Critiques pour l'événement Pelléas et Mélisande
14 janv. 2017
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Publiée en 1892, et créée l’année suivante au théâtre des Bouffes Parisiens à Paris, « Pelléas et Mélisande » est l’une des plus envoûtantes histoires d’amour jamais écrites. Il faut dire qu’elle a été composée par le belge Maurice Maeterlinck, dont l’œuvre fut couronnée en 1911 par le prix Nobel de littérature.
C’est une histoire qui commence comme un conte de fée et se termine sur un drame.

Il était une fois, dans une époque lointaine, un prince nommé Golaud qui s’était perdu dans une forêt de son royaume. Au bord d’une fontaine, il rencontra une jeune fille en pleurs, égarée, comme lui, et qui s’appelait Mélisande. Ce fut comme si la foudre tombait sur le jeune homme. Il ramena Mélisande dans son château et l’épousa, sans vraiment lui demander son avis. Mais Golaud avait un demi frère, Pelléas, qui lui aussi s’éprit de la jeune fille, et, cette fois là, il y eut amour réciproque. Pendant longtemps les deux amoureux ne se dirent rien et ne se touchèrent pas. Mais le jour où, enfin, ils s’avouèrent leurs sentiments, Golaud les surprit. Rendu fou par la jalousie, ce dernier tua Pelléas et blessa Mélisande, qui bien qu’ayant accouché d’une petite fille, mourut de chagrin…

Enigmatique comme un rêve, d’une étrangeté à la fois inquiétante et mélancolique, ce drame, dont Debussy s’empara en 1902 pour en faire un opéra, est un chef d’œuvre du théâtre symboliste. Il est transposé du mythe de Tristan et Yseult, mais a des accents shakespeariens et sa langue est d’une beauté qui confine au sublime.
Encore faut-il savoir en restituer l’atmosphère, si « romantique ». Le metteur en scène Alain Batis a su. Sa scénographie très sobre, très dépouillée, construite autour de savants jeux de voiles et de lumières laisse la charge poétique du texte envahir le plateau. Il est beaucoup aidé par une distribution plus qu’impeccable. Tous ses comédiens, sans aucune exception, semblent comme portés par la langue de Maeterlinck, qu’il faut dire avec simplicité et sans emphase. Ce qu’ils font est magnifique de retenue et d’abandon simultanés. Ils sont accompagnés, sur une musique signée Cyriaque Bellot, par une violoniste et une pianiste, toutes les deux chanteuses.

Parce qu’il tombe souvent dans un maniérisme ou un « pompiérisme » qui le rend insupportable, le théâtre symboliste a déserté les scènes. On se prend à le regretter devant ce « Pelléas et Mélisande » joué sans aucune concession, c’est-à-dire travaillé en se laissant simplement conduire par sa charge poétique, qui est ici d’une profondeur et d’un chatoiement infinis.
Ce travail laissera sûrement quelques spectateurs sur le bord de la route.
Mais si on accepte de se laisser embarquer, ce voyage dans cet univers de songe et de féérie pourra procurer un plaisir fou, un dépaysement total.