- En tournée
- En tournée dans toute la France
L'Ubu Roi

- En tournée dans toute la France
Dans cette "grande bouffe" barbare, les tableaux ne se suivent pas, ils se percutent, se contestent et se répètent sur le mode emphatique, ironique et critique.
"Ubu Roi accompagne mon parcours de metteur en scène depuis la création de la Compagnie des Dramaticules. Artaud et Jarry sont les figures auxquelles je me réfère le plus régulièrement. Pas un de mes projets sans que leur sens de l'artisanat, leur violence dans l'humour, leur lucidité dans le chaos ne soient évoqués.
Les monstres, les destructeurs, les transgresseurs, les magnifiques losers ont toujours animé mes spectacles. Ce sont les "meilleurs" personnages. Ceux qui, éternellement, nous permettent de mesurer nos pulsions, nos fantasmes et nos frustrations. Ceux qui interrogent la théâtralité par leur seule présence sur la scène. Et puis, la question de la théâtralité est pour moi hautement politique puisqu'elle détermine l'ambition et le degré d'engagement des artistes dans leur action sur le plateau."
Jérémie Le Louet
Un beau bordel qui reflète bien la pièce, de l’inattendu pour chaque scène, des selfis, et de la violence, un Ubu roi parfaitement ubuesque, absolument cool et bordélique.
Mais calmons-nous.
En effet j’avais découvert Les Dramaticules au dernier festival d’Avignon dans un spectacle extraordinaire : Affreux, bêtes et pédants (dont vous trouverez des compliments même pas malhonnêtes ici-bas : http://www.aubalcon.fr/bilan-avignon ). Et c'est avec une certaine forme d’obsession malsaine que j’ai voulu suite au festival suivre chacun de leurs faits et gestes. C’est donc fatalement que je galopais au théâtre de Chatillon le 14 novembre pour la première de leur nouveau spectacle inspiré d’Ubu roi de Jarry, pièce qui déjà se posait en rupture avec les conventions théâtrales de la fin du XIXème.
Nous entrons dans la salle et d’ores et déjà la scène est un délice à observer, immense espace scénique un peu foutraque avec des costumes, des perruques et des décors improbables (on attend dès le début l’entrée en scène du cheval grandeur nature). Le fameux prof de lettres (personnage déjà croisé dans Affreux bêtes et pédants) nous accueille avec une présentation très « prof » de la pièce que nous allons voir avec un second degré qui restera de mise tout au long du spectacle.
Et puis la pièce commence.
Monsieur et Madame Ubu jouent la première scène comme une grosse bouffonnerie grossière. Le comédien jouant Ubu se faire huer depuis le public par le metteur en scène qui débarque sur scène en gueulant pour récupérer sa gidouille que l’autre coco ne mérite pas ("coco" pour "comédiens" pas "communiste" attention) . Et bien croyez-le ou non mais c’est une phrase qui reste en tête « tu ne mérites pas ta gidouille ». Le metteur en scène/comédien qui est lui-même metteur en scène comédien du spectacle, Jérémie Le Louët nous donne à voir une incroyable mise en abime métaleptique et donc métagidouille. Et ainsi le spectacle sera constamment interrompu par les frasques du metteur en scène artiste égocentrique, face à ses comédiens peu dociles. On assiste en fait à ce qu’il serait juste de nommer sans ambiguïté un énorme bordel. Mais un bordel génial, agrémenté de scènes complètement loufoques : la prise de pouvoir d’Ubu roi dont le premier geste sous la couronne sera de faire un selfie (là je dis bravo) les jeux de caméra projetés sur l’écran en fond de scène qui donnent un effet d’infini ou encore le public lui-même filmé qui devient alors la plèbe du roi. Et j’en passe.
Mais dans le fond ce qui est assez jubilatoire c’est qu’on ne tente pas de nous transmettre un message. Il y a quelque chose de réjouissant dans ce sentiment que nous regardons tout simplement des gosses jouer au roi et à la reine dans le grenier des grand parents. Alors si bien sur vos grand parents sont morts, ou que vous ne les avez pas connus ou que tout simplement vous ne les aimiez pas parce qu’ils étaient pingres et un peu racistes, vous pouvez transposer la métaphore dans le grenier de n’importe quelle autre personne de votre cercle familial, ou amical.
D’ailleurs eux-mêmes sapent ce côté bordélique et gamin par un auto-foutage de gueule sur la fin en faisant intervenir de façon impromptue un critique intello qui descend bien évidement le spectacle. L’intervention est drôle mais presque regrettable et donne un peu le sentiment qu’ils n’assument pas jusqu’au bout leur démarche anarchique.
Mais peu importe le spectacle reste formidable, et a le mérite de nous prendre à rebrousse-poil, de sortir des sentiers battus et de contribuer à la créativité d’un théâtre nouveau même s’il y a une certaine norme dans le bordel. Je ne connais pas les spectacles de Vincent Macaigne donc je ne peux pas m’engager corps et âme sur l’éventuelle similitude en revanche c’est une comparaison que j’ai ouï à plusieurs reprises ce qui porte à croire que ces gars-là ne sont pas prêts de rentrer dans les clous d’un théâtre conformiste et ont encore pas mal de choses à nous mettre sous la dent !