Critiques pour l'événement Béjart fête Maurice
28 févr. 2020
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« Béjart fête Maurice » par le Ballet Béjart Lausanne au Palais des Congrès avec les chorégraphies de Gil Roman est l’expression par excellence de la poésie du mouvement qui se prolonge gracieusement jusqu’au bout des doigts.

C’est une invitation au voyage que nous proposent les chorégraphies de Gil Roman avec ses danseurs du Béjart Ballet Lausanne : « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté. ». Un Charles Baudelaire qui aurait certainement aimé être présent pour cette soirée de folie.

Cela paraît tellement facile de les voir voler dans les airs en pas de deux, de trois, en communion les uns avec les autres, qu’on oublie, en simple spectateur, les heures de travail nécessaires pour obtenir un tel résultat.
Quelle belle récompense, fruit d’un travail intense à la barre, au miroir et au sol, pour ces danseurs qui nous font partager avec amour leur passion, leur raison de vivre.

Les sublimes lumières de Dominique Roman viennent lécher les corps de ces femmes et ces hommes qui expriment avec tendresse, une pointe d’érotisme ou avec violence toutes les images qui ont traversé la tête de Gil Roman, en nous déclarant leur amour.

Un spectacle composé de trois parties.

Dans un premier temps c’est Gil Roman qui déclare son amour à Maurice Béjart avec l’hommage qu’il lui rend dans « T’M et variations ».
Après trente ans de fidélité absolue à son maître et quarante ans de danse ininterrompue, il fut récompensé en 2007 par Maurice Béjart qui le désigna comme son successeur, et quelle succession !

Dix années étaient passées depuis le départ de Maurice Béjart pour les étoiles quand ce ballet fut créé.
L’Amour toujours au cœur de l’action est le thème de ces douze chorégraphies qui vont faire palpiter nos cœurs au son d’une musique interprétée en direct par les excellents percussionnistes Thierry Hochstätter et jB Meier. Mais aussi par une bande son, support de ces variations, de Nick Cave et Warren Ellis.
Deux musiciens qui vont coller, dans une communion totale, au geste près, au pas près, des pas de deux ou trois voire même en solo…
Qu’ils soient assis sur un banc ou qu’ils voltigent dans les airs, nous sommes ébahis par tant de grâce, de beauté délivrées par ces danseurs qui nous dessinent la vie avec ses rêves et la réalité qui la confond : une heure de pur bonheur à lire les pages du journal hommage « T’M ».

Interprétés par : Alanna Archibald, Jasmine Cammarota, Kathleen Thielhelm, Jiayong Sun, Frederico Matetich, Lisa Cano, Fabrice Gallarrague, Javier Casado Suárez, Denovane Victoire, Gabriel Arenas Ruiz, Vito Pansini, Julien Favreau, Mattia Galiotto, Kwinten Guilliams, Masayoshi Onuki, Leroy Mokgatle, Lawrence Rigg, Haydée Herrero Feria, Chiara Posca, Solène Burel, Floriane Bigeon, Carme Andres, Oana Cojocaru, Valerija Frank, Elisabet Ros, Mari Ohashi, Connor Barlow et la compagnie.

Après un court entracte, nous retrouvons les danseurs, hommes et femmes qui se confondent, dans le ballet qui donne son titre de noblesse à la soirée : « Béjart fête Maurice », lui qui aimait tant les organiser.
Gil Roman a opéré une sélection de six moments dans le répertoire de son maître, des séries de pas de deux qui viendront prendre vie au milieu d’autres ballets collégiaux où les pieds nus, et les pointes s’exprimeront sur des musiques qui vont du classique de Beethoven avec sa première symphonie, aux musiques traditionnelles juives et africaines en passant par Rossini et Strauss, allant même pousser la chansonnette avec « Im chambre séparée » de Richard Heuberger.

Une émotion forte, palpable, qui prend aux tripes, nous subjugue par tant de légèreté dans cette fête aux multiples couleurs. Une mise en lumière magnifique des créations du maître qui donnent la chair de poule. Je dois dire que j’ai eu un coup de cœur pour cette fête alliant le classique au contemporain.

Interprétés par : Marie Ohashi, Connor Barlow, Svetlana Siplatova, Hideo Kishimoto, Kwinten Guilliams, Allana Archibald, Antoine Le Moal, Carme Andres, Frederico Matetich, Elisabet Ros, Julien Favreau, Masayoshi Onuki, Jasmine Cammarota, Vito Pansini, Kwinten Guilliams, Leroy Mokgatle et la compagnie.

