- En tournée
- En tournée dans toute la France
Karamazov

- Carrière de Boulbon
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Telle une enquête grandiose, le roman de Dostoïevski explore les tourments et les contradictions qui conduisent l'un des fils Karamazov au parricide de Fiodor.
L'intempérant Mitia est revenu pour exiger l'héritage maternel indûment conservé par le père. Ivan, aussi instruit qu'intransigeant, nourrit un mépris insondable pour cet homme dépravé. La perversité de Smerdiakov, fils illégitime, pèse comme une menace sur la maison. Seul le jeune Aliocha, dévoué et pieux, semble déterminé à écouter chacun, à comprendre et aimer. En contrepoint des rancoeurs qui les occupent, une tragédie se joue dans la famille d'un homme blessé, offensé puis humilié sous les yeux de son fils Iliocha qui ne s'en remettra pas.
C'est le point de vue que Jean Bellorini et sa troupe choisissent pour déployer la symphonie des Karamazov : une datcha de verre abrite une famille pauvre, simple et honnête qui raconte l'histoire d'Aliocha et de ses frères.
Porteurs d'autant de sens, la musique, le silence et la parole se relaient pour poser, amplifier et transmettre les questions essentielles de l'oeuvre du romancier russe : la possibilité d'une justice dans un monde sans Dieu, la possibilité d'une valeur accordée à l'amour et à la charité.
Il a reçu le Molière du meilleur spectacle pour Paroles gelées et le Molière de la mise en scène à la fois pour cette pièce et La Bonne Âme du Se-Tchouan de Bertolt Brecht.
Il nous avait enchanté ensuite avec Liliom. Je comprends donc que lorsqu'on lui a proposé de faire une création pour le Festival d'Avignon il ait choisi un grand texte littéraire plutôt qu'une pièce classique du répertoire.
Il avait déjà monté Tempête sous un crâne de Victor Hugo qui 3 heures 30 durant avait transporté les spectateurs. Il a choisi cette fois Karamazov, sans hésiter à doubler le temps de représentation dans la version originale donnée dans la Carrière de Boulbon où je me souviens d'avoir vu l'épopée du Mahabharata présentée par Peter Brook, dont il partage le même amour du texte et des comédiens. C'était en juillet 1985 (Jean était alors un bambin), dans la magnifique traduction de Jean-Claude Carrière, et on inaugurait alors ce lieu atypique plébiscité depuis.
Jean Bellorini s'est attelé lui-même à l'adaptation pour prélever ce qu'il nomme des morceaux choisis. Et il signe scénographie, lumières et musique, comme à son habitude, faisant terriblement penser à la manière de travailler de Xavier Dolan, autre artiste surdoué de la même génération.
Il ne recule pas devant un monologue d'une trentaine de minutes ... bien au contraire. C’est en entendant Patrice Chéreau lire le poème du "Grand inquisiteur" à la Cartoucherie, il y a huit ans, que lui est venue l’idée de ce spectacle.
Rien n'est gadget. Nous ne sommes pas dans un théâtre d'effets, même s'ils existent. Quand je devine l'introduction musicale de la chanson d'Adamo, Tombe la neige, je n'en crois pas mes oreilles et pourtant il n'y aura rien de ridicule. L'interprétation qu'en fait Marc Plas, (le quatrième frère, Smerdiakov) déborde d'émotion, cristallisant sa soif de vengeance, attisée au feu de sa condition de domestique. Plus tard Dmitri (Jean-Christophe Folly, acteur formidable) exprimera la puissance d'un chanteur de rock.
La conception des costumes et des accessoires scéniques a été confiée à Macha Makeïeff, metteuse en scène, directrice elle-même du Théâtre de la Criée à Marseille, qui revendique le goût pour les objets de récupération. Elle a choisi des objets qui renvoient à des éléments du quotidien : chaises, bancs, tables, lampes. Ils dessinent des intérieurs ordinaires, mais le fait qu’ils aient été chinés leur confère un passé, une vie antérieure qui ajoute de la densité à leur présence scénique. On remarque aussi un fauteuil roulant hors d'âge.
