Critiques pour l'événement Festen
En 1998, Festen réalisé par Thomas Vinterberg et Mogens Rukov sortait au cinéma et c’était déjà un choc que ce diner d’anniversaire où la vérité sur une famille bourgeoise va exploser la loi du silence qui règne en maitre. Le film est adapté au théâtre par Bo Hr. Hansen. Et Daniel Benoin signe l’adaptation française que Cyril Teste et le collectif MxM mettent en scène ce repas d’enfer.
J’avais raté la pièce aux ateliers Berthier fin 2017 et c’est avec un plaisir non dissimulé que je me suis rendue au 104 pour rattraper mon retard.
La famille et des amis sont réunis autour de Helge le patriarche qui fête ses soixante ans. Il y a des discours qui sont prononcés dont celui de Christian le fils cadet qui accuse son père de l’avoir violé à plusieurs reprises , lui et sa sœur jumelle qui est morte il y a peu. L’ambiance se glace soudainement et les révélations de Christian ne sont pas terminées…
Cyril Teste a choisi de travailler une nouvelle fois sur les liens qui unissent théâtre et cinéma : en plus de la pièce qui se joue sur un large plateau, nous avons un écran au-dessus de la scène qui va nous proposer tout le long de la pièce des gros plans sur des visages ou des plans hors de notre champ visuel. C’est assez inédit de voir les coulisses et d’autres pièces de la maison, l’espace apparait comme infini. Et puis par moment, nous sommes un peu déroutés car il se passe des choses sur le plateau mais la vidéo est centrée sur une autre action, que doit-on regarder ?
Il y aussi l’introduction d’effets grâce à la vidéo avec les passages où le fantôme de la sœur apparait, c’est complètement fou ! Je suis restée bouche bée lors de sa première apparition.
Alors je dis oui à cette forme de spectacle mêlant théâtre et vidéo aussi intimement et avec talent ! J’ai adoré l’expérience !
Et cela n’enlève rien à l’histoire qui demeure glaçante et est servie par des comédiens magnifiques ! L’affrontement entre Christian (Mathias Labelle) et son père Helge (Hervé Blanc) est exceptionnel mais la vingtaine de comédiens est juste excellente. Ils se déplacent au millimètre près et en totale harmonie. C’est un superbe travail d’équipe !
Je ne regrette absolument pas mon déplacement au théâtre alors que la pièce était jouée à 22h00, horaire pour le moins tardif et terminer la saison sur une pièce aussi forte c’est comme une apothéose !
J’avais raté la pièce aux ateliers Berthier fin 2017 et c’est avec un plaisir non dissimulé que je me suis rendue au 104 pour rattraper mon retard.
La famille et des amis sont réunis autour de Helge le patriarche qui fête ses soixante ans. Il y a des discours qui sont prononcés dont celui de Christian le fils cadet qui accuse son père de l’avoir violé à plusieurs reprises , lui et sa sœur jumelle qui est morte il y a peu. L’ambiance se glace soudainement et les révélations de Christian ne sont pas terminées…
Cyril Teste a choisi de travailler une nouvelle fois sur les liens qui unissent théâtre et cinéma : en plus de la pièce qui se joue sur un large plateau, nous avons un écran au-dessus de la scène qui va nous proposer tout le long de la pièce des gros plans sur des visages ou des plans hors de notre champ visuel. C’est assez inédit de voir les coulisses et d’autres pièces de la maison, l’espace apparait comme infini. Et puis par moment, nous sommes un peu déroutés car il se passe des choses sur le plateau mais la vidéo est centrée sur une autre action, que doit-on regarder ?
Il y aussi l’introduction d’effets grâce à la vidéo avec les passages où le fantôme de la sœur apparait, c’est complètement fou ! Je suis restée bouche bée lors de sa première apparition.
Alors je dis oui à cette forme de spectacle mêlant théâtre et vidéo aussi intimement et avec talent ! J’ai adoré l’expérience !
Et cela n’enlève rien à l’histoire qui demeure glaçante et est servie par des comédiens magnifiques ! L’affrontement entre Christian (Mathias Labelle) et son père Helge (Hervé Blanc) est exceptionnel mais la vingtaine de comédiens est juste excellente. Ils se déplacent au millimètre près et en totale harmonie. C’est un superbe travail d’équipe !