Puis c’est le moment tant attendu, en tout cas par moi, qui n’avais jamais vu sur scène le Boléro de Ravel revisité et créé à Bruxelles en janvier 1961 par Maurice Béjart.
La danse au sommet de son art. Comme beaucoup d’entre vous, j’avais vu le film de Claude Lelouch « Les uns et les autres » avec Jorge Donn dansant sur le toit de l’arc de triomphe (vu sept fois à la suite). Mais ce soir, en direct, avec toute l’animalité, la passion, la fougue, l’énergie, la sensualité, c’est l’expression d’un grand art, d’un monument gravé à jamais dans l’histoire de la Danse.
Point d’homme pour cette soirée d’ouverture, Julien Favreau est resté dans la coulisse, c’est Elisabet Ros qui tient la barre, le plateau, la table et qui a à ses pieds des hommes en transe, fous d’amour : place à l’humain.
La caractéristique principale de cette œuvre c’est le rythme et le tempo invariables donnés par la mélodie et exaltés par la lumière. Une œuvre érotique au lent crescendo qui explose dans un final éblouissant, orgasmique.

Interprété par : Elisabet Ros pour la mélodie et pour le rythme par Gabriel Arenas Ruiz, Angelo Perfido, Fabrice Gallarrague, Connor Barlow, Jiayong Sun, Mattia Galiotto, Kwinten Guilliams, Masayoshi Onuki, Lawrence Rigg, Vito Pansini, Javier Casado Suárez, Frederico Matetich, Dorian Browne, Denovane Victoire, Wictor Hugo Pedroso, Antoine Le Moal, Leroy Mokgatle et Elias Frantziskonis.

« Ne te retourne pas, avance ! » lui dira un jour Maurice Béjart, aucun doute Gil Roman a retenu la leçon et c’est sur l’immense scène du Palais des Congrès, mettant en valeur tous ses danseurs, qu’il nous propose un spectacle transcendant, incontournable !
27 févr. 2020
10/10
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La grâce, la beauté, la perfection du geste dansé se sont donné rendez-vous au Palais des Congrès.
Gil Roman, Directeur artistique du Béjart Ballet Lausanne, celui que l'immense Maurice avait choisi en 2007 pour lui succéder, Gil Roman célèbre son père spirituel.

Un hommage au danseur, au créateur, au chorégraphe. Deux heures trente festives, magnifiques pour dire, redire encore et toujours combien Béjart a marqué à jamais le monde de la danse.

Trois parties vont composer le programme.

Tout d'abord un ballet signé Gil Roman, t'M et variations.
On devine à quoi correspond l'initiale M.
Tous les pas lui sont adressés, à ce M, le fondateur de la compagnie.

Sur la scène deux percussionnistes, jB Meier et Thierry Hochstätter, ont composé douze variations, pour claviers et diverses percussions, sur lesquels les membres de la compagnie vont danser.
Immédiatement, dès les premiers pas de deux, une intense émotion saisit le public.

La beauté. Ce que nous voyons est d'une incomparable beauté.


Les pas de deux, de trois, de cinq, les portés, les soli, les ensembles, les rondes se succèdent dans un magnifique tourbillon visuel et musical.
Des moments parfois oniriques ou violents, drôles (les chaussons de danse sur la tête...) ou plus graves nous rappellent l'excellence dont est capable le corps humain en matière de danse.

Le chorégraphe Gil Roman a mis en forme des tableaux où ses outils, ses pinceaux et ses brosses sont les corps des danseurs, à qui il a beaucoup demandé.
L'impression de facilité qui se dégage de tout ceci ne doit jamais faire oublier les heures quotidiennes à la barre, au miroir...
La technique qui produit l'excellence.

J'avais les yeux écarquillés en permanence.

Après l'entracte, Gil Roman, avec la pièce qui a donné son titre au spectacle, nous convie à une autre fête.
En quelques tableaux, il nous montre l'héritage que nous devons à Béjart, tout ce qui continue à vivre au sein de la compagnie.

Une succession de pas de deux inventés par le fondateur du ballet vont nous être remis en mémoire, pour la plupart.
Ces pas, certains très brefs, d'autres au contraire plus longs, seront réunis dans une pièce durant environ une demi-heure, avec huit parties musicales, allant de Beethoven à la musique traditionnelle du Tchad, en passant par Rossini, Webern, Strauss, ou encore une mélodie populaire juive.

