Critiques pour l'événement Lapidée
24 mars 2016
6/10
139
Un homme jette une femme dans une cave, lui confisque son passeport, son téléphone, et ferme la porte sur elle. Elle est enfermée. Elle, c’est Anneke ; elle est médecin, hollandaise, et a épousé quelques années plus tôt Abdul, médecin lui aussi, ils ont deux petites filles, et se sont installés au Yemen, pays d’Abdul. Anneke ne veut plus d’enfants et souhaite se consacrer à la médecine ; elle refuse qu’Abdul, qui ploie depuis leur retour sous les traditions et la pression maternelle, prenne une deuxième femme. Elle se voit enfermée, accusée d’adultère et menacée de lapidation. Nouria, la sœur d’Abdul vient régulièrement la voir, un dialogue s’instaure entre les deux femmes, abasourdies et révoltées par l’obscurantisme d’Abdul.

Ainsi commence Lapidée, qui aborde un thème lourd et se veut une condamnation, certes nécessaire et indispensable, d’une coutume archaïque et barbare qui perdure encore dans 12 pays du monde. Dans une scénographie joliment étudiée (les murs de pierre, quelques lucarnes, des sacs) et joliment éclairée, les 3 comédiens incarnent avec justesse les personnages. Pauline Klauss est Anneke, elle oscille entre inconscience, déni, colère, révolte et renoncement. Karim Bouziouane est un mari (Abdul) tiraillé entre ses racines et l’éducation occidentale qu’il a reçue. Nathalie Pfeiffer, enfin, incarne magnifiquement Nouria, la sœur, l’amie, la confidente, qui ne peut que subir le poids d’une tradition ancrée dans son éducation.

Ceci dit et malgré l’interprétation convaincue des comédiens, la femme que je suis est restée en dehors la plupart du temps. Comment ne pas être touchée par cette dénonciation ? Plus j’y réfléchis plus j’en arrive à ces explications : l’utilisation régulière de bande-son et de conversations en voix-off ont freiné mon adhésion ; elles créent une distanciation entre le spectateur et les faits, tout comme le traitement manichéen, très occidental. Ici la femme lapidée est européenne, blanche, éduquée, fille d’une journaliste et d’un avocat, sa famille mobilisera pour elle la presse internationale (certes en vain). En face, son mari est partagé entre ses convictions et la pression sociale, il lui permet d’ailleurs de s’enfuir quelques heures pour voir une dernière fois ses enfants (et elle revient !) ; il lui propose ensuite de disparaître et de faire accuser et tuer Nouria, sa propre sœur (« Et alors ? Elle est vieille et sans enfants ! »).

L’opposition frontale Occident = éducation, progrès, liberté / Orient = intégrisme, barbarie, archaïsme est à mon goût trop sommaire. J’aurais aimé plus de nuances, moins de frontalité, que d’autres traditions orientales bien plus belles et généreuses soient aussi évoquées. De même, l’idée de réduire, au début, le procès en lapidation à une machination imaginée dans le seul but d’éviter un divorce en Europe donc coûteux amoindrit la violence du propos : ce ne sont plus uniquement des traditions barbares et séculaires qui provoquent le procès mais un cynique calcul financier.

Aujourd’hui des femmes sont encore lapidées, des femmes anonymes, des femmes sans éducation, sans défense, des femmes sans armes, des femmes réduites en poussière au nom de sentences stupides assénées par des brutes arriérées. Hier j’aurais aimé voir une femme yéménite, une femme népalaise, une femme nigériane, malienne, soudanaise, afghane, pakistanaise, iranienne, kurde, émiratie, saoudienne, une de ces femmes dont trop souvent les media occidentaux ne se préoccupent pas.

En somme, Lapidée est une pièce certes touchante, et évidemment nécessaire, mais dont la forme (décors étudiés, écriture, histoire des personnages) a pris à mon sens le dessus sur le fond.
21 mars 2016
5/10
100
Le mérite de cette pièce est de traiter d'un sujet terrible. Si terrible que l'on n'imagine pas que cela puisse exister encore de nos jours. Et pour cela, je dis bravo aux comédiens et à l'auteur d'oser marteler haut et fort: "Ici et là, pas loin, on lapide encore !"

Seulement, ce rôle indispensable de porte-voix ne suffit pas à masquer certains défauts et notamment dans la construction des personnages, laissant s'installer une distance incompatible avec toute émotion.

La légèreté déroutante d'Aneke à divers moments nous égare. Elle souffre de l'injustice et de l'incompréhension du comportement de son mari mais elle transmet trop peu sa conscience de la gravité de sa situation. Ses espoirs et ses doutes ne nous conduisent pas à croire à l'issue tragique.
De même, les courts regrets exprimés par le mari sont trop légèrement abordés. Pourquoi son aversion pour l'Occident et ses fausses valeurs a t-il finalement surpassé son rejet des traditions ? Ne voulait-il pas justement tenter de changer les coutumes barbares de son village ?

Seul le rôle de Nouria, la belle-soeur, est abouti. C'est elle qui porte l'espoir.
Face à Aneke et Abdul, ces deux mondes qui ne veulent pas se comprendre, elle oscille comme la flamme d'une bougie entre l'indispensable respect d'une culture séculaire et la possible lumière d'un monde plus juste.
27 févr. 2016
6/10
146
J'ai patienté, attendant l'émotion intense qui n'est pas venue ?

Les voix off s'écoutent en reportage et n'apportent que des infos contextuelles.
Anek subit sans réellement se révolter ... Ça manque de crédibilité à mon goût.

Je suis navrée je n'ai pas été émue !
11 janv. 2016
7,5/10
66
Une pièce qui ne laisse pas indifférent, on a envie de se révolter et/ou de pleurer car l'émotion est intense tout du long.

Hanneke subit la 'justice' du village yéménite où elle s'est installée avec son époux car elle n'a pas voulu se taire. Sa seule alliée est la soeur de son mari mais ce combat est bien inégal.
Justice basée sur l'interprétation des textes sacrés qui permet à chacun de trouver ce qui fera sa foi et sa loi.

Les trois comédiens sont très bien mais les deux femmes sont d'une justesse à faire froid dans le dos.

Au final, on apprend qu'il reste encore 12 pays qui pratiquent la lapidation en 2016 et ça fait froid dans le dos.