Je ne regrette absolument pas mon déplacement au théâtre alors que la pièce était jouée à 22h00, horaire pour le moins tardif et terminer la saison sur une pièce aussi forte c’est comme une apothéose !
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Festen, c’est donc l’adaptation du film de Thomas Vinterberg – que je n’ai pas vu – sorti en 1998. C’est l’anniversaire du patriarche, Helge : famille et amis sont invités à se réunir dans sa maison pour fêter ensemble ses soixante ans. On comprend vite que cet anniversaire succède de peu à l’enterrement de Linda, fille de Helge, soeur de Christian, Hélène, et Michaël, également présents ce soir. Seulement, la soirée ne se déroulera pas comme prévu puisqu’elle sera entachée de révélations de secrets de famille sombres et bien enfouis jusqu’alors : Christian annoncera en effet l’inceste dont lui et sa soeur jumelle Linda ont été victimes lorsqu’ils étaient jeunes.
Pour l’occasion, c’est encore une nouvelle forme qui nous est présentée sur la scène de l’Atelier Berthier. Cyril Teste a en effet fait appel à l’image pour raconter l’histoire de ce jugement, ce tribunal mené par Christian contre son propre père. Non seulement l’usage est pour moi justifié car il permet de mieux confronter les différents partis et de donner la parole à chacun spécifiquement, mais il faut également souligner la grande réussite scénique, visuelle – peut-être un peu moins dramatique – de la pièce.
Ce spectacle est beau et d’une fluidité parfaite. Les décors sont imposants et permettent de nombreux points de vue dans la maison, l’atmosphère se tend au fil de la pièce et tout l’accompagne, tant les lumières que les ambiances sonores, et la froideur scandinave s’installe sans problème sur la scène. Plus encore, il faut bien reconnaître que, contrairement aux Damnés ou à La Règle du Jeu, le metteur en scène a vraiment recherché un certain art de l’image et le film qui est diffusé sur l’écran est une réussite visuellement parlant. Ajoutons à cela une distribution sans faille, et on peut conclure que c’est un très beau travail. Et c’est en cela même que ça me pose un problème : on sent trop le travail qu’il y a derrière.
C’est évidemment lié aussi au dispositif en lui-même : probablement trop complexe, il fait tellement appel à nos sens « cérébraux » qu’il laisse fatalement de côté des réactions plus émotionnelles. Tout est tellement contrôlé et minutieusement rythmé pour que le rendu soit cohérent – et il l’est – que cela laisse finalement très peu de liberté aux comédiens : ce doit être de ces spectacles qui se ressemblent beaucoup d’une représentation à l’autre. En vérité, les acteurs ne peuvent s’écarter de leur partition et sont coincés dans cette précision absolue des déplacements, ce qui donne un résultat glacé – et totalement en accord avec la froideur générale du spectacle, évidemment. Mais qui me laisse aussi de côté. Ce spectacle a quelque chose de trop parfait, et là où je recherche la véracité de la vie, je me cogne à l’austérité de ce qui ressemble trop à une mise en scène issue d’un cerveau humain où tout serait trop clair et finalement, exempt de tout mystère.
Alors évidemment s’insinue en moi cette éternelle question : puis-je accepter de voir ce spectacle en tant que pièce de théâtre et puis-je aimer ce que je vois en ce moment en le nommant spectacle vivant ? Au fond, on s’en fiche un peu des noms des choses et tout cela n’est que pure convention, mais il faut être tolérant et comprendre mon irrépressible besoin de définir ce que je vois et, quelque part, cela remet à plat ma propre notion du théâtre. Et c’est absolument fascinant !
Je suis complètement tiraillée et une guerre s’établit en moi car je ne peux pas dire que je n’ai pas aimé. Je n’ai pas été prise dans l’histoire et c’est quelque chose qui a tendance à me gêner au théâtre. Or ici, c’est probablement voulu puisque tout, de la scénographie jusqu’au propos en lui-même, nous invite à prendre de la distance par rapport à ce qu’il se passe sur scène. Alors forcément, je reste à côté et ça m’énerve. Une fois ce premier caprice passé, la question plus fondamentale que mon propre rapport à la pièce s’impose : qu’est-ce que le spectacle vivant, et quelles sont ses limites ?