Et Gil Roman de nous rappeler que ce qui caractérise avant tout Béjart, c'est de ne pas « enfermer le danseur dans un style ou dans un système chorégraphique, mais au contraire, le libérer ».
L'émotion découle d'une suite d'actions à exécuter. Un texte d'actions simples, précise-t-il, et le seul lien entre elles, c'est le danseur. « C'est cela son écriture, son génie ».

Nous, nous nous laissons embarquer par ces jeunes femmes et jeunes hommes qui semblent ne pas toucher le plateau.
Les corps qui volent, qui défient en permanence la pesanteur.

Et puis voici la troisième partie, tellement attendue.
Des techniciens apportent la fameuse petite scène surélevée rouge.
Les danseurs entrent sur le plateau avec chacun leur chaise au piétement de la même couleur.


Le boléro.

Ce ballet, créé le 10 janvier 1961 au théâtre royal de la Monnaie, à Bruxelles, est bien entendu la chorégraphie la plus célèbre de Maurice Béjart.
Elle a connu plusieurs variantes.

Créé pour la soliste Duska Sifnios, l'œuvre fut notamment dansée par Jorge Donn. (Les amateurs de Lelouch connaissant bien la fin du film « Les uns et les autres ».)

Ici, c'est la version dans laquelle la mélodie est à nouveau dansée par une femme et le rythme par dix-huit garçons torse nu.
Elisabet Ros, par ailleurs directrice artistique adjointe de la compagnie, est merveilleuse, dans ce rôle difficile et exigeant.

Ici, l'enjeu est bien entendu de « coller » à la progression de Ravel.
Si la pulsation et le rythme restent identiques, l'entrée progressive des instruments fournit la progression chorégraphique.

Et toujours cette impression que personne ne pourra plus jamais danser autrement ce célébrissime boléro.

Un tonnerre d'applaudissements viendra saluer cette chorégraphie mythique.

Vous aussi, venez donc participer à cette fête de la danse.
Une fête des corps, une fête du mouvement sublimé, exacerbé.
Une fête sensuelle et merveilleuse.

Une fête du temps présent.
27 févr. 2020
9,5/10
6
Le Béjart Ballet Lausanne est au Palais des Congrès jusqu’au 29 Février pour ‘Béjart fête Maurice’
Ah ! Les regarder danser et se dire que ça a l’air si simple…

Je ne suis pourtant pas accro à la danse contemporaine mais on ne peut pas passer à côté de la beauté que se dégage des trois ensembles que nous avons vus ce soir.

Gil Roman, le directeur artistique du Béjart Ballet Lausanne, nommé par Sieur Bejart en 2007, fête son fondateur et mentor. C’est un hommage magique et intense à celui qui a laissé une si forte empreinte dans monde de la danse.

Premier ballet : une création de Gil Roman : t’M et variations. Deux merveilleux instrumentistes sur scène JB Meier et Thierry Hochstätter ont composé et joué douze variations assez hypnotiques pour percussions, sur lesquels les danseurs vont évoluer. Les tableaux se succèdent et j’avoue avoir souri car l’humour est présent tout comme la violence et l’amour. C’est magnifique : Les pas de deux s’enchainent pendant une heure, la symbiose entre musique et danse est parfaite et je m’étonne de ne pas avoir vu le temps passé… C’est déjà l’entracte.

Retour sur scène pour le second ballet qui a donné son nom au spectacle : c’est une succession de chorégraphies que nous devons à Maurice Béjart sur des musiques plus que variées (de Beethoven à une musique populaire juive) pendant environ trente minutes. J’étais déjà conquise par la première partie mais là je suis juste sous le charme… je suis époustouflée des performances que ces danseurs effectuent et de ce que leurs corps arrivent à exprimer. Et puis il y a cette touche d’ironie que j’avais déjà apprécié lors du premier ballet : c’est le petit plus qui fait que le spectacle restera dans ma mémoire.

Arrive ensuite comme une apothéose le Boléro : point d’orgue de cette soirée merveilleuse et chorégraphie créé en 1961 par le Maitre qui a été mis à la vue du grand public dans le film de Claude Lelouch ‘les uns et les autres’.

L’estrade circulaire rouge est installée rapidement et c’est Elisabet Ros qui va y trôner magnifiquement entourée par une vingtaine de danseurs masculins de la troupe. C’était la première fois que je voyais le Boléro ‘pulser ‘en live et l’émotion monte crescendo avec la musique de Ravel et l’entrée progressive des différents instruments. C’est splendide et le public ne s’y trompe pas : de longues salves d’applaudissements viennent saluer cette prestation.

Une soirée magnifique que je recommande vivement.