Critiques pour l'événement Qui a peur de Virginia Woolf ?
Si je ne comprends pas forcément l'engouement suscité par cette pièce aux Molières, si ce n'est un certain snobisme qui fait sortir du lot dans le théâtre privé, j’ai apprécié cette cruauté douce et féroce dans ce couple (brillament interprété) qui vient déteindre sur son environnement et jusqu'à notre fauteuil.
Une chorégraphie du chaos sur un radeau d'antichambre. Mal assis et fatigué c'est aussi une pièce inconfortable. Dans un meilleur fauteuil cela donne peut être au voyeurisme de l'esprit une meilleure assise mais là mon corps a décroché même si mes réminiscences au réveil n'étaient pas fermées à cette destruction finalement plutôt ludique.
La mise en scène soigne donc cet inconfort, les lumières sont obliques, infusant sous les portes ou par le couloir, l'escalier. Les comédiens sont totalement dans le ton, la destruction est parfaite, vainement humaine. Le loup reste derrière la porte et la maison ne s'écroule pas encore. Il faut continuer à vivre. D'autres alcools sur l'amertume et la cruauté, d'autres deuils avant de dormir.
La mise en scène soigne donc cet inconfort, les lumières sont obliques, infusant sous les portes ou par le couloir, l'escalier. Les comédiens sont totalement dans le ton, la destruction est parfaite, vainement humaine. Le loup reste derrière la porte et la maison ne s'écroule pas encore. Il faut continuer à vivre. D'autres alcools sur l'amertume et la cruauté, d'autres deuils avant de dormir.
Cette pièce d’Edward Albee, écrite en 1962, apparait hors du temps. Elle vient jusqu’à nous, riche et toujours neuve tant les souffrances humaines y sont décrites avec précision et se transposent avec actualité. Immortalisée par le film de Mike Nichols avec Elysabeth Taylor et Richard Burton, elle fut adaptée en Français et jouée quatre fois avant cette version au théâtre de l’Œuvre.
C’est sans aucun doute une gageure que de la monter. Tout repose en effet sur la prestation des comédiens qui jouent le couple mythique de Martha et George.
Quand l’amour pervers combat la haine féroce, que reste-t-il du secret d’un couple, du fantasme commun qui les lie et leur permet de survivre ? Entre déchéances et renoncements, les délires alcoolisés proches de la démence et les névroses de Martha et George s’opposent, s’imposent et explosent. Le tout, sur fond d’hypocrisie sociale de la bourgeoisie américaine de l’époque.
Le public est saisi dès le début, sidéré par l’impudeur et la crudité des situations et des relations violentes faites d’insultes et d’humiliations de ce couple devant leurs invités. Ils nous obligent à vivre comme une sorte de voyeurisme indécent. Qui est le bourreau et qui est la victime dans le bain d’ivresse de ce combat qui semble être le dernier sans que nous en soyons sûrs ?
La mise en scène d’Alain Françon renforce la puissance de ce huit clos par le dépouillement. Le dépouillement matériel du plateau : Les décors sont limités au strict nécessaire mais aussi le dépouillement des jeux : Chaque intonation, chaque déplacement semblent être indiqués pour permettre la mise à nue progressive des personnages, implacable et irrévocable, jusqu’à l’extrême.
Les comédiens nous tiennent en haleine du début à la fin, ils ne nous lâchent pas. Ils nous embarquent, nous bousculent et nous délivrent. Julia Faure joue avec finesse Honey, la jeune invitée perdue et troublée. Pierre-François Garel joue Nick, le jeune mari, avec simplicité et justesse, faisant ressortir l’hypocrisie fourbe de son personnage. Dominique Valadié est époustouflante. Elle donne vie avec une impressionnante intensité à la folie et la souffrance de Martha. Wladimir Yordanoff est magistral. Il nous livre avec une précision inouïe un George profondément meurtri, nous saisissant dans les sursauts de sa noyade. Tous deux nous présentent avec la sincérité du véritable un couple éperdu d’amour et de haine. Ils sont Martha et George.
Nous sortons de ce spectacle groggy, impressionnés et certains d’avoir assister à un de ces grands moments de théâtre.
C’est sans aucun doute une gageure que de la monter. Tout repose en effet sur la prestation des comédiens qui jouent le couple mythique de Martha et George.
Quand l’amour pervers combat la haine féroce, que reste-t-il du secret d’un couple, du fantasme commun qui les lie et leur permet de survivre ? Entre déchéances et renoncements, les délires alcoolisés proches de la démence et les névroses de Martha et George s’opposent, s’imposent et explosent. Le tout, sur fond d’hypocrisie sociale de la bourgeoisie américaine de l’époque.
