Critiques pour l'événement La Reine de Beauté de Leenane
2 oct. 2016
9/10
138
Ils nous ont fait plonger dans la crasse humaine, ils nous ont scotchés comme des mouches sur un papier gluant avant de nous délivrer complètement sonnés à la fin de la dernière scène.
Chapeau bas les comédiens. Gregori Baquet comme toujours excellent.
Ses trois compagnons de scène interprétant avec une totale authenticité leurs personnages.
Mention spéciale pour les deux comédiennes.
18 sept. 2016
9/10
70
Bingo ! Cette histoire, un genre de Tom à la Ferme pinterien, décrit une relation mère-fille invivable, constamment conflictuelle et surtout malsaine, qui se verra chamboulée par l’arrivée de Pat’, un voisin.

L’histoire est délicieusement délirante, les acteurs sont excellents, leurs compositions, exemplaires – Catherine Salviat est une mère-monstre, infâme, abjecte et grincheuse ; Sophie Parel une quadragénaire provocatrice qu’on imaginerait bien mâchant un chewing-gum la bouche ouverte ; Grégori Baquet a un visage qu’on ne lui connaissait pas, le regard vite et benêt, la voix monocorde et légèrement bougonne ; et Arnaud Dupont suit cet exemple en composant un demeuré fini, à la personnalité ambiguë.

A ne pas manquer !
14 sept. 2016
8,5/10
147
La pièce avait fait grande impression cet été dans le OFF du Festival d’Avignon. Voici que le texte de Martin Mcdonagh, mis en scène par Sophie Parel, s’installe au Lucernaire pour cette rentrée théâtrale. Première pièce de notre saison 16-17 et premier coup de cœur pour La reine de beauté de Leenane et son formidable quatuor d’acteurs qui nous entraîne dans une histoire sombre dont aucune issue ne semble possible. Gageons que cette reprise sera couronnée d’un succès fort mérité.

C’est à un huis-clos que nous assistons en pénétrant dans la maison qu’occupent Mag et sa fille Maureen à Leenane, un petit village reculé de l’Irlande. La vieille dame, au comportement digne de Tatie Danielle, se montre un véritable tyran envers sa progéniture, la quarantaine, vierge et célibataire, qui rêve d’amour et de liberté sans jamais parvenir à s’extirper des griffes de la figure maternelle, acariâtre et manipulatrice. L’affrontement est quotidien, jusqu’au jour où une chance se présente, sous les traits de Pat Dooley, un homme qui pourrait bien briser les chaînes de Maureen pour lui faire découvrir les bienfaits amoureux. Mais Mag n’entend pas libérer sa proie aussi facilement.

Maureen n’est pas une mauvaise fille. L’air un peu vulgaire, rêveuse et quelque peu naïve, croyant au prince charmant qui viendra l’enlever sur son cheval blanc, elle fait beaucoup pour sa mère Mag qui, elle, n’a aucune considération pour la jeune femme. Passant son temps dans un fauteuil roulant à regarder la télé et s’inventer de nouveaux symptômes, elle n’a rien d’une compagnie idéale. C’est alors que Ray, leur voisin, arrive, avec ses fautes de syntaxe et de conjugaison mais aussi des tonnes de naïveté et que son frère Pat vient chambouler et redistribuer les cartes dans la guerre sans merci que se livrent mère et fille. Une soirée au goût d’évasion sera l’occasion tant rêvée de démarrer une nouvelle vie mais un malentendu viendra anéantir tout espoir, à moins qu’une lettre ne puisse venir relancer les rêves de liberté qui errent dans la maison, prisonniers d’une domination tyrannique tel un cadenas sur la boîte de Pandore.

Catherine Salviat impressionne dans le rôle de la perverse Mag. Elle est parfaite, détestable à souhait et antipathique. Cette « vieille chouette » cynique échange des mots très durs avec la fascinante Sophie Parel qui est, pour sa part, bouleversante dans la peau de Maureen, à bout d’un amour haineux sur lit d’humiliations et de privations dont elle ne parvient à s’extraire : « Toute façon je suis sûre que tu crèveras jamais. Tu tiendras le coup juste pour me pourrir l’existence » peut-on entendre pendant un énième affrontement. Provocante pour dissimuler ses fêlures, le face-à-face mère/fille se mue en uppercut verbal. Arnaud Dupont apporte légèreté et souffle apaisant dans leur huis-clos sous tension, tandis que Grégori Baquet, époustouflant comme à son habitude, donne à son personnage douceur et compréhension, sensibilité et maladresses, tout en posant un regard bienveillant sur le drame qui se noue.

