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Bovary

Avec Jacques Bonnaffé
- Jacques Bonnaffé
- David Geselson
- Grégoire Monsaingeon
- Alma Palacios
- Ruth Vega-Fernandez
8,3/10
80%
- En tournée dans toute la France
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Nous ouvrirons Occupation/Bastille/16 par l’exploitation d’une version française de Bovary.
Spectacle créé par Tiago Rodrigues en juin 2014 à Lisbonne avec une distribution portugaise, Bovary est une adaptation de Madame Bovary par le prisme du procès fait à Flaubert pour "attentat à la morale". Le texte de la pièce, écrit par Tiago Rodrigues, mêle les procès-verbaux des audiences, la correspondance de Flaubert et certaines séquences du roman.
Toutes les critiques
Pour cette reprise et cette deuxième fois que je vois "Bovary", le plaisir est toujours présent, si ce n’est plus, à voir ces acteurs évoluer au milieu des feuilles blanches, autant d’histoires qu’on peut se raconter dans une vie.
Le changement de taille pour cette reprise 2018 est le remplacement de Jacques Bonnaffé (pris par d’autres engagements) par Mathieu Boisliveau dans le rôle de Gustave Flaubert… pardon, que dis-je, on ne remplace pas Jacques Bonnaffé, il est irremplaçable. Quand Mathieu Boisliveau prend la parole, me vinrent immédiatement à l’esprit la voix et le phrasé si particuliers de Jacques Bonnaffé. Pourtant Mathieu Boisliveau parvient à creuser son propre sillon et apporte une légèreté qu’il distillera jusqu’à ses rapports avec le reste de la distribution. La pièce apparait même plus drôle, aidée en cela par une Ruth Vega Fernandez explosive, qui sait jouer à la limite du surjeu sans y tomber.
L’écriture (ainsi que sa traduction par Thomas Resendes) et la mise en scène de Tiago Rodrigues sont au cordeau (ça se dit ça ?), mêlant les différents degrés de lecture et d’action (roman, procès…) avec maestria, le jeu des acteurs est rythmé et maîtrisé (citons également David Geselson, Grégoire Monsaingeon, Alma Palacios)
C’est du théâtre, comme on veut en voir plus souvent.
Le changement de taille pour cette reprise 2018 est le remplacement de Jacques Bonnaffé (pris par d’autres engagements) par Mathieu Boisliveau dans le rôle de Gustave Flaubert… pardon, que dis-je, on ne remplace pas Jacques Bonnaffé, il est irremplaçable. Quand Mathieu Boisliveau prend la parole, me vinrent immédiatement à l’esprit la voix et le phrasé si particuliers de Jacques Bonnaffé. Pourtant Mathieu Boisliveau parvient à creuser son propre sillon et apporte une légèreté qu’il distillera jusqu’à ses rapports avec le reste de la distribution. La pièce apparait même plus drôle, aidée en cela par une Ruth Vega Fernandez explosive, qui sait jouer à la limite du surjeu sans y tomber.
L’écriture (ainsi que sa traduction par Thomas Resendes) et la mise en scène de Tiago Rodrigues sont au cordeau (ça se dit ça ?), mêlant les différents degrés de lecture et d’action (roman, procès…) avec maestria, le jeu des acteurs est rythmé et maîtrisé (citons également David Geselson, Grégoire Monsaingeon, Alma Palacios)
C’est du théâtre, comme on veut en voir plus souvent.
Que dire de ce Bovary... Franchement, Tiago Rodrigues a fait un super travail tout simplement!
Il y a tellement de choses à dire, mais c'est le genre de pièce, qui je trouve, est dur à expliquer pourquoi c'est si bien!
Les acteurs sont vraiment bons, et ils s'amusent! La mise en scène est aux petits oignons, chaque idée de mise en scène est là pour transmettre une idée, un message, tout a une signification! Les feuilles blanches sur la scène, partout, c'est bête à première vue, mais c'est tellement ingénieux quand on repense au temps qu'à pris Flaubert pour écrire son Emma Bovary!
Le grand intérêt de cette pièce, c'est vraiment la signification et comment l'histoire du procès est racontée , chaque mot est fort, chaque mot porte à une réflexion, chaque mot pose une question philosophique et montre la limite entre l'art/l'ordre/la bienséance.