Le public est saisi dès le début, sidéré par l’impudeur et la crudité des situations et des relations violentes faites d’insultes et d’humiliations de ce couple devant leurs invités. Ils nous obligent à vivre comme une sorte de voyeurisme indécent. Qui est le bourreau et qui est la victime dans le bain d’ivresse de ce combat qui semble être le dernier sans que nous en soyons sûrs ?
La mise en scène d’Alain Françon renforce la puissance de ce huit clos par le dépouillement. Le dépouillement matériel du plateau : Les décors sont limités au strict nécessaire mais aussi le dépouillement des jeux : Chaque intonation, chaque déplacement semblent être indiqués pour permettre la mise à nue progressive des personnages, implacable et irrévocable, jusqu’à l’extrême.
Les comédiens nous tiennent en haleine du début à la fin, ils ne nous lâchent pas. Ils nous embarquent, nous bousculent et nous délivrent. Julia Faure joue avec finesse Honey, la jeune invitée perdue et troublée. Pierre-François Garel joue Nick, le jeune mari, avec simplicité et justesse, faisant ressortir l’hypocrisie fourbe de son personnage. Dominique Valadié est époustouflante. Elle donne vie avec une impressionnante intensité à la folie et la souffrance de Martha. Wladimir Yordanoff est magistral. Il nous livre avec une précision inouïe un George profondément meurtri, nous saisissant dans les sursauts de sa noyade. Tous deux nous présentent avec la sincérité du véritable un couple éperdu d’amour et de haine. Ils sont Martha et George.
Nous sortons de ce spectacle groggy, impressionnés et certains d’avoir assister à un de ces grands moments de théâtre.
Une pièce forte. Le théâtre d'Edward Albee garde la même force, mais a vieilli un brin.
C'est peut-être mon humeur du moment qui veut ça, mais j'ai trouvé la pièce trop lourde, trop pesante, trop bavarde. L'interprétation est remarquable et c'est toujours un grand plaisir de retrouver Wladimir Yordanoff. Dominique Valadié est exceptionnelle ! Julia Faure et Pierre-François Garel sont également à la hauteur de cette pièce difficile.
Allez-y pour les acteurs, pour découvrir Albee si vous ne connaissez pas. Attendez-vous à être secoués, donc choisissez le bon soir ! Et découvrez le magnifique théâtre de l'oeuvre, à la programmation exigeante et efficace.
C'est peut-être mon humeur du moment qui veut ça, mais j'ai trouvé la pièce trop lourde, trop pesante, trop bavarde. L'interprétation est remarquable et c'est toujours un grand plaisir de retrouver Wladimir Yordanoff. Dominique Valadié est exceptionnelle ! Julia Faure et Pierre-François Garel sont également à la hauteur de cette pièce difficile.
Allez-y pour les acteurs, pour découvrir Albee si vous ne connaissez pas. Attendez-vous à être secoués, donc choisissez le bon soir ! Et découvrez le magnifique théâtre de l'oeuvre, à la programmation exigeante et efficace.
Long, très long, beaucoup trop...
C'est rare que je m'ennuie à ce point là au théâtre mais certaines scènes sont vraiment interminables. La mise en scène est loin d'être dynamique et les décors sont plus que minimalistes.
C'est dommage car Qui a peur de Virginia Woolf peut être une excellente pièce. J'avais vu une version radicalement différente, qui était excellente, il y a quelques années. Du coup j'en suis sortie d'autant plus déçue...
C'est rare que je m'ennuie à ce point là au théâtre mais certaines scènes sont vraiment interminables. La mise en scène est loin d'être dynamique et les décors sont plus que minimalistes.
C'est dommage car Qui a peur de Virginia Woolf peut être une excellente pièce. J'avais vu une version radicalement différente, qui était excellente, il y a quelques années. Du coup j'en suis sortie d'autant plus déçue...
Inutile de le nier, vous adorez assister à des crêpages de chignons au théâtre. Tranquillement installés dans vos sièges, vous effectuez votre propre catharsis conjugale en observant avec délice et effroi le naufrage d’un ménage en crise. Si les comédies actuelles raffolent de ces disputes qui finissent toujours par du rabibochage, Edward Albee, lui, assume une démarche explosive. Dans Qui a peur de Virginia Woolf ?, naturalisme et jeu fictionnel se marient jusqu’au vertige dans un règlement de compte aussi venimeux que délectable. Au Théâtre de l’Œuvre, Alain Françon organise son combat de boxe avec le doigté d’un magicien du doute. D’une finesse rare, comme d’habitude, dans sa direction d’acteurs, l’ancien patron de la Colline peut compter sur les talents d’un quartett affamé de violence, Dominique Valadié en tête.