L’importance accordée aux lampes renvoie à l’effort de clarté, de compréhension qui anime chacun des personnages. Plus tard nous verrons qu'elle a judicieusement opté pour un pardessus de laine vert printemps pour Dmitri, le militaire, et une étoffe rouge cardinal pour Alexeï le religieux, une robe en lamé doré pour Katia.
Mais pour le moment, au début de la pièce, il n'y a qu'un grand espace qui a des allures de hangar ouvert, surmonté d'un toit plat, un fauteuil d'handicapé curieusement peint en vert, un lit d'enfant et un cheval de bois. Au centre une cage de verre symbolisant un salon encombrée de bougies où l'on vit replié sur soi-même. Un demi orchestre au fond, une batterie à cour. Et navigant entre tous les éléments un petit garçon désoeuvré... qui regarde le public s'installer.
Le décor n'est que partiellement présent sur le plateau à l'entrée du public mais l'œil est déjà saturé d'images. En extérieur, il aurait été légitime de poser des caravanes -comme Bellorini en a l'habitude- mais il a choisi plusieurs cages de verre, non pas pour la complexité, mais pour leur transparence qui permet de faire se dérouler concomitamment plusieurs scènes comme de symboliser une pensée en mouvement. Et puis sans doute aussi pour l'évocation d'un cabinet de curiosités renfermant des spécimens et autorisant des images cinématographiques. Par exemple lorsque le père, Fiodor Pavlovitch, endormi dans son fauteuil est recouvert progressivement par la neige ...
Il les fait glisser sur des rails, en mouvements d'aller-retour qui font penser à ces petits puzzles coulissants si complexes à reconstituer.
Camille de la Héronnière déboule en ménagère (il ne lui manque qu'un cabas débordant de poireaux pour qu'on le pense revenir du marché), se plante pour donner, dit-il, un point dramaturgique pour les une ou deux personnes qui n'auraient pas lu l'énorme bouquin narrant l'histoire de la famille Karamazov. On a bien compris que c'est une version moderne de la coryphée qui nous est jouée à la manière d'Anne Delbée résumant Phèdre, mais sans provoquer la même émotion, peut-être parce que les mots sont très scandés : le père appartient au type d'homme nul, débauché, bon à rien, marié deux fois, a eu trois fils, l'ainé Dmitri de sa première femme, Yvan et Alexeï de la deuxième, que dès qu'il fut veuf il avait tout bonnement laisssé tomber son enfant. Il nous prévient que nous allons voir beaucoup de comédiens.
Dit comme ça on pense que l'on va s'en tirer mais franchement on sera perdu entre les diminutifs et les surnoms comme le font toujours les auteurs russes. Un seul exemple : Dmitri est aussi mais encore Mitia. Alors je l'avoue, je n'ai pas réussi à suivre le spectacle dans son intégralité.
Mais je me suis laissée porter par les images, les sensations, et même les monologues déraisonnables de longueur tant l'éloquence, au sens noble du terme, nous émeut et nous transporte comme seule l'écriture poétique y parvient.
De quoi nous parle Dostoïevski ? D'argent, beaucoup, même excessivement, de sexe, énormément, de religion, indubitablement, d'insectes, un peu. Il nous prévient que la sensualité est une tempête, et que la vie après la mort reste une énigme. Quant à Dieu, ce n'est qu'une hypothèse ...
Comment Jean Bellorini l'a-t-il rendu ? D'abord en le montant comme un roman policier, ce qui justifie que le spectateur soit parfois perdu, hésitant à juger de la culpabilité d'un frère ou d'un autre dans la mort du père.
Et puis en en faisant presque une fresque cinématographique, allant jusqu'à employer les énormes éclairages des plateaux de tournage, ou un gigantesque ventilateur que le public verra en action pour projeter des cristaux de neige, sortis de la poche de Grouchenka. D'ailleurs les rails ne sont-ils pas les mêmes que ceux qui permettent de faire les travellings ?