Le final entre Flaubert et Charles Bovary, de cet homme qui demande à son créateur de ne pas tuer sa femme... C'est fort, c'est beau, et toute la pièce est à l'image de cette scène, on brouille les repères entre réalité et fiction.
On regrettera tout de même un ou deux passages un peu longuet, et pas toujours pertinents...
C'est un excellent résultat de la part de Rodrigues, qui invite à repenser l'oeuvre! A découvrir!
Il y a tellement de choses à dire, mais c'est le genre de pièce, qui je trouve, est dur à expliquer pourquoi c'est si bien!
Les acteurs sont vraiment bons, et ils s'amusent! La mise en scène est aux petits oignons, chaque idée de mise en scène est là pour transmettre une idée, un message, tout a une signification! Les feuilles blanches sur la scène, partout, c'est bête à première vue, mais c'est tellement ingénieux quand on repense au temps qu'à pris Flaubert pour écrire son Emma Bovary!
Le grand intérêt de cette pièce, c'est vraiment la signification et comment l'histoire du procès est racontée , chaque mot est fort, chaque mot porte à une réflexion, chaque mot pose une question philosophique et montre la limite entre l'art/l'ordre/la bienséance.
Le final entre Flaubert et Charles Bovary, de cet homme qui demande à son créateur de ne pas tuer sa femme... C'est fort, c'est beau, et toute la pièce est à l'image de cette scène, on brouille les repères entre réalité et fiction.
On regrettera tout de même un ou deux passages un peu longuet, et pas toujours pertinents...
C'est un excellent résultat de la part de Rodrigues, qui invite à repenser l'oeuvre! A découvrir!
Madame Bovary a décidément la côte sur les planches. Après une version rustique au son de l’accordéon au Poche, changement radical de cap au Théâtre de la Bastille. Tiago Rodrigues, le metteur en scène portugais qui monte, réadapte en français son patchwork flaubertien sacrément bien ficelé. En entremêlant langage judiciaire, intime et artistique, le directeur du Théâtre São Luiz télescope les genres en une fusion étonnement fluide. Emma Bovary, objet polymorphe et passionnant sous bien des facettes.
Quatre paravents essaiment le plateau. Des demi-globes en verre poli y semblent incrustés. Drôle de décor quand on y pense. Bien plus explicites sont les feuilles jonchées sur le sol, comme une pluie intempestive. Il sera question ici de la littérature et de ses excès. Du fameux procès intenté en 1857 à Flaubert pour outrage aux bonnes mœurs et à la religion. Emma, adultère lascive ou jeune femme émancipée ? On comprend mieux par la suite l’usage de ces mystérieux paravents : ils matérialisent cet effet de loupe, que ne manqueront pas d’utiliser la défense ou l’accusation.
Loupe extra
Ce grossissement explique la structure brillamment enchâssée de l’affaire : on part d’un récit cadre, le procès, pour dériver vers des citations exactes comme preuves à l’appui. Porte d’accès toute trouvée pour parvenir à l’incarnation effective des personnages. Plutôt que de se contenter d’une simple adaptation, Tiago Rodrigues superpose trois strates complémentaires et imagine un spectacle total où un débat intense entre la puissance de la littérature et les bornes de la loi fait rage ; où Flaubert se confie à une amie (Louise Colet, on suppose) sur son impuissance ; où Emma succombe aux attraits du désir et de l’interdit. Ce phénomène de poupées russes invite à considérer autrement le roman culte, à le mettre en perspective avec un cadre idéologique et des réflexions métalittéraires. Toutes ces considérations nourrissent le texte flaubertien et participent d’un jeu d’interaction plein d’entrain et de vivacité. L’auteur embrasse ses personnages, les juges se bécotent, fiction et réalité s’entrecroisent dans un joyeux bordel.
Les cinq comédiens sont à la fête : Jacques Bonnaffé, David Geselson, Alma Palacios et Grégoire Monsaingeon ne savent plus où donner de la tête. Mention spéciale pour Ruth Vega-Fernandez, à tomber par terre en avocate rigide et exubérante. Elle déménage !
Tiago Rodrigues s’approprie donc le mythe d’Emma Bovary en mettant en lumière le pouvoir des mots, et par conséquent de la littérature. Ce combat mené tambour battant entre l’ordre et l’art ne manque décidément pas de sel.