Évidemment, ce qui est filmé est en direct donc les comédiens n’ont pas le droit à l’erreur donc je ne suis pas au cinéma. Mais d’un autre côté, les cameraman m’empêchent de suivre correctement ce qui se passe sur scène et me voilà contrainte, prise en otage par ce film qu’on m’impose. D’autre part, si les gros plans sur les comédiens m’offrent une vision incroyable sur leurs visages et expressions, ils refroidissent également l’ensemble car ils sont éloignés de moi par cet écran. L’image a malgré tout quelque chose d’artificel alors que le spectacle vivant offre une vérité à nulle autre pareille.
Pour l’occasion, c’est encore une nouvelle forme qui nous est présentée sur la scène de l’Atelier Berthier. Cyril Teste a en effet fait appel à l’image pour raconter l’histoire de ce jugement, ce tribunal mené par Christian contre son propre père. Non seulement l’usage est pour moi justifié car il permet de mieux confronter les différents partis et de donner la parole à chacun spécifiquement, mais il faut également souligner la grande réussite scénique, visuelle – peut-être un peu moins dramatique – de la pièce.
Ce spectacle est beau et d’une fluidité parfaite. Les décors sont imposants et permettent de nombreux points de vue dans la maison, l’atmosphère se tend au fil de la pièce et tout l’accompagne, tant les lumières que les ambiances sonores, et la froideur scandinave s’installe sans problème sur la scène. Plus encore, il faut bien reconnaître que, contrairement aux Damnés ou à La Règle du Jeu, le metteur en scène a vraiment recherché un certain art de l’image et le film qui est diffusé sur l’écran est une réussite visuellement parlant. Ajoutons à cela une distribution sans faille, et on peut conclure que c’est un très beau travail. Et c’est en cela même que ça me pose un problème : on sent trop le travail qu’il y a derrière.
C’est évidemment lié aussi au dispositif en lui-même : probablement trop complexe, il fait tellement appel à nos sens « cérébraux » qu’il laisse fatalement de côté des réactions plus émotionnelles. Tout est tellement contrôlé et minutieusement rythmé pour que le rendu soit cohérent – et il l’est – que cela laisse finalement très peu de liberté aux comédiens : ce doit être de ces spectacles qui se ressemblent beaucoup d’une représentation à l’autre. En vérité, les acteurs ne peuvent s’écarter de leur partition et sont coincés dans cette précision absolue des déplacements, ce qui donne un résultat glacé – et totalement en accord avec la froideur générale du spectacle, évidemment. Mais qui me laisse aussi de côté. Ce spectacle a quelque chose de trop parfait, et là où je recherche la véracité de la vie, je me cogne à l’austérité de ce qui ressemble trop à une mise en scène issue d’un cerveau humain où tout serait trop clair et finalement, exempt de tout mystère.
Alors évidemment s’insinue en moi cette éternelle question : puis-je accepter de voir ce spectacle en tant que pièce de théâtre et puis-je aimer ce que je vois en ce moment en le nommant spectacle vivant ? Au fond, on s’en fiche un peu des noms des choses et tout cela n’est que pure convention, mais il faut être tolérant et comprendre mon irrépressible besoin de définir ce que je vois et, quelque part, cela remet à plat ma propre notion du théâtre. Et c’est absolument fascinant !
Je suis complètement tiraillée et une guerre s’établit en moi car je ne peux pas dire que je n’ai pas aimé. Je n’ai pas été prise dans l’histoire et c’est quelque chose qui a tendance à me gêner au théâtre. Or ici, c’est probablement voulu puisque tout, de la scénographie jusqu’au propos en lui-même, nous invite à prendre de la distance par rapport à ce qu’il se passe sur scène. Alors forcément, je reste à côté et ça m’énerve. Une fois ce premier caprice passé, la question plus fondamentale que mon propre rapport à la pièce s’impose : qu’est-ce que le spectacle vivant, et quelles sont ses limites ?
