Critiques pour l'événement Elise, Pour que tu m'aimes encore
28 avr. 2016
8/10
230
Dur, dur d’être une ado… Période de transition ingrate et complexe qui vous tombe sur le coin du nez sans crier gare. Bouillonnement du cerveau et des hormones. Un matériau rêvé pour la scène, à bien y réfléchir. La jeune Élise Noiraud se penche sur la question avec un seule en scène punchy et sensible, jamais mièvre. Elle croque avec énergie une sacrée brochette de portrait et nous replonge avec nostalgie dans les années 90 au son des plus gros tubes de Céline Dion… Un spectacle doux-amer à l’image de cette phase éphémère mais si cruciale dans l’accomplissement de soi.

À treize ans et demi, on est très sérieux. On a des rêves et des fantasmes plein la tête. On s’interroge sur les transformations de son corps, on veut jouer aux grands. Élise, elle, rêve de rencontrer son idole Céline Dion, alors au sommet de sa gloire. Elle en pince aussi pour Tony, le loubard du collège. Elle ne vit que pour la super boum de fin d’année. C’est la meilleure de sa classe, l’intello de service qui joue de la flûte traversière sans pour autant être vantarde. Sa maman est un brin étouffante et possessive mais elle l’adore tout de même.

Piqûre de rappel tendre et douloureuse
Bref, Pour que tu m’aimes encore séduit parce qu’il résonne en chacun d’entre nous et rappelle des souvenirs plus ou moins heureux. Mademoiselle Noiraud nous invite à manger en sa compagnie une madeleine de Proust moelleuse et dure à la fois (ha la collection de petits flacons d’eau de toilette Yves Rocher…). Une chaise et une lampe pour tout accessoire. Une dizaine de rôles ébouriffants à nous proposer : prof de sport bourrine et fleur bleue ; prof de techno en burn-out, un animateur de radio beauf. Plutôt inclassable, son solo relève à la fois du stand-up et des confidences émouvantes.

Élise Noiraud ne se ménage pas ; elle se donne à fond et on suit avec beaucoup de plaisir ce tourbillon de la vie entre grandes déceptions, joies intenses et soucis nombreux. Sa relation compliquée avec sa mère, qui traverse tout le spectacle, en est sans doute le point d’ancrage le plus passionnant. Une mère culpabilisante mais complexée ; une mère surprotectrice mais qui a besoin d’être sauvée ; une mère chiante (il faut bien le dire) mais tellement aimante. Ce lien tissé en filigrane touche profondément et amuse aussi. On se dit que les mères se ressemblent, comme les ados finalement…

La dernière image est belle : Élise silencieuse, couronne à la tête et glaive à la main. Céline en fond sonore, bien sûr. La gamine s’est transformée en femme et s’est endurcie. La métamorphose en vaut la chandelle.
19 avr. 2016
9/10
157
Dans ce spectacle atypique, Elise nous fait part de quelques anecdotes de son adolescence en se présentant tantôt en jeune fille de 13 ans, tantôt au travers de personnages hauts en couleurs qui ont marqué cette période de sa vie. A 13 ans, on est plein d’espoirs, on découvre pour ainsi dire la vie.

On assiste ici à un spectacle d’une grande justesse d’interprétation, finesse d’écriture, et nous emmène face à de grands moments de rire et d’émotions en entendant toutes ces situations et thématiques abordées qui ne vont pas sans nous rappeler notre vécu personnel.

Le spectacle d’Elise Noiraud est sans aucun doute l’un des spectacles à ne pas manquer cette saison, pour un moment de théâtre à la fois drôle et touchant, où la comédienne nous fait apprécier cette période souvent difficile de la vie.
5 avr. 2016
8,5/10
59
Elise a treize ans et demi, cet âge charnière où les mois semblent une éternité et prennent de l’importance lorsque l’on s’apprête à quitter le monde rassurant de l’enfance.

La jeune fille a des rêves plein la tête qu’elle confie à son journal intime, tentant de se construire entre une mère envahissante, les amours naissantes, les copines, les premières boums et son affection débordante pour Céline Dion. Comme toutes les adolescentes, Elise ressent des émotions bouillonnantes, changeantes et parfois contradictoires. Les souvenirs évoqués prennent des allures de madeleine de Proust de notre propre adolescence envolée : les premiers émois, les incompréhensions et les coups de cœur artistiques et musicaux qui traduisent au mieux ce que l’on vit et traverse à cet âge où l’on est pressé de grandir tout en voulant conserver le caractère protecteur de l’enfance. Il y a la fête du collège qui se prépare avec une chorégraphie sur la chanson Pour que tu m’aimes encore de son idole et aussi le voyage en Pologne qui lui fait comprendre certaines choses avec une distance nécessaire. Et puis il y a Tony, le garçon dont Elise dit que sa tête est comme un pays qu’elle ne connait pas. Car c’est aussi le moment des grandes découvertes du sentiment amoureux.

C’est donc l’âge délicat de l’adolescence qui est ici mis en avant et sur lequel Elise Noiraud pose un regard à la fois juste et sensible, tendre et délicat, drôle et pétillant. Sur le plateau, elle abat une folle énergie pour faire s’animer toute une galerie de personnages, allant de la standardiste d’un jeu radiophonique à la dynamique prof d’EPS au langage fleuri voire ordurier en passant bien évidemment par Elise, sa mère déprimée et dépassée ou ses copines. Pour cadrer cette tranche de vie intimiste, pas de décor, juste une scénographie minimaliste composée d’une chaise et d’une petite malle au trésor d’où la comédienne sort quelques accessoires afin de donner vie aux protagonistes hauts en couleurs qui gravitent autour de la jeune fille. C’est dans un rythme effréné que nous découvrons le petit monde d’Elise. La parole est tourbillonnante et déversée à profusion comme les pensées que l’on a à cet âge en s’imaginant être et avoir une personnalité incroyable. Et il y a cette bande-son qui donne son titre au spectacle jubilatoire et énergique.

Elise Noiraud, qui a reçu le premier prix du concours des Jeunes Metteurs en scène 2015 décerné par le Théâtre 13 pour Les fils de la Terre d’après Edouard Bergeon, nous replonge avec délice et finesse dans toutes ces petites choses qui prennent de l’importance lorsque l’on a treize ans et demi et toute une vie à s’inventer et se construire. Nous lui adressons autant de bravos qu’il y a de grains de sable sur la plage avec une insouciance salutaire pour avoir fait remonter à notre conscience cette période ingrate mais rêvée de notre vie, entre nostalgie et soulagement d’en être sorti.