Comme toujours avec Bellorini, les comédiens sont aussi chanteurs, solo ou en choeur (très joli Hymne des Chérubins de Tchaikovsky, en ouverture, et puissant Gloria in excelsis en choeur et en canon à la fin), et tous musiciens, pour composer un orchestre de cuivres, renforcé par des musiciens confirmés comme le pianiste Michalis Boliakis qui offre en respiration du Tchaïkovski ou des musiques plus contemporaines.
Au final, on oublie les heures et on voudrait même pouvoir rembobiner et reprendre au début (possible avec le DVD du spectacle, proposé à la sortie). On salue le travail de la troupe dans sa globalité et de chacun pour ses performances, d'acteur, de chanteur, de musicien.
Et pourtant, bien entendu on n'est pas d'accord avec Dostoïevski sur bien des points. La condition féminine en prend un coup avec lui, mais le concept à l'époque n'est même pas pensable. Katia se propose comme mobilier : Je serai le tapis sur lequel vous marcherez.
En tout cas les rôles féminins sont magnifiquement servis par Karyll Elgrichi (l’altière Katerina Ivanovna), Blanche Leleu (l’émouvante Liza) et Clara Meyer (la rebelle Grouchenka).
Quand on ne connait pas l'oeuvre, le problème est que c'est fastidieux. Mention spéciale pour la musique et les parties chantées qui donne vraiment à la pièce un cachet particulier.
Personnellement, j'ai toujours un peu de mal à apprécier les adaptations romanesques, car les romans, et plus particulièrement ceux de Dostoïevski, qui comptent parmi mes favoris, me semblent si riches, que le transport de la lecture est, à mon sens, difficilement transposable sur scène. C'est donc un peu rétive que j'ai assisté aux 5 heures de spectacle.
Le parti pris désarçonne d'emblée. La présence forte de l'auteur en tant que narrateur dans La note de l'auteur, où il se présente comme biographe mais aussi comme l'auteur en tant que tel, note particulièrement bien représentée sous la forme d'un personnage, plus ou moins travesti, qui prend en charge le récit. Ce narrateur a une fonction également comique dans la pièce : il zézaie, amuse le public et, par là même, rend les commentaires sarcastiques du narrateur dans le début de l'oeuvre. Il introduit ainsi l'une des particularités des oeuvres dostoievskienne : une atmosphère roman très sombre mais oscillant malgré tout entre gai délire et profondeur métaphysique. Des morceaux du texte se retrouve dans la tirade du narrateur.
L'intrigue du roman tourne autour d'une famille particulière les Karamazov : le père Fiodor Pavlovitch, homme sans foi ni loi, a eu trois fils de femmes différentes Alexei, Ivan, Dimitri et sans doute, le bâtard Smerdiakov apparemment du viol d'une servante muette et qu'il emploie comme domestique. Le personnage de Fiodor Pavlovitch est particulièrement détestable et l'intrigue tourne autour du parricide, et plus ou moins de la résolution de cette intrigue devenue policière. Il semble que ce n'est pas tant qui a tué Fiodor Pavlovitch que le rapport des frères et du père à la foi, au pays et aux grandes questions métaphysiques et entre eux qui importe. Un peu comme dans Crime et Châtiment.
Ainsi, sur scène Ivan, le révolté, perdant tout contrôle de lui-même l'exprimera de cette manière : "ce n'est pas Dieu que je n'accepte pas. C'est le monde qu'il a crée."Chacun des fils incarnant un rapport à Dieu, Aliocha la foi sereine, Dimitri homme écartelé entre vice et vertu.
