Critiques pour l'événement Mélancolies, Julie Deliquet
J’ai découvert Julie Deliquet avec son merveilleux Vania monté pour la première fois en 2016 au Vieux-Colombier et repris cette saison en raison de son succès. Cette version déjà adaptée du célèbre Oncle Vania a totalement su me combler : l’atmosphère qui régnait alors sur le plateau était, à mon sens, totalement Tchekhovienne. Les modifications étaient très légères en vérité : Julie Deliquet avait gardé la majorité du texte et ajouté une scène, adapté certaines remarques à l’actualité. Cependant, l’âme était là. Mais elle est absente de ses Mélancolie(s).
Mélancolie(s), c’est un mélange des Trois Soeurs et d’Ivanov : les personnages des deux pièces se rencontrent, Ivanov-Nicolas étant un ancien ami du père des trois soeurs devenues deux, Sacha et Olympe. Sacha est toujours marié, mais plus à un professeur : son époux est devenu chef d’entreprise. Elles ont toujours un frère, Camille, qui est toujours avec une femme que ses deux soeurs ont du mal à supporter. Du côté Ivanov, Nicolas est marié à Anna, qui a une maladie très grave et incurable qui ne lui laisse que quelques années à vivre et, pour l’occasion, Olympe n’est plus directrice d’une école mais chirurgienne. Bref, pour mêler les deux histoires, Ivanov et Anna, accompagnés de Paul, un de leurs amis, rencontrent l’autre famille au début de la pièce.
Tout commençait pourtant très bien. Je suis rentrée dans cette histoire de familles qui se mêlent, de souvenirs qui ressurgissent. Mon radar de détection des injures à Tchekhov s’est rapidement éteint car j’ai retrouvé dans l’écriture et dans l’atmosphère qui régnaient sur scène quelque chose qui s’approchait de ce que je pouvais ressentir devant ses pièces. Et puis j’ai attendu. J’ai attendu. Et ça n’a pas pris. J’ai attendu l’émotion, j’ai attendu le message, j’ai attendu la vie. Mais l’étincelle qu’ils avaient allumée au début du spectacle s’est éteinte petit à petit.
Pourtant, je ne me suis ennuyée à aucun moment. Les acteurs sont tous très bons, et ils jouent ça avec vigueur et intérêt, sans doute mus par leur propre écriture. La mise en scène est très intelligente, présentant certains très beaux moments de temps qui passe, d’évolution des relations. Mais j’ai regardé ça comme un pur divertissement, et ce n’est pas ce que j’attendais de ce spectacle. Où est passée cette Mélancolie qu’ils mettent tant en valeur par les mots mais que je n’ai pas ressenti un seul instant ? J’attendais – et j’attends toujours – qu’un metteur en scène me fasse enfin comprendre ou haïr le personnage d’Ivanov, qui pour le moment ne réveille qu’un peu de pitié chez moi. J’espérais comprendre l’oeuvre sans doute la plus cruelle de Tchekhov. Ce sera pour une autre fois !
Mais si ce n’est ni un problème de texte, ni un problème de mise en scène, ni un problème de casting, pourquoi la mayonnaise n’a-t-elle pas prise ? Peut-être parce qu’il faudrait faire confiance à Tchekhov et arrêter de le déchiqueter en morceaux puis de le recomposer à sa propre sauce ? Pourquoi vouloir réadapter Tchekhov et ne pas essayer plutôt de le comprendre vraiment ? Pourquoi touche-t-on autant à ce monument cette saison, pourquoi prendre autant de libertés avec des textes pourtant si sublimes ?
Le geste initial comprend déjà une erreur : réécrire un texte qui n’est pas de soi est plein d’obstacles. Ce ne sont pas nos personnages, ce ne sont pas nos situations, nous ne les comprenons pas comme lui les maîtrisait. Ce n’est pas une intention qui vient des tripes, c’est une intellectualisation finalement un peu artificielle car elle ne naît pas en nous mais à partir de ce qu’on connaît déjà. Peut-être faudrait-il arrêter d’essayer de trouver « la bonne idée » et se concentrer sur ce qu’on veut véritablement dire, sur ce qu’on trouve nécessaire, presque vital. D’abord les tripes, ensuite le cerveau – voilà l’ordre des choses.
Mélancolie(s), c’est un mélange des Trois Soeurs et d’Ivanov : les personnages des deux pièces se rencontrent, Ivanov-Nicolas étant un ancien ami du père des trois soeurs devenues deux, Sacha et Olympe. Sacha est toujours marié, mais plus à un professeur : son époux est devenu chef d’entreprise. Elles ont toujours un frère, Camille, qui est toujours avec une femme que ses deux soeurs ont du mal à supporter. Du côté Ivanov, Nicolas est marié à Anna, qui a une maladie très grave et incurable qui ne lui laisse que quelques années à vivre et, pour l’occasion, Olympe n’est plus directrice d’une école mais chirurgienne. Bref, pour mêler les deux histoires, Ivanov et Anna, accompagnés de Paul, un de leurs amis, rencontrent l’autre famille au début de la pièce.
Tout commençait pourtant très bien. Je suis rentrée dans cette histoire de familles qui se mêlent, de souvenirs qui ressurgissent. Mon radar de détection des injures à Tchekhov s’est rapidement éteint car j’ai retrouvé dans l’écriture et dans l’atmosphère qui régnaient sur scène quelque chose qui s’approchait de ce que je pouvais ressentir devant ses pièces. Et puis j’ai attendu. J’ai attendu. Et ça n’a pas pris. J’ai attendu l’émotion, j’ai attendu le message, j’ai attendu la vie. Mais l’étincelle qu’ils avaient allumée au début du spectacle s’est éteinte petit à petit.
