Critiques pour l'événement Mémoires d'un Fou
5 oct. 2015
3/10
95
Cette théâtralisation des Mémoires d'un fou, fulgurant texte personnel d'un jeune Flaubert à la recherche de lui-même, semble être la production d'un étudiant du même âge. Sans le talent.

Sur scène, du papier, partout. Collé aux murs, déversé sur la scène. Ce n'est pas le cliché d'une chambre d'adolescent que le metteur en scène cherche à montrer au spectateur (si ?), mais bien le chaos et le foisonnement intérieur de Gustave, qui se prétend fou. Soit. On devine que Sterenn Guirriec a pris Flaubert au pied de la lettre : il se dit fou ? William Mesguich jouera le fou. C'est dans le titre. Aucune ironie là-dedans, non, ce n'est pas le genre de Flaubert... Ainsi William Mesguich s'applique, du micro-jeu (tics du visage, regard hagard, paupières à vif de l'insomniaque) aux cabrioles les plus stéréotypiques : tremblements, évanouissements, recroquevillements ... Le tout selon une chorégraphie minutieuse. Car William Mesguich est sur rails, dans cette pièce : si vous le voyez s'approcher du public avec un sourire et un regard digne du plus effrayant serial killer de thriller de série B, vous saurez qu'à la prochaine extinction des feux sur scène il se précipitera (bruyamment) à son bureau pour se préparer à jouer l'écrivain pensif qui scande en regardant un coin de la salle. William Mesguich, aux cheveux longs, gras, blonds peroxydés, est un train fantôme de fête foraine. Oubliée, la subtilité du jeune Flaubert en pleine autocritique.

Mais passons le jeu du jeune Mesguich, qui offre parfois au spectateur des courts moments de poésie, faciles à reconnaître d'ailleurs : c'est lorsqu'il ne hurle pas et que les moyens audiovisuels utilisés par Guirriec ne viennent pas polluer la scène. Car le voilà, le fléau de la pièce. Lorsque Flaubert pense en écrivant, un enregistrement de la voix de l'acteur se superpose à la même réplique prononcée sur scène. Lorsque Flaubert entend des voix, le spectateur entend ces voix. Lorsque Flaubert a de terribles maux de tête, le spectateur entend ses acouphènes. "Gustave Flaubert, c'est moi !" pourrait dire le public... Mais cette pièce n'est pas silencieuse, et cela fatigue. De même, au papier qui bourre déjà la scène comme on bourre des chaussures neuves de vieux journaux, s'ajoutent des couches de projections numériques toutes plus kitsch les unes que les autres : pluie verticale de mots écrits en vert à la Matrix, silhouette rouge pixelisée du premier grand amour de Flaubert, et autres fonds d'écran psychédéliques dignes d'une ancienne version de Windows.

La scène est saturée, pleine de métaphores grossières (de la poussière d'or versée sur le bureau de l'écrivain, cela s'invente pas), de bruit, un bruit aussi bien auditif que photographique. Flaubert adolescent est théâtralisé de manière immature.