Le plateau, immense dans la Carrière Boulbon, à la scénographie assez rudimentaire de prime abord, deux chaises une table, un fauteuil à bascule, une immense Isba (maison traditionnelle russe). Ici, la video ne sert qu'à portraiturer les personnages. Tout est finalement comme un théâtre à machine. Avec l'authenticité des musiciens. La scénographie se révèle inventive, bien plus complexe qu'elle n'y paraît à première vue et très bien exploitée. Ainsi, une cabine/cage vitrée montée sur des rails et roulante passe au bout des premiers instants. Il s'agit en fait de deux rails permettant le transport de deux structures coulissantes modulables, ou plutôt de deux mini-plateaux, ce qui permet d'alterner en direct décors, lieux ou encore de faire se rejoindre deux amants et de matérialiser leur séparation. L'espace théâtral devient, par là-même, circonscrit au beau milieu du plateau lors du passage de ces mini décors ambulant, comme dans un autre espace plus intime, c'est le cas lorsque Fiodor Pavlovitch entre chez lui et qu'il neige, que le plateau ne peut qu'enserrer; ces cages vitrées permettent également à d'autres moments du spectacle à diverses temporalité de s'entrechoquer (retour en arrière sur la rencontre entre Dimitri et Katerina Ivanovna). Toute l'ingéniosité de la mise en scène s'en ressent, puisque le roman alterne espace intime et espace social mais se meut en un moyen dramatique ingénieux, qui permet de présenter le retour en arrière du récit sur scène.
La pièce est elle-même découpée en jours : jour premier, jour second ce qui permet de bien repérer l'évolution de l'intrigue et la ramification des relations entre les personnages. Le texte lui-même est repris dans tout son tragique, presque comme une métaphore de la condition humaine et ses belles antithèses comme : "la beauté est une chose affreuse et indéfinissable" comme le chante Mitia (Dimitri). Des musiciens se trouvent sur scène et les chants, ainsi que la musique, ponctuent le récit, concourant à la création d'une atmosphère hallucinatoire fidèle à ma première, et jeune, impression de lecture du roman.
Le toit immense de l'isba est également exploité en étant au service de l'intrigue . Ces différents niveaux, structures coulissantes, structure rectangulaire ainsi que certains aménagements (des personnages sont présents sur scènes en bord de scène déroulant des scènes silencieuses ) sont à l'image du roman à tiroirs, comme cela a été dit de Dostoïevski. La lumière extrêmement travaillées rend la noirceur du roman face à la pureté de certains personnages, comme le jeune Aliocha.
Les frères Karamazov, dernière oeuvre de Dostoievski, dans laquelle se condense toute son obsession, pari risqué que Jean Bellorini et sa troupe ont su relever en donnant toute leur dimension aux personnages et en offrant au spectateurs la mise à nue de strates de lecture d'une oeuvre aussi complexe. 5h de pure bonheur rendant fidèlement l'atmosphère à la fois mystique, sombre et si inextricablement fine sur les relations humaines, non seulement grâce à la mise en scène mais aussi grâce aux comédiens particulièrement sensibles et vivants. Un travail de troupe. On y croit et on en redemande.
Le texte est grandiose, long, poétique, c'est un vrai monument. J'ai trouvé la mise en scène extrêmement réussie, avec le grand hangar où sont entassés les instruments au milieu de la scène, et les rails où circulent les planches représentant des lieux différents. J'ai été impressionnée par la cohésion entre tous les acteurs, et surtout leur jeu que j'ai trouvé fantastique. Les trois frères sont splendides, le père aussi, enfin tout le monde. Et en plus, ils savent tous chanter et jouer d'un instrument, la polyvalence de leurs capacités est dingue. Petite préférence pour Jean-Christophe Folly, un Dimitri magistral, imposant, juste et violent.
L'histoire est certes très dense et complexe, mais je ne me suis pas ennuyée et j'ai été captivée par le monde que nous ouvrait Bellorini. Et il y a également des moments d'humour, notamment avec des anachronismes liés à la musique, que j'ai trouvé vraiment amusant. J'ai beaucoup aimé le narrateur au début, qui ouvre la pièce en brisant avec force le quatrième mur.
Sans oublier l'emplacement magnifique de la Carrière de Boulbon !