Qui a peur de ?… débute comme une comédie bourgeoise américaine des années 70. Martha et Georges, un couple d’universitaires, rentrent ivres dans leur demeure cossue. L’excentrique maîtresse de maison a invité pour un dernier verre Honey et Nick, deux jeunes tourtereaux tout juste installés dans le campus. Sous couvert de plaisanterie, les hôtes déballent leur linge sale devant un public médusé qui se prendra finalement au jeu des répliques acides… Soirée cauchemardesque en perspective.
Quartett infernal
Alain Françon parvient magiquement à restituer cet entre-deux indécis et terrifiant dans sa mise en scène. Déjà, le décor mi-décati, mi-chic de Jacques Gabel inscrit l’espace dans une troublante irréalité. À jardin, un imposant fauteuil noir ; à cour une descente d’escalier élégante. En guise de moquette, un revêtement rouge sang tâché de moisissure grise. Ensuite, les lumières géométriques, dignes des tableaux angoissants et mélancoliques de Hopper, découpent le plateau de façon glaçante. Cette atmosphère de polar vaporeux et alcoolisé se vérifie dans l’interprétation du quatuor, capable de retournements saisissants.
Dominique Valadié trône au sommet de la névrose en harpie-gamine totalement bordeline. Ce complet contre-emploi de vieille sorcière séductrice lui permet d’occuper la scène avec une prestance hypnotique. En même temps, elle suscite à la fin de la pièce une compassion terrible. Valadié dessine le portrait d’une femme couillue et libre, qui sait s’imposer avec excès tout en dévoilant un sensibilité maternelle à fleur de peau. On sent le trauma refluer violemment lorsque la dernière blague de Georges dépasse les limites. À ses côtes justement, Wladimir Yordanoff campe un mari apparemment castré et soumis dont la perfidie éclate avec d’autant plus de méchanceté. Universitaire raté, potentiel assassin involontaire de ses deux parents, il traîne ses casseroles avec une rancœur palpable. Le couple de comédiens restitue avec un art consommé de la répartie et de la volte-face les égarements du cœur et de l’esprit de ces êtres pas si mal assortis que cela. La jeune et délicieuse Julia Faure apporte une touche de légèreté bienvenue dans son emploi de nunuche coincée et vite dévergondée tandis que Pierre-François Garel incarne brutalement un biologiste carriériste.
Alain Françon arrive donc à ménager un suspense haletant dans ce combat oratoire sans répit et autodestructeur par la somme de quatre diamants bruts aux multiples facettes. Cette mise à mort sans issue se déroule dans un cocon de banquet festif défraîchi, comme pour signifier la déliquescence inévitable du mariage après des débuts heureux…
Qui a peur de ?… débute comme une comédie bourgeoise américaine des années 70. Martha et Georges, un couple d’universitaires, rentrent ivres dans leur demeure cossue. L’excentrique maîtresse de maison a invité pour un dernier verre Honey et Nick, deux jeunes tourtereaux tout juste installés dans le campus. Sous couvert de plaisanterie, les hôtes déballent leur linge sale devant un public médusé qui se prendra finalement au jeu des répliques acides… Soirée cauchemardesque en perspective.
Quartett infernal
Alain Françon parvient magiquement à restituer cet entre-deux indécis et terrifiant dans sa mise en scène. Déjà, le décor mi-décati, mi-chic de Jacques Gabel inscrit l’espace dans une troublante irréalité. À jardin, un imposant fauteuil noir ; à cour une descente d’escalier élégante. En guise de moquette, un revêtement rouge sang tâché de moisissure grise. Ensuite, les lumières géométriques, dignes des tableaux angoissants et mélancoliques de Hopper, découpent le plateau de façon glaçante. Cette atmosphère de polar vaporeux et alcoolisé se vérifie dans l’interprétation du quatuor, capable de retournements saisissants.
Dominique Valadié trône au sommet de la névrose en harpie-gamine totalement bordeline. Ce complet contre-emploi de vieille sorcière séductrice lui permet d’occuper la scène avec une prestance hypnotique. En même temps, elle suscite à la fin de la pièce une compassion terrible. Valadié dessine le portrait d’une femme couillue et libre, qui sait s’imposer avec excès tout en dévoilant un sensibilité maternelle à fleur de peau. On sent le trauma refluer violemment lorsque la dernière blague de Georges dépasse les limites. À ses côtes justement, Wladimir Yordanoff campe un mari apparemment castré et soumis dont la perfidie éclate avec d’autant plus de méchanceté. Universitaire raté, potentiel assassin involontaire de ses deux parents, il traîne ses casseroles avec une rancœur palpable. Le couple de comédiens restitue avec un art consommé de la répartie et de la volte-face les égarements du cœur et de l’esprit de ces êtres pas si mal assortis que cela. La jeune et délicieuse Julia Faure apporte une touche de légèreté bienvenue dans son emploi de nunuche coincée et vite dévergondée tandis que Pierre-François Garel incarne brutalement un biologiste carriériste.