Évidemment, ce qui est filmé est en direct donc les comédiens n’ont pas le droit à l’erreur donc je ne suis pas au cinéma. Mais d’un autre côté, les cameraman m’empêchent de suivre correctement ce qui se passe sur scène et me voilà contrainte, prise en otage par ce film qu’on m’impose. D’autre part, si les gros plans sur les comédiens m’offrent une vision incroyable sur leurs visages et expressions, ils refroidissent également l’ensemble car ils sont éloignés de moi par cet écran. L’image a malgré tout quelque chose d’artificel alors que le spectacle vivant offre une vérité à nulle autre pareille.
Festen c'est l'histoire d'une réunion de famille - de toute évidence aisée - à l'occasion des soixante ans du patriarche.
Ce dernier, à la bonhomie et à la jovialité affichées, est entouré de toute sa famille, plus ou moins invitée, un de ses fils n'étant manifestement pas sur la liste, première lézarde dans cette façade de famille parfaitement heureuse, et de tous ses amis. La soirée promet d'être mémorable et elle le sera en effet puisque le vénérable père de famille se verra accusé d'inceste par son fils cadet en tout début de repas. J'ai vécu un très beau moment de théâtre devant Festen. Déjà en étant au premier rang, la tentation de regarder l'écran sur lequel était retranscrit les prises de vue en temps réel était quasi nulle puisque l'action se déroulait sous mes yeux. L'agencement modulaire de la scène permettait de se faire suivre plusieurs scènes concomitantes dans un même décors sans que la compréhension de la pièce n'en soit affectée. Les acteurs sont très bons - tous étaient extrêmement justes dans leurs rôles - mais il faut reconnaître que le fils ainsi que le père sont d'une autre trempe.
Ce dernier, à la bonhomie et à la jovialité affichées, est entouré de toute sa famille, plus ou moins invitée, un de ses fils n'étant manifestement pas sur la liste, première lézarde dans cette façade de famille parfaitement heureuse, et de tous ses amis. La soirée promet d'être mémorable et elle le sera en effet puisque le vénérable père de famille se verra accusé d'inceste par son fils cadet en tout début de repas. J'ai vécu un très beau moment de théâtre devant Festen. Déjà en étant au premier rang, la tentation de regarder l'écran sur lequel était retranscrit les prises de vue en temps réel était quasi nulle puisque l'action se déroulait sous mes yeux. L'agencement modulaire de la scène permettait de se faire suivre plusieurs scènes concomitantes dans un même décors sans que la compréhension de la pièce n'en soit affectée. Les acteurs sont très bons - tous étaient extrêmement justes dans leurs rôles - mais il faut reconnaître que le fils ainsi que le père sont d'une autre trempe.
1998. Le danois Thomas Vinterberg réalise son film « Festen ».
Immédiatement, Bo Hr. Hansen en tire une adaptation théâtrale.
Presque vingt ans plus tard, Cyril Teste met en scène avec son collectif MxM l'adaptation française signée Daniel Benoin de ce sulfureux dîner.
Ce repas, c'est une lutte.
Helge, le pater familias, fête ses soixante ans. Au cours du dîner, il propose à son fils cadet Christian de prononcer un discours en hommage à sa sœur décédée.
Les discours de Christian (il y en aura plusieurs) seront édifiants : le fils nous apprendra qu'Helge est un père incestueux qui l'a violé plusieurs fois ainsi que sa sœur disparue. On apprendra que la mère était au courant, ainsi que d'autres invités.
Voici pour la trame narrative.
Le propos est clair, glaçant, sans ambiguïté,
il s'agit de dénoncer une société très bourgeoise qui se tait, avec cette loi du silence, une totale omerta, continuant à détruire moralement des êtres déjà blessés au plus profond de leur chair et de leur psyché.
Si Cyril Teste a choisi de monter « Festen », c'est que le dramaturge et cinéaste qu'il est a ainsi l'occasion de poursuivre son exploration des rapports plus ou moins tumultueux qui peuvent s'instaurer entre ces deux arts que sont le cinéma et le théâtre. (On se souvient de « Nobody »)
Ici, il se propose de nous délivrer une sorte de nouvelle grammaire visuelle.