Les Frères Karamazov de Dostoïevski, c’est une sorte d’enquête grandeur nature. Il y a trois fils légitimes, Dimitri, Ivan et Alexei mais aussi un fils illégitime, Smerdiakov. Au milieu, un parricide : celui de Fiodor, qui porte le même prénom que son créateur littéraire. Et c’est leur histoire, entre amour et haine, qui se déroule sous nos yeux, avec des questions sous-jacentes essentielles comme la possibilité d’une justice dans un monde dépourvu de Dieu mais contenant cependant les notions d’amour et de charité. C’est un véritable combat entre le bien et le mal qui s’instaure et qui va durer plusieurs heures, jusqu’au dénouement qui fera toute la lumière sur cette affaire.
L’histoire est complexe, l’œuvre dense mais le défi ne fait pas peur à Jean Bellorini, le jeune directeur du Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis. Après son formidable Tempête sous un crâne, datant de 2010, adapté des Misérables de Victor Hugo, il s’attaque à un autre monument littéraire, une autre saga humaine. La représentation s’ouvre par un résumé, une mise en contexte du roman-fleuve de Dostoïevski avant de céder la place à un magnifique chant familial et polyphonique dont les notes harmonieuses viennent se heurter aux parois de la Carrière de Boulbon. Tous les personnages sont alors sur scène car ce qui fait la force et la réussite de la proposition présentée, c’est l’esprit de troupe et le théâtre collectif que monte Jean Bellorini. Faisant la part belle à la musique et au chant, il n’en demeure pas moins une narration et une incarnation soignées, souvent face public, à l’image de la scénographie, composée de petits espaces scéniques aux parois de verre ou en bois, ouvertes sur le décor naturel et se déplaçant au gré des envies sur un double rail, tels de petits wagonnets. Dispositif frontal, intégration du chant, musique qui accompagne avec délicatesse le récit et la présence touchante de Camille de La Guillonnière en troublant Khokhlakova… Jean Bellorini reste fidèle à ce qu’il propose habituellement et cela fonctionne. Cependant, les longs monologues de la deuxième partie auraient mérité un autre traitement et il semblait inévitable de les resserrer. Cela n’a pas été fait et tout s’étire. On frôle l’ennui et le metteur en scène n’a jamais été aussi bon que lorsqu’il propose des moments scéniques collectifs. C’est bien là sa seule grosse erreur, qui néanmoins, aura fait partir ou sombrer dans un sommeil profond plus d’un spectateur.
Karamazov peut s’appuyer cependant sur le talent de sa distribution, éblouissante au milieu de la Carrière. Français Deblock est un incroyable Alexeï Fiodorovitch Karamazov. Il mène la troupe tambour battant et apparaît par moment tel le Petit Prince dans le désert dans ses habits de moine novice. Il est formidable. Jean-Christophe Folly parvient aussi à tirer son épingle du jeu en endossant le rôle de Dimitri Karamazov tandis que Geoffroy Rondeau brille dans le poème du Grand Inquisiteur que son personnage, Ivan, déclame à son jeune frère. Du côté féminin, Karyll Elgrichi est une poignante Katerina, très investie tandis que Clara Mayer excelle dans le rôle de Grouchenka. Elle nous laisse d’ailleurs une magnifique image, celle où elle est face aux autres protagonistes, dos à un gigantesque ventilateur et lâchant des poignées de neige qui tourbillonnent dans le ciel étoilé de Boulbon. Bien que l’âme russe des femmes dostoïevskiennes soit légèrement diluée, on y retrouve tout l’esprit du livre, la force des mots et du verbe du célèbre auteur, jusqu’à la scène finale du procès où chacun défile, comme à la barre d’un tribunal, avec les images projetées sur la paroi de la Carrière, servant de support aux vidéos et aux lumières.
Bien sûr, se heurter à un tel monument littéraire, c’est prendre le risque de se prendre les pieds dans le tapis et de trébucher. Cependant, Jean Bellorini peut s’en sortir avec les honneurs car, en dépit des défauts liés à l’ampleur du projet, il offre au public une version intense des Frères Karamazov de Fiodor Dostoïevski et dépeint avec conviction le triste état d’un monde pas si éloigné du notre. Le cynisme, la haine, la justice humaine ou divine ne sont pas entièrement fictionnels quand on regarde notre actualité. La guerre du bien et du mal a encore de beaux jours devant elle.