Critiques pour l'événement Hôtel Feydeau
1 févr. 2017
7,5/10
78
Histoire de prolonger les fêtes de fin d’année, l’Odéon programme une variation autour des pièces en un acte célébrissimes de Feydeau. Aux manettes, Georges Lavaudant, qui connaît fort bien son affaire, tisse un patchwork sacrément efficace en tirant la folle quintessence comiques de ces affrontements de couples. On purge Bébé, Mains n’te promène donc pas toute nue, Feu la mère de Madame et Léonie est en avance se retrouvent ainsi imbriquées avec fluidité et naturel. Cette condensation ébouriffante carbure à un tempo qui ne laisse pas vraiment de répit aux zygomatiques.

Dans un décor blanc immaculé, si propre qu’on craindrait l’apparition d’une minuscule tâche, des chaises de couleur vive et criarde trônent un peu partout sur la scène. Du rose, du vert, du jaune, du bleu. Un arc-en-ciel éparpillé dont les rayons en zig-zag convergent vers l’irruption du désordre dans cet appartement trop propre pour être vrai. Les dernières comédies de Feydeau sont indubitablement ramassées : quelques personnages, une action limitée à deux ou trois événements majeurs. Lavaudant a choisi de mettre en avant dans son montage fragmenté l’acmé de la crise, le centre névralgique de la bagarre. Qu’il s’agisse d’un enfant à purger, d’une nudité à cacher, d’une lubie étrange ou du repos nocturne, maris et femmes luttent pour gagner la mise. Si les hommes font les coqs et bâtissent des châteaux en Espagne en rêvant de devenir ministres, leurs épouses veillent au grain pour leur rabattre le caquet et les tourner en ridicule.

Transmission hilarante
Lavaudant ne cherche absolument pas à faire dans le réalisme : nos couples et domestiques sont zinzins, excessifs et hauts en couleur. Brillante idée d’avoir convoqué une troupe intergénérationnelle : tous tirent leur épingle du jeu. À commencer par l’irrésistible André Marcon, tordant lorsqu’il évoque ses crises de colique ; Manuel Le Lièvre ravageur en Toto capricieux (sa démarche et ses mimiques de gamin colérique valent le coup). Dans une tenue vaporeuse jaune abeille aguichante, Astrid Bas régale en femme nature et audacieuse, qui veut absolument qu’on lui suce les fesses. Grace Seri campe une épouse obstinée et tigresse avec ses bigoudis et sa robe de chambre. Lou Chauvain, elle, est une bonne à l’accent impayable et au franc-parler gaffeur. Le reste est à l’avenant.

Chaque saynète est rythmée par un intermède joyeusement dansé et coloré, façon fête du village un brin inquiétante et le final, qui voit se réunir tous nos personnages dans une cacophonie monstre, fait littéralement péter les plombs.

Lavaudant nous convie donc à fêter Feydeau sous le souffle d’une explosion hystérique et frappée. On se paye une belle tranche de rire.
18 janv. 2017
5,5/10
118
Un malaise.
Cet hôtel Feydeau m'a procuré comme une sorte de malaise.

Pourquoi saucissonner ainsi cet auteur majeur ?
Lavaudant "s'amuserait-il" à découper en tranches Molière, Shakespeare ou Tchékov ?

Ici, ce qui pêche, c'est selon moi l'amalgame de scènes mises bout-à-bout.
On ne peut plus parler de mécanique de l'intrigue...
La mécanique feydolienne se retrouve en permanence interrompue.
On passe en permanence à autre chose.

A tel point que je me suis surpris à parier sur les moments où l'on changerait de scène...
Je n'étais vraiment pas dedans...

Alors bien entendu, le metteur en scène nous dit avoir voulu mettre en avant le "dernier" Feydeau, plus sombre, plus vachard, plus désespéré...
Soit...
Il est d'ailleurs plaisant de constater que dans le livret-programme, est oubliée une pièce : on parle de quatre pièces alors que cinq ont servi à ce saucissonnage.
Acte manqué ?

Pourtant, tout avait bien commencé..

Un décor très feydolien stylisé, immaculé, sur lequel tout peut être joué attend le public.
Les traditionnelles trois portes à jardin, cour,  et au lointain, les deux cheminées, les deux lustres, les bouquets de fleurs blanches elles aussi sur leur console.

Sans oublier neuf chaises aux couleurs....
Comment dire....
On se croirait dans une boutique de macarons Ladurée.
(Je précise que ce papier n'est pas sponsorisé...)

De jolies couleurs flashy qui seront accentuées par des éclairages eux aussi du même registre.

Les comédiens entrent sur scène.

Comme le metteur en scène a situé les différentes actions dans un hôtel, nous avons droit à une version du pauvre de la série "Palace" de Jean-Michel Ribes diffusée sur "Canal + historique".
Des soubrettes, des garçons, un groom esquissent quelques pas de danse. (Le procédé sera repris pour changer de scène, avec des projections-gobos mobiles. )

Et le découpage en tranches commence.

Tout de suite, j'ai senti les comédiens mal à l'aise.
Et pourtant, ce sont des pointures.
Mal à l'aise car ils sont forcément bridés, l'intrigue étant à chaque fois stoppée net.

Par deux fois même, deux scènes d'une même pièce sont données entrelardées d'autres...
Comme si, lors d'un voyage en train, on était plusieurs fois aiguillés sans raison aucune sur d'autres voies pour revenir ensuite dans la même direction.