Quatre paravents essaiment le plateau. Des demi-globes en verre poli y semblent incrustés. Drôle de décor quand on y pense. Bien plus explicites sont les feuilles jonchées sur le sol, comme une pluie intempestive. Il sera question ici de la littérature et de ses excès. Du fameux procès intenté en 1857 à Flaubert pour outrage aux bonnes mœurs et à la religion. Emma, adultère lascive ou jeune femme émancipée ? On comprend mieux par la suite l’usage de ces mystérieux paravents : ils matérialisent cet effet de loupe, que ne manqueront pas d’utiliser la défense ou l’accusation.
Loupe extra
Ce grossissement explique la structure brillamment enchâssée de l’affaire : on part d’un récit cadre, le procès, pour dériver vers des citations exactes comme preuves à l’appui. Porte d’accès toute trouvée pour parvenir à l’incarnation effective des personnages. Plutôt que de se contenter d’une simple adaptation, Tiago Rodrigues superpose trois strates complémentaires et imagine un spectacle total où un débat intense entre la puissance de la littérature et les bornes de la loi fait rage ; où Flaubert se confie à une amie (Louise Colet, on suppose) sur son impuissance ; où Emma succombe aux attraits du désir et de l’interdit. Ce phénomène de poupées russes invite à considérer autrement le roman culte, à le mettre en perspective avec un cadre idéologique et des réflexions métalittéraires. Toutes ces considérations nourrissent le texte flaubertien et participent d’un jeu d’interaction plein d’entrain et de vivacité. L’auteur embrasse ses personnages, les juges se bécotent, fiction et réalité s’entrecroisent dans un joyeux bordel.
Les cinq comédiens sont à la fête : Jacques Bonnaffé, David Geselson, Alma Palacios et Grégoire Monsaingeon ne savent plus où donner de la tête. Mention spéciale pour Ruth Vega-Fernandez, à tomber par terre en avocate rigide et exubérante. Elle déménage !
Tiago Rodrigues s’approprie donc le mythe d’Emma Bovary en mettant en lumière le pouvoir des mots, et par conséquent de la littérature. Ce combat mené tambour battant entre l’ordre et l’art ne manque décidément pas de sel.
En 1857, juste avant que Baudelaire ne subisse le même sort pour Les Fleurs du Mal, un procès est ouvert contre Gustave Flaubert ou plus précisément contre Madame Bovary, son chef-d’œuvre subversif jugé outrageux lors de sa parution en feuilletons dans La revue de Paris à l’automne 1856. Ses détracteurs le considèrent comme portant « atteinte à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs ». Mais en attaquant ce roman, c’est l’Art tout entier qui se retrouve sur le banc des accusés.
Tiago Rodrigues, directeur du Théâtre national de Lisbonne, s’appuie sur la correspondance de Gustave Flaubert avec Elisa Schlésinger pour faire de l’auteur le narrateur de son propre procès. Cependant, loin d’imposer un regard moralisateur, il laisse le public juger en son âme et conscience. En effet, les spectateurs sont placés dans le rôle délicat des jurés de ce tribunal réuni pour débattre de la pertinence, ou non, des attaques proférées contre une œuvre littéraire et décider si Emma est bien immorale ou si c’est la plume de son auteur-créateur qui est à blâmer. Après un résumé rapide du roman, nous assistons à une joute verbale entre les deux parties juridiques : l’accusation, sous la véhémence de l’avocat impérial Maître Pinard, forme un réquisitoire virulent tandis que le plaidoyer de Maître Sénard s’attache à défendre chaque point d’attaque. Sur le plateau, le récit romanesque de l’œuvre s’entrelace avec justesse dans la représentation du procès qui finalement pose des questions atemporelles : l’Art est-il immoral ? L’auteur peut-il tout écrire au nom de l’Art ? Peut-on condamner un style littéraire et une œuvre de fiction ?
Autant de débats passionnants qui émanent du spectacle où tout est placé sous la loupe de l’accusation, comme en témoigne la belle scénographie d’Ângela Rocha, avec des paravents en bois que l’on déplace dont les éléments de composition attirent la lumière et la reflète constamment sur le sol jonché de feuilles blanches que les six acteurs ont éparpillées durant l’installation du public, jetées au hasard ou lancées en l’air sans même un regard, comme pour se débarrasser d’un poids trop lourd à porter. D’ailleurs, noircir les pages blanches d’une vie d’ennui, c’est un peu le résumé de l’existence d’Emma, une jeune femme instruite mais naïve, qui rêve d’une vie « comme dans les livres ».