La mise en scène, fluide et énergique, sert parfaitement cette comédie noire construite comme un thriller. Entre les scènes, le bruit du coucou en accéléré retentit, comme pour rappeler que la dernière heure va sonner prochainement pour l’un des protagonistes. Les ellipses temporelles et narratives s’insèrent parfaitement et relancent la dynamique d’une écriture incisive et criante de sincérité, de réalisme, d’humanité bousculée. La reine de beauté de Leenane se présente comme un drame qui dérange mais qui fait surtout réfléchir sur les promesses d’une vie meilleure, à construire ailleurs.
14 sept. 2016
8/10
89
Je suis allé voir la pièce après avoir lu la revue d'aubalcon et j'ai adoré.

On sait qu'une pièce est réussie quand on s'inquiète pour les personnages. Elle l'est à coup sûr !
On voyage très rapidement au sein de ce village irlandais un peu paumé.

Un humour noir qui fait mouche, des personnages attachants, une pièce à voir sans aucun doute.
9 sept. 2016
9/10
28
Avec cette pièce écrite en 1996, Martin McDonagh signe une tragi-comédie moderne, sordide et drôle, cruelle et proche. Nourri d’un humour implacable, le texte jongle avec la folie, la vieillesse et l’interdépendance, confrontées aux désirs de vivre au plus près du bonheur.

La haine et l’amour dévastent ces histoires de vie simples, déraillées, emprisonnées et comme empêchées à chaque fois que le hasard vient toquer à la porte pour l’ouvrir à la liberté, au possible, à une vie meilleure.

Dans le petit village irlandais de Leenane, Maureen, jeune et belle quadra, vit avec Mag, sa mère tyrannique et castratrice qui semble la retenir sous sa coupe au prétexte d’un secret qu’elle détient sur sa fille. À moins que cela ne soit Maureen qui s’enferme dans la maison familiale comme on s’enferme dans la folie.

Au cours d’une soirée, Maureen retrouve Pat, un ancien voisin. Attirés l’un par l’autre, ils passeront la nuit ensemble sans rien consommer de leurs désirs. Pat repartira le lendemain et finira par écrire son amour à Maureen, « sa reine de beauté », lui confiant son souhait de vivre avec elle. Cette lettre, Mag l’interceptera et la détruira. Maureen découvrira trop tard le contenu de ce message. Les plaies toujours ouvertes saigneront de nouveau, cette fois-ci à jamais.

L’écriture de McDonagh et la traduction de Gildas Bourdet utilisent une langue tronquée, familière et souvent violente, nous offrant un langage épuré aux accents argotiques. Les relations entre les personnages s’en trouvent plus crues, plus directes, sans ambages, faisant mouche à tous les coups.

La distribution toute en fine justesse est étincelante.

Catherine Salviat joue Mag avec une précision inouïe, un machiavélisme fourbe et troublant à la fois, une présence étonnante, magistrale. Nous ne savons pas si nous devons la craindre ou la plaindre. Sophie Parel, qui assure par ailleurs une adroite mise en scène, joue Maureen. Pêchue, attachante et déroutante, elle nous séduit dès le début mais pour elle-aussi, nous ne saurons pas si nous devons la redouter ou la soutenir. Grégori Baquet joue Pat avec une intensité puissante et une sincérité émouvante. Arnaud Dupond joue Ray, le frère de Pat, le rendant pataud et innocent à souhait.

Un spectacle touchant, aux allures de thriller, soigné et merveilleusement joué.
4 sept. 2016
9/10
119
Cette grenouille couronnée sur l'affiche dit tout !

La « princesse » attend son crapaud charmant…
Maureen la quarantaine, jupe courte et chaussons lapins, éternelle jeune fille, s'affronte avec sa mère handicapée, pas vraiment physique, mais surtout du coeur ! La vie n’est pas tendre avec ses deux femmes. Pourtant un jeune homme viendra jeter le trouble dans leurs cœurs. L’amour ne fait pas tout et peut conduire à la folie.