Mais il faut être juste.
Les acteurs nous procurent de vrais bons moments.

Faire entrer André Marcon en perruque Louis XIV est une belle idée. Son Chouilloux est aussi très intéressant.

Manuel Le Lièvre en Toto, puis en Ventroux, puis en Toudoux, excelle.
(Je gagerais bien que Lavaudant lui a demandé par moments de jouer comme Christian Hecq, de la Comédie française... Nous appellerons çà un hommage...)

Les filles ne sont pas en reste.
Astrid Bas, en magnifique nuisette longue couleur pamplemousse, Grâce Séri en bigoudis, Lou Chauvin avec son faux ventre de huit mois, et Tatiana Spivakova en jolie robe de chambre, toutes sont épatantes.

Tous les comédiens essaient d'assurer du mieux qu'ils peuvent pour tenter de donner une unité à tout ça.
Tous font admirablement ce qu'on leur a demandé, mais tous m'ont semblé empêtrés là-dedans...

Il m'a fallu attendre la toute dernière scène pour rire vraiment...
Et pourtant, je suis bon public...

Un dernier signe qui ne trompe pas : au moment du salut, on ne sentira pas un grand enthousiasme de la part des acteurs...

M. Lavaudant, je vous en prie, montez un Feydeau dans son intégralité, ou bien organisez un festival où vous donnerez les cinq pièces : le grand Georges mérite mieux que quelques étages d'un hôtel.
Je compte sur vous.
15 janv. 2017
4/10
69
Après de féroces Damnés à la Comédie Française, voilà que l'Odéon dégaine une version très classique de Feydeau (à quand un mise en scène pointue aux deux ânes ?). S'il peut être plaisant et reposant de ne pas se faire malmener par une adaptation complexe, on est quand même à deux doigts de l'ennui si le rythme n'était pas aussi juste.

Il n’empêche, avec un comique basé sur les blagues scato, sur l'adultère/le sexe ou sur la relation maître/domestique datée, on peut se demander si Feydeau n'est pas, en tout cas pour ces textes choisis ici, un peu surévalué.

On ne pourra alors rien reprocher aux acteurs devant composer avec ce texte aussi plat que le décor, blanc et uniquement agrémenté de quelques chaises colorées.
12 janv. 2017
5/10
29
Ah le plaisir de retrouver Feydeau est toujours une gourmandise délicieuse à côté de laquelle une brioche chaude à la voute croquante, même servie avec du vrai chocolat chaud, ne serait égale qu’aux tristes saveurs d’un Irish coffee raté !... Aussi bien, c’est le sourire aux lèvres et le dos bien calé que nous attendions le début de ce spectacle…

Nous avons vite changé d’allure. Du plaisir attendu, nous sommes passé à la désillusion surprise puis au désappointement gêné pour finir par nous demander si ce n’est pas un début de grippe ou une autre indélicatesse personnelle qui nous rendit tant marri, tant penaud et nous fit espérer la fin comme un amant fatigué attend la délivrance de l’aube pour dormir.

Certes, il peut être tentant de montrer Feydeau sous une facette qu’on ne lui connait pas encore. Le parti-pris de la mise en scène est audacieux. Faire une revue, façon « Palace », composée de sketchs choisis parmi les scènes des cinq dernières pièces du grand maître et d’enchainements musicaux dansés, farfelus et décalés, pourquoi pas !... Mais hélas Elias, cela ne fonctionne pas. Le risque de tomber dans une série de scènes de concours est bien là et nous n’y échappons pas.

Comme nous le savons, le théâtre de Feydeau repose sur la mécanique précise des situations et des propos qui les accompagnent. La dynamique de cette mécanique a un début et une fin entre lesquels une progression savante et précise de montée en puissance, en vitesse et en rires, fonde l’efficacité de ce comique implacable. Ici, la succession de scènes entremêlées ripe sans glissement et râpe sans ménagement. Des sursauts de rire remplacent les effets explosifs logiquement obtenus par le montage bien huilé. Seuls, les traits jouent leur rôles et des soubresauts de rires parsèment ici ou là le spectacle, plus au début qu’à la fin.

L’enthousiasme des comédiens ne parvient pas à emporter la mise. De qualité inégale, peut-être mal distribués, les jeux n'apparaissent pas toujours crédibles. Certains couples fonctionnent, d’autres moins. Nous n’oublions pas que chez Feydeau, les femmes, quel que soit leur rang social, sont fortes en gouaille ou en réparties, avec brutalité ou élégance, selon les rôles…

Malgré l’audace ingénieuse de cette mise en scénettes, son comique s'y fait discret et ses enchainements dansés, plutôt laborieux. L'ensemble ne passe pas la rampe, le public ne rit pas ou si peu. Or, quel que soit le parti-pris choisi et somme toute ici, un peu trop alambiqué, il semble bien que devant du Feydeau, on ne réfléchit pas, on rit.
4 janv. 2017
7,5/10
19
Une compilation pétillante !

Hôtel Feydeau réunit tous les ingrédients d'une bonne pièce : une mise en scène dynamique, musicale et joyeuse, des textes de Feydeau indémodables (situations loufoques, drôleries de couples...) et des comédiens excellents.

Très bonne soirée à l'Odéon !