Pourtant, je ne me suis ennuyée à aucun moment. Les acteurs sont tous très bons, et ils jouent ça avec vigueur et intérêt, sans doute mus par leur propre écriture. La mise en scène est très intelligente, présentant certains très beaux moments de temps qui passe, d’évolution des relations. Mais j’ai regardé ça comme un pur divertissement, et ce n’est pas ce que j’attendais de ce spectacle. Où est passée cette Mélancolie qu’ils mettent tant en valeur par les mots mais que je n’ai pas ressenti un seul instant ? J’attendais – et j’attends toujours – qu’un metteur en scène me fasse enfin comprendre ou haïr le personnage d’Ivanov, qui pour le moment ne réveille qu’un peu de pitié chez moi. J’espérais comprendre l’oeuvre sans doute la plus cruelle de Tchekhov. Ce sera pour une autre fois !
Mais si ce n’est ni un problème de texte, ni un problème de mise en scène, ni un problème de casting, pourquoi la mayonnaise n’a-t-elle pas prise ? Peut-être parce qu’il faudrait faire confiance à Tchekhov et arrêter de le déchiqueter en morceaux puis de le recomposer à sa propre sauce ? Pourquoi vouloir réadapter Tchekhov et ne pas essayer plutôt de le comprendre vraiment ? Pourquoi touche-t-on autant à ce monument cette saison, pourquoi prendre autant de libertés avec des textes pourtant si sublimes ?
Le geste initial comprend déjà une erreur : réécrire un texte qui n’est pas de soi est plein d’obstacles. Ce ne sont pas nos personnages, ce ne sont pas nos situations, nous ne les comprenons pas comme lui les maîtrisait. Ce n’est pas une intention qui vient des tripes, c’est une intellectualisation finalement un peu artificielle car elle ne naît pas en nous mais à partir de ce qu’on connaît déjà. Peut-être faudrait-il arrêter d’essayer de trouver « la bonne idée » et se concentrer sur ce qu’on veut véritablement dire, sur ce qu’on trouve nécessaire, presque vital. D’abord les tripes, ensuite le cerveau – voilà l’ordre des choses.
J’avais beaucoup entendu parler du Vania de Julie Deliquet avec des acteurs de la Comédie Française et que j’avais malheureusement raté. C’est pourquoi j’étais curieux de découvrir son travail, toujours avec Tchekhov, mais avec des acteurs du collectif In Vitro dont elle fait partie.
Malheureusement je n’ai pas été convaincu par cette tentative de mash up des Trois Soeurs et d’Ivanov. Pourtant j’étais bien entré dans la pièce, notamment grâce à la justesse de Julie André (Olympe) et à la malice de Aleksandra de Cizancourt (Natacha), même si on peut s’interroger sur l’utilité du petit film vidéo en introduction, qui nous présente les personnages de Nicolas et Anna ou la chronique d’une mort annoncée (de leur relation ?). Je parvenais même à (plus ou moins) oublier l’adaptation des « Trois Soeurs » de Simon Stone vue la semaine précédente, qui m’avait plus qu’enthousiasmé, mais bien différente de celle qui se déroulait sous nos yeux, plutôt intéressante. Pourtant quelque chose s’est cassé au passage du chapitre deux. Est-ce le jeu de Eric Charon ou son personnage de Nicolas/Ivanov qui m’a exaspéré alors qu’il prenait de plus en plus d’importance ? Sont-ce les longueurs de cette deuxième partie qui m’ont plongé dans un ennui à peine gommé par la dernière partie ?
Je crois qu’en fait, j’ai été plus ému… c’est peut-être pas le bon mot… questionné… pas le bon mot non plus… remué par une phrase dans le programme que par le spectacle tout entier : « J’aime l’idée que ce sont des êtres au milieu de leur vie qui se sentent déjà vieux. »
Malheureusement je n’ai pas été convaincu par cette tentative de mash up des Trois Soeurs et d’Ivanov. Pourtant j’étais bien entré dans la pièce, notamment grâce à la justesse de Julie André (Olympe) et à la malice de Aleksandra de Cizancourt (Natacha), même si on peut s’interroger sur l’utilité du petit film vidéo en introduction, qui nous présente les personnages de Nicolas et Anna ou la chronique d’une mort annoncée (de leur relation ?). Je parvenais même à (plus ou moins) oublier l’adaptation des « Trois Soeurs » de Simon Stone vue la semaine précédente, qui m’avait plus qu’enthousiasmé, mais bien différente de celle qui se déroulait sous nos yeux, plutôt intéressante. Pourtant quelque chose s’est cassé au passage du chapitre deux. Est-ce le jeu de Eric Charon ou son personnage de Nicolas/Ivanov qui m’a exaspéré alors qu’il prenait de plus en plus d’importance ? Sont-ce les longueurs de cette deuxième partie qui m’ont plongé dans un ennui à peine gommé par la dernière partie ?
Je crois qu’en fait, j’ai été plus ému… c’est peut-être pas le bon mot… questionné… pas le bon mot non plus… remué par une phrase dans le programme que par le spectacle tout entier : « J’aime l’idée que ce sont des êtres au milieu de leur vie qui se sentent déjà vieux. »