Critiques pour l'événement Le Faiseur
18 oct. 2015
9/10
71
Auguste Mercadet est une Faiseur : il emprunte, fait patienter ses créanciers, miroiter des profits aux uns et des rêves aux autres. Il raconte des histoires, bonimente, flatte, invente mille et une excuses pour ne jamais honorer ses dettes, emprunter encore plus. Auguste Mercadet vend : il vend du rêve, il vend sa fille, la fade Julie à un riche héritier (qui se révèlera être un coureur de dot, un apprenti-faiseur, lui aussi). Mercadet vend du vent et tout le monde achète.

Vous connaissiez Balzac le réaliste, voici Balzac le dramaturge farceur qui fait virevolter treize personnages dans une comédie mordante au cynisme insolent. Le ton est vif, les répliques fusent, nous sommes dans un vaudeville financier ou chacun ment et appâte l'autre, et en particulier Mercadet, personnage central fascinant d'aisance dans le mensonge et l'affabulation.

Emmanuel Demarcy-Mota a imaginé une magnifique farce où le cynisme est tourné en burlesque, où les personnages deviennent risibles, pathétiques, ridicules, et même attendrissants, parfois, dans leur quête d'enrichissement. Serge Maggiani est un superbe Mercadet, froid, aimable, affable, parfaitement hypocrite et calculateur. A ses cotés, Valérie Dashwood (Madame Mercadet) est une délicieuse bourgeoise alcoolisée tandis que Jauris Casanova impressionne en amoureux transi-clown triste. Tous les autres sont au diapason et composent une galerie de personnages tragi-burlesques étonnants de drôlerie. Ils chantent aussi : des intermèdes viennent ponctuer la pièce avec entre autres Money des Pink Floyd ou de Abba, apportent encore plus de modernité à ce texte intemporel.

Modernité aussi dans les costumes contemporains et le décor, tout en pans inclinés qui se lèvent et se rabattent au fil du texte, mettant les comédiens sans arrêt en équilibre fragile, tout comme l'est le cours de la bourse ou la situation de Mercadet. N'oublions pas les superbes lumière et scénographie de Yves Collet, toutes en clairs-obscurs, rais lumineux et froids, véritable plaisir des yeux tout autant que la mise en scène.

Un vrai plaisir donc, que ce Faiseur drôlement cynique et cyniquement drôle.