La pièce très noire de McDonagh ne laisse pas beaucoup d’espoir, mais on se dit, que l’on est à l’abri de ce genre de folie.
Il y a aussi beaucoup d’humour et de rires dans certaines scènes.
Et une distribution magistrale, Catherine Salviat que l’on a toujours plaisir à retrouver, dans différents registres, et Sophie Parel qui signe la mise en scène et joue Maureen, aux côtés de Grégori Baquet, cœur tendre et Arnaud Dupont un vrai tempérament comique.

C’est l’Irlande avec ses déchirures et ses contrastes. Une critique sociale qui va très loin.
1 sept. 2016
8/10
50
Quelque part dans le Connemara, au fin fond de l'Irlande, Maureen, 40 ans, vit avec sa mère Mag acariâtre à souhait. Mag se plait à contrarier sa fille et à lui faire faire ses quatre volontés, Maureen lui rend coup pour coup et rêve d'un ailleurs sans sa mère.

L'ambiance noire et tendue à souhait entre ces deux là, arrive à nous faire rire malgré tout et c'est le tour de force de cette pièce qui nous montre la misère sociale irlandaise sous son pire jour. Pas besoin d'une mise en scène sophistiquée.

Les comédiens sont bons mais Catherine Salviat emporte mon admiration car elle incarne extrêmement bien cette vieille insupportable qu'on a envie de frapper.
24 juil. 2016
9/10
36
A Avignon, après que la chanson de Sardou Les lacs du Connemara ait résonné à plusieurs reprises lors du réjouissant Au dessus de la mêlée de Cédric Chapuis, nous voici encore dans la région de Galway, Connemara, dans le petit village de Leenane. Mais de terres brûlées et de landes de pierre on ne verra rien, si ce n’est dans l’imaginaire que Martin Mc Donagh, l’auteur irlandais, réussit à insuffler dans son texte à la fois pessimiste et truffé d’humour noir. A Leenane, donc, vivent Mag (Catherine Salviat) et sa fille Maureen (Sophie Parel). Vieille, acariâtre, aussi têtue que sournoise, Mag fait de la vie de Maureen un enfer. La quarantaine pas encore fanée mais déjà étiolée par l’ennui, l’horizon sclérosé par un avenir qui n’a jamais éclos, Maureen rêve encore naïvement d’un ailleurs qui ne serait pas vampirisé par sa mère. Quand Ray, un ami d’enfance, vient inviter Maureen à une soirée, l’éclaircie inespérée dans la morne vie de sa fille est loin de réjouir Mag qui a trop peur de se retrouver seule.

A coup de répliques assassines entre les deux femmes, d’uppercuts verbaux aussi violents que rageurs, les deux comédiennes nous entraînent dans une comédie noire dont l’humour n’est qu’un baume apaisant, une politesse du désespoir aussi grave que désabusée. On rit, pourtant, devant Sophie Parel qui trimbale sa nonchalance provocatrice et vulgaire avec conviction tandis que la toujours magnifique Catherine Salviat se transforme avec brio en une vieille peau aussi méchante que pathétiquement seule. Regard noir, langue de vipère, dos vouté et corps avachi dans son vieux fauteuil roulant, l’œil vitreux rivé à sa télé, la sociétaire honoraire du Français se régale visiblement dans un rôle à contrecourant de sa carrière classique. Magistrale.

Aux côtés de ces deux furies, Grégori Baquet (Pato Douley) est très juste en amoureux éconduit et patient tandis qu’Arnaud Dupont touchant en ami d’enfance pataud et rustre.

Un texte sans concessions, donc, qui nous transporte dans une Irlande où les rêves ne parviennent même plus à naître sous la misère sociale, où la détresse transforme même l’amour en haine, où les rancoeurs sont aussi persistantes et opaques que le brouillard sur les lacs. Le décor (une vieille cuisine terne et fatiguée), la mise en scène sobre et efficace qui laisse la part belle à l’histoire font de cette Reine de beauté un régal de noirceur à la fois fiévreux et touchant, jusqu’au dénouement aussi surprenant qu’édifiant.

Là-bas , au Connemara, on dit que la vie c’est une folie, dit la chanson. Ici, la folie est noire, amère, brûlante et désespérée.

Une réussite.