Nous allons avoir « en plus » et en même temps que la pièce, un long plan séquence cinématographique de durée égale, avec des gros plans de visages, des plans situés hors de notre champ visuel.
Ainsi, nous avons la possibilité de voir ce que ne verrions pas d'habitude sur un plateau.
Avec parfois des interrogations formelles : qu'est-ce que je dois regarder, est-ce le comédien « en direct », est-ce la retransmission sur le grand écran, est-ce les autres comédiens.
Parfois, nous sommes interpellés : où se situe l'action, où sont les comédiens ?
A tel point que Cyril Teste introduit dans l'histoire un fantôme. L'utilisation de la video « plus ou moins » embarquée est alors une sorte de mise en abîme visuelle, et j'ai trouvé passionnant l'effet recherché ! J'ai été vraiment bluffé !
On l'aura compris au passage, un autre Danois n'est pas loin, je parle bien entendu d'un certain Hamlet.
Nous sommes donc en totale immersion, l'oeil est attiré de multiples façons. Nous sommes des spectateurs « actifs » et non pas seulement « passifs », nous pouvons plus ou moins choisir ce que nous regardons...
Immersion olfactive également, puisque des diffuseurs de parfum permettent de sentir dans toutes la salle trois fragrances différentes... (Moi j'étais un peu enrhumé, mais effectivement à la fin, on sent le parfum de la sœur disparue. Ca fonctionne.)
Est-ce l'avenir du théâtre, cette nouvelle écriture, cette nouvelle forme, cette nouvelle grammaire dramaturgique (Cyril Teste n'est pas le seule, Ivo van Hove est lui aussi un adepte), ce mélange des genres qui fonctionne très bien lorsqu'il est bien fait, comme c'est ici le cas ?
Je ne sais, les années à venir nous le diront...
Mais attention, la forme ne prime pas pour autant sur le fond !
Les comédiens sont remarquables. Ce sont quand même eux qui constituent le principal intérêt du théâtre... Et de ce théâtre-là aussi.
Les deux protagonistes principaux, Mathias Labelle (Christian) et Hervé Blanc (Helge, le père) sont prodigieux. Ils sont chacun à leur manière impressionnants de vérité. Ces deux-là m'ont emmené très loin, dans ces rapports bien plus qu'exacerbés entre un fils et un géniteur qui a retiré toute leur enfance à ses rejetons, ainsi marqués à vie.
Mais toute la troupe est excellente !
Sur scène, se côtoient plus de vingt comédiennes et comédiens, issus de ce collectif MxM.
Cyril Teste les a tous précédemment réunis à la Maison-Jacques-Copeau pour travailler cette production. On sent donc une magnifique et très visible cohérence, tout ceci est réglé au millimètre.
Les déplacements horizontaux, verticaux, sur plusieurs espaces (le toboggan est très drôle...) sont tous parfaitement maîtrisés.
Un chef a vraiment coaché les acteurs pour dresser la belle table, réaliser le service...
Tout ceci est aux petits oignons !
La dernière scène-séquence, très habile, résumera tout ce qui s'est passé sur scène et sur l'écran : qu'a-t-on vu, quand l'a-t-on vu, a-t-on vraiment tout vu, a-t-on tout bien vu ? Sans oublier les deux personnages qui s'en vont.
Vers quelle destinée ?
Fin.
Une claque théâtrale !
Immédiatement, Bo Hr. Hansen en tire une adaptation théâtrale.
Presque vingt ans plus tard, Cyril Teste met en scène avec son collectif MxM l'adaptation française signée Daniel Benoin de ce sulfureux dîner.
Ce repas, c'est une lutte.
Helge, le pater familias, fête ses soixante ans. Au cours du dîner, il propose à son fils cadet Christian de prononcer un discours en hommage à sa sœur décédée.
Les discours de Christian (il y en aura plusieurs) seront édifiants : le fils nous apprendra qu'Helge est un père incestueux qui l'a violé plusieurs fois ainsi que sa sœur disparue. On apprendra que la mère était au courant, ainsi que d'autres invités.
Voici pour la trame narrative.
Le propos est clair, glaçant, sans ambiguïté,
il s'agit de dénoncer une société très bourgeoise qui se tait, avec cette loi du silence, une totale omerta, continuant à détruire moralement des êtres déjà blessés au plus profond de leur chair et de leur psyché.
