? En quelle année sommes-nous ? 1914 ? 2014 ? Dans quel pays ? C’est là tout le génie de la pièce : il faut se détacher de ces questions et apprécier le spectacle avec sa vitesse. Il faut accepter de ne pas avoir accès à la vérité. Le fil rouge, s’il en fallait un, est l’enquête d’une journaliste, accompagnée d’un cameraman un peu perché, tous les deux américains, hippies sur les bords, complètement excités par l’aventure. Le duo souhaite faire une biographie sur l’homme qui n’en voulait point. Le spectateur croisera la route de multiples personnages fictifs et/ou réels, outre le perroquet Zapata qui est peut-être une taupe. Les comédiens se transforment, endossent plusieurs rôles. Les décors tombent du ciel, changent à l'arrière, puis sur le côté. Les multiples facettes, la frénésie des comédiens et les zones d’incertitudes m’ont fait penser aux histoires aux mille tiroirs d’Alexis Michalik. L’enchaînement des événements est restitué sous différentes formes : monologue, poignée de main, citation, vidéo, chant, citations extraites d’œuvres littéraires, … tout cela parfois en même temps. Le sur-titrage est nécessaire pour continuer de suivre les dialogues couverts par la musique. Les citations foisonnent au fond de la scène et quel délice : "plus ce que l'on boit s'éloigne du vrai thé ou du vrai café, plus on ressent le besoin de l'agrémenter de sucre et de lait pour stimuler son imagination".

Si on ne fait pas le tour de la question de B. Traven, on fait le tour des arts. A contre courant de l'époque actuelle où chacun - bien qu'ayant si peu de choses à dire - expose sa vie en ligne) en ligne, ce spectacle comique, politique, philosophique, poétique, traite avec humour ceux qui œuvrent pour le collectif et où l’individualisme est rabroué.
28 mars 2018
8,5/10
25
Pièce ô combien dense (plusieurs époques, plusieurs lieux, une multitude de personnages) et un brin longuette (2h30), mais l'enthousiasme des comédiens emporte le tout.

L'histoire de B. Traven est passionnante, on a envie nous-mêmes d'enquêter pour découvrir qui était l'auteur du Trésor de la Sierra Madre. Frédéric Sonntag laisse libre cours à son imagination (Dalton Trumbo, Trotski, Patrick le Lay, Speedy Gonzales s'y croisent), ouvre son spectacle à un discours plus politique (l'engagement, la liberté...).

Y a un petit quelque chose de Julien Gosselin avec moins de moyens, mais autant de fraîcheur et de la drôlerie en prime.
Votre critique endiablée
Nos visiteurs sont impatients de vous lire ! Si vous êtes l'auteur, le metteur en scène, un acteur ou un proche de l'équipe de la pièce, écrivez plutôt votre avis sur les sites de vente de billets. Ils seront ravis de le mettre en avant.
Notes détaillées (pour les plus courageux)
Texte
Jeu des acteurs
Rire
Intérêt intellectuel
Mise en scène et décor