Peu à peu, au fil de la représentation, elle va s’affranchir de son auteur « qui écrit sa souffrance » pour se défendre elle-même en prenant appui sur des passages précis du roman, avant de jeter le trouble dans l’assistance qui hésite entre se laisser attirer par la danse de séduction de la jeune femme ou fuir la position plaintive de Flaubert. Dans un final très réussi, elle serrera une partie des feuillets ramassés contre son corps, comme pour accentuer sa victoire : une sorte d’accès direct pour l’éternité avec l’immortalité en garantie.
Le récit qui prend forme sous nos yeux injecte de l’humour subtil, pas toujours savamment dosé, dans la narration, jusqu’à la scène de détresse où Emma s’empoissonne. Nous pouvons déplorer quelques anachronismes, principalement dans le choix d’une bande-son un peu trop rock, mais cela n’enlève rien à la qualité de la proposition. Les acteurs prennent en charge le réel du procès avec conviction. David Geselson est un Sénard très crédible tandis que Ruth Vega-Fernandez fait merveille en endossant le rôle de Pinard. Elle met le doigt sur des extraits du roman qu’elle dissèque avec minutie, parvenant à brouiller les frontières entre réalité, et fiction, théâtre et littérature. A leurs côtés, Jacques Bonnaffé est un Flaubert très en retrait, quasi blasé : « la stupidité de ce procès m’endort » dit-il.
Cependant, il avoue que l’accusation a tout compris de ce qu’il a voulu dire dans son roman mais que la seule chose qui les différencie c’est que l’un trouve cela anormal et pas l’autre. Nous sommes là en plein cœur du débat.
Malgré cela, il manque de profondeur et fait un peu retomber l’ensemble comme un soufflé, tout comme Grégoire Monsaigeon qui est un Charles Bovary plutôt antipathique, sauf dans la dernière partie où il se montre touchant au moment de supplier Flaubert d’écrire un autre dénouement ou lorsqu’il est plongé en pleine détresse au décès de sa femme, tandis qu’Alma Palacios joue pleinement la carte de la séduction en prenant en charge une Emma incertaine, mais pleine de rêves comme beaucoup de jeunes femmes prisonnières d’une existence bien rangée qui ne leur permet pas de s’épanouir. Alors, elle s’enivre d’un romantisme désuet, étourdie par la découverte d’un monde qui lui parvient comme inaccessible, notamment dans la superbe scène du fiacre, qui décrit une beauté sincère de la volupté.
Les représentations de Bovary ouvrent les 68 jours de l’opération Occupation Bastille, qui se tient du 11 avril au 12 juin 2016, durant laquelle Tiago Rodrigues va investir les lieux pour monter entre autres Ce soir ne se répètera jamais, un spectacle participatif, collectif, mais « aussi unique qu’éphémère » selon ses propres termes, avec soixante-dix spectateurs et membres de l’équipe du Théâtre de la Bastille où il reviendra dès le 14 septembre 2016 pour Antoine et Cléopâtre dans le cadre de la 45ème édition du Festival d’Automne à Paris. En s’attaquant à un monument de la littérature française, il met en lumière une approche originale de l’œuvre dans sa globalité, de ce qu’elle raconte comme fiction mais aussi comme trahison des pensées de son auteur. C’est tout simplement brillant. Comme le rappelle à juste titre Flaubert, acquitté, « nous allons tous mourir mais Emma Bovary vivra pour toujours, comme dans les livres ». Et cela, Tiago Rodrigues l’a bien compris.
Tiago Rodrigues, directeur du Théâtre national de Lisbonne, s’appuie sur la correspondance de Gustave Flaubert avec Elisa Schlésinger pour faire de l’auteur le narrateur de son propre procès. Cependant, loin d’imposer un regard moralisateur, il laisse le public juger en son âme et conscience. En effet, les spectateurs sont placés dans le rôle délicat des jurés de ce tribunal réuni pour débattre de la pertinence, ou non, des attaques proférées contre une œuvre littéraire et décider si Emma est bien immorale ou si c’est la plume de son auteur-créateur qui est à blâmer. Après un résumé rapide du roman, nous assistons à une joute verbale entre les deux parties juridiques : l’accusation, sous la véhémence de l’avocat impérial Maître Pinard, forme un réquisitoire virulent tandis que le plaidoyer de Maître Sénard s’attache à défendre chaque point d’attaque. Sur le plateau, le récit romanesque de l’œuvre s’entrelace avec justesse dans la représentation du procès qui finalement pose des questions atemporelles : l’Art est-il immoral ? L’auteur peut-il tout écrire au nom de l’Art ? Peut-on condamner un style littéraire et une œuvre de fiction ?