Alain Françon arrive donc à ménager un suspense haletant dans ce combat oratoire sans répit et autodestructeur par la somme de quatre diamants bruts aux multiples facettes. Cette mise à mort sans issue se déroule dans un cocon de banquet festif défraîchi, comme pour signifier la déliquescence inévitable du mariage après des débuts heureux…
Ouh que c'est long... Dur de lutter contre le sommeil surtout lorsque tout se joue plus ou moins dans la pénombre.
C'est du théâtre contemporain classique ; peut-être que c'est trop cérébral pour moi mais je n'ai pas adhéré du tout.
Cependant, le jeu des acteurs est absolument splendide. Là-dessus, rien à redire.
En revanche, côté décors (des décors ? Où ça ?....) et lumières, on se demande si quelqu'un s'en est vraiment occupé. Peut-être que non tant c'est visuellement moche.
C'est du théâtre contemporain classique ; peut-être que c'est trop cérébral pour moi mais je n'ai pas adhéré du tout.
Cependant, le jeu des acteurs est absolument splendide. Là-dessus, rien à redire.
En revanche, côté décors (des décors ? Où ça ?....) et lumières, on se demande si quelqu'un s'en est vraiment occupé. Peut-être que non tant c'est visuellement moche.
Un texte violent et cruel où s’enlisent quatre personnages tous troubles sous des apparences trompeuses. Sous l’emprise de l’alcool et des frustrations révélées naissent les piques et les sarcasmes qui transforment le paisible after en une foire d’empoigne qui ne laissera personne indemne.
L’excellent Wladimir Yordanoff (George) occupe l’espace et la scène : au départ universitaire paisible, il va se révéler glaçant et cynique au fil de la soirée. Le comédien, très juste, parvient à révéler les failles et la violence ensevelie d’un homme blessé qui assène les coups verbaux comme des vengeances enfin libérées. A ses côtés, Dominique Valadié est une Martha plus retenue dont la violence est davantage intériorisée que physique. Si j’attendais chez Martha plus de déferlement bouillonnant, elle n’en demeure pas moins très juste elle aussi. Julia Faure et Pierre-François Garel proposent un jeune couple naïf et plein d’illusions qui sous des dehors innocents se révèlera lui aussi plein de rancœurs et de frustrations.
Le décor, très sobre et minimaliste, et la mise en scène d’Alain Françon sont au pur service du texte : pas d’effet, pas de bluff, pas d’exagération : servir le texte, le mettre en exergue, lui réserver un écrin aussi discret que valorisant, telle est la volonté du metteur en scène. Un texte fort, souvent cruellement drôle qui, malgré quelques longueurs finales, dresse un portrait saisissant d’une certaine middle-class américaine qui pourrait être aussi le miroir de la société de Mrs Dalloway. Et, dans les deux cas, des personnages qui au final ont surtout peur de ce qu’ils sont devenus.
L’excellent Wladimir Yordanoff (George) occupe l’espace et la scène : au départ universitaire paisible, il va se révéler glaçant et cynique au fil de la soirée. Le comédien, très juste, parvient à révéler les failles et la violence ensevelie d’un homme blessé qui assène les coups verbaux comme des vengeances enfin libérées. A ses côtés, Dominique Valadié est une Martha plus retenue dont la violence est davantage intériorisée que physique. Si j’attendais chez Martha plus de déferlement bouillonnant, elle n’en demeure pas moins très juste elle aussi. Julia Faure et Pierre-François Garel proposent un jeune couple naïf et plein d’illusions qui sous des dehors innocents se révèlera lui aussi plein de rancœurs et de frustrations.
Le décor, très sobre et minimaliste, et la mise en scène d’Alain Françon sont au pur service du texte : pas d’effet, pas de bluff, pas d’exagération : servir le texte, le mettre en exergue, lui réserver un écrin aussi discret que valorisant, telle est la volonté du metteur en scène. Un texte fort, souvent cruellement drôle qui, malgré quelques longueurs finales, dresse un portrait saisissant d’une certaine middle-class américaine qui pourrait être aussi le miroir de la société de Mrs Dalloway. Et, dans les deux cas, des personnages qui au final ont surtout peur de ce qu’ils sont devenus.
Les avis de la rédaction