Si Cyril Teste a choisi de monter « Festen », c'est que le dramaturge et cinéaste qu'il est a ainsi l'occasion de poursuivre son exploration des rapports plus ou moins tumultueux qui peuvent s'instaurer entre ces deux arts que sont le cinéma et le théâtre. (On se souvient de « Nobody »)
Ici, il se propose de nous délivrer une sorte de nouvelle grammaire visuelle.
Nous allons avoir « en plus » et en même temps que la pièce, un long plan séquence cinématographique de durée égale, avec des gros plans de visages, des plans situés hors de notre champ visuel.
Ainsi, nous avons la possibilité de voir ce que ne verrions pas d'habitude sur un plateau.
Avec parfois des interrogations formelles : qu'est-ce que je dois regarder, est-ce le comédien « en direct », est-ce la retransmission sur le grand écran, est-ce les autres comédiens.
Parfois, nous sommes interpellés : où se situe l'action, où sont les comédiens ?
A tel point que Cyril Teste introduit dans l'histoire un fantôme. L'utilisation de la video « plus ou moins » embarquée est alors une sorte de mise en abîme visuelle, et j'ai trouvé passionnant l'effet recherché ! J'ai été vraiment bluffé !
On l'aura compris au passage, un autre Danois n'est pas loin, je parle bien entendu d'un certain Hamlet.
Nous sommes donc en totale immersion, l'oeil est attiré de multiples façons. Nous sommes des spectateurs « actifs » et non pas seulement « passifs », nous pouvons plus ou moins choisir ce que nous regardons...
Immersion olfactive également, puisque des diffuseurs de parfum permettent de sentir dans toutes la salle trois fragrances différentes... (Moi j'étais un peu enrhumé, mais effectivement à la fin, on sent le parfum de la sœur disparue. Ca fonctionne.)
Est-ce l'avenir du théâtre, cette nouvelle écriture, cette nouvelle forme, cette nouvelle grammaire dramaturgique (Cyril Teste n'est pas le seule, Ivo van Hove est lui aussi un adepte), ce mélange des genres qui fonctionne très bien lorsqu'il est bien fait, comme c'est ici le cas ?
Je ne sais, les années à venir nous le diront...
Mais attention, la forme ne prime pas pour autant sur le fond !
Les comédiens sont remarquables. Ce sont quand même eux qui constituent le principal intérêt du théâtre... Et de ce théâtre-là aussi.
Les deux protagonistes principaux, Mathias Labelle (Christian) et Hervé Blanc (Helge, le père) sont prodigieux. Ils sont chacun à leur manière impressionnants de vérité. Ces deux-là m'ont emmené très loin, dans ces rapports bien plus qu'exacerbés entre un fils et un géniteur qui a retiré toute leur enfance à ses rejetons, ainsi marqués à vie.
Mais toute la troupe est excellente !
Sur scène, se côtoient plus de vingt comédiennes et comédiens, issus de ce collectif MxM.
Cyril Teste les a tous précédemment réunis à la Maison-Jacques-Copeau pour travailler cette production. On sent donc une magnifique et très visible cohérence, tout ceci est réglé au millimètre.
Les déplacements horizontaux, verticaux, sur plusieurs espaces (le toboggan est très drôle...) sont tous parfaitement maîtrisés.
Un chef a vraiment coaché les acteurs pour dresser la belle table, réaliser le service...
Tout ceci est aux petits oignons !
La dernière scène-séquence, très habile, résumera tout ce qui s'est passé sur scène et sur l'écran : qu'a-t-on vu, quand l'a-t-on vu, a-t-on vraiment tout vu, a-t-on tout bien vu ? Sans oublier les deux personnages qui s'en vont.
Vers quelle destinée ?
Fin.
Une claque théâtrale !
Les avis de la rédaction
Lisant votre critique, cela me fait furieusement regretter de ne pas l'avoir vu la pièce à Lyon en 2018. Bah ! la pièce tournera peut-être un jour dans une localité proche de chez moi.
Désolée mais je ne trouve pas d'info sur une tournée de la pièce....