Autant de débats passionnants qui émanent du spectacle où tout est placé sous la loupe de l’accusation, comme en témoigne la belle scénographie d’Ângela Rocha, avec des paravents en bois que l’on déplace dont les éléments de composition attirent la lumière et la reflète constamment sur le sol jonché de feuilles blanches que les six acteurs ont éparpillées durant l’installation du public, jetées au hasard ou lancées en l’air sans même un regard, comme pour se débarrasser d’un poids trop lourd à porter. D’ailleurs, noircir les pages blanches d’une vie d’ennui, c’est un peu le résumé de l’existence d’Emma, une jeune femme instruite mais naïve, qui rêve d’une vie « comme dans les livres ».
Peu à peu, au fil de la représentation, elle va s’affranchir de son auteur « qui écrit sa souffrance » pour se défendre elle-même en prenant appui sur des passages précis du roman, avant de jeter le trouble dans l’assistance qui hésite entre se laisser attirer par la danse de séduction de la jeune femme ou fuir la position plaintive de Flaubert. Dans un final très réussi, elle serrera une partie des feuillets ramassés contre son corps, comme pour accentuer sa victoire : une sorte d’accès direct pour l’éternité avec l’immortalité en garantie.
Le récit qui prend forme sous nos yeux injecte de l’humour subtil, pas toujours savamment dosé, dans la narration, jusqu’à la scène de détresse où Emma s’empoissonne. Nous pouvons déplorer quelques anachronismes, principalement dans le choix d’une bande-son un peu trop rock, mais cela n’enlève rien à la qualité de la proposition. Les acteurs prennent en charge le réel du procès avec conviction. David Geselson est un Sénard très crédible tandis que Ruth Vega-Fernandez fait merveille en endossant le rôle de Pinard. Elle met le doigt sur des extraits du roman qu’elle dissèque avec minutie, parvenant à brouiller les frontières entre réalité, et fiction, théâtre et littérature. A leurs côtés, Jacques Bonnaffé est un Flaubert très en retrait, quasi blasé : « la stupidité de ce procès m’endort » dit-il.
Cependant, il avoue que l’accusation a tout compris de ce qu’il a voulu dire dans son roman mais que la seule chose qui les différencie c’est que l’un trouve cela anormal et pas l’autre. Nous sommes là en plein cœur du débat.
Malgré cela, il manque de profondeur et fait un peu retomber l’ensemble comme un soufflé, tout comme Grégoire Monsaigeon qui est un Charles Bovary plutôt antipathique, sauf dans la dernière partie où il se montre touchant au moment de supplier Flaubert d’écrire un autre dénouement ou lorsqu’il est plongé en pleine détresse au décès de sa femme, tandis qu’Alma Palacios joue pleinement la carte de la séduction en prenant en charge une Emma incertaine, mais pleine de rêves comme beaucoup de jeunes femmes prisonnières d’une existence bien rangée qui ne leur permet pas de s’épanouir. Alors, elle s’enivre d’un romantisme désuet, étourdie par la découverte d’un monde qui lui parvient comme inaccessible, notamment dans la superbe scène du fiacre, qui décrit une beauté sincère de la volupté.
Les représentations de Bovary ouvrent les 68 jours de l’opération Occupation Bastille, qui se tient du 11 avril au 12 juin 2016, durant laquelle Tiago Rodrigues va investir les lieux pour monter entre autres Ce soir ne se répètera jamais, un spectacle participatif, collectif, mais « aussi unique qu’éphémère » selon ses propres termes, avec soixante-dix spectateurs et membres de l’équipe du Théâtre de la Bastille où il reviendra dès le 14 septembre 2016 pour Antoine et Cléopâtre dans le cadre de la 45ème édition du Festival d’Automne à Paris. En s’attaquant à un monument de la littérature française, il met en lumière une approche originale de l’œuvre dans sa globalité, de ce qu’elle raconte comme fiction mais aussi comme trahison des pensées de son auteur. C’est tout simplement brillant. Comme le rappelle à juste titre Flaubert, acquitté, « nous allons tous mourir mais Emma Bovary vivra pour toujours, comme dans les livres ». Et cela, Tiago Rodrigues l’a bien compris.
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