Critiques pour l'événement La convivialité
15 oct. 2019
7,5/10
7
« La convivialité » : la faute de l’orthographe d’Arnaud Hoedt et Jérôme Piron au théâtre Tristan Bernard dans une mise en scène d’Arnault Pirault, Clément Thirion et Dominique Bréda, ou le spectacle de deux belges francophones qui mettent les points sur les « i » en relevant les absurdités de la langue française découvertes tout au long de leurs échanges avec des linguistes.

Selon la définition du Larousse, eh oui il faut bien une référence… le mot convivialité se définit par : « Capacité d’une société à favoriser la tolérance et les échanges des personnes et des groupes qui la composent. »

Eh bien c’est le cas ce soir pour la première de leur spectacle au Tristan Bernard : dans un spectacle interactif, d’un côté ceux qui sont pour une simplification de l’orthographe et de l’autre ceux qui sont farouchement opposés, qui en font un dogme, au risque de dénaturer l’enseignement qu’ils ont reçu et la « beauté » de l’écriture, de la langue française.
Un débat qui se veut dépassionné, sur le ton de l’humour rassurez-vous, afin de dédramatiser ce qui depuis des générations nous pose problème dans la vie de tous les jours : de l’enfance avec ses dictées, à l’âge adulte avec ses C.V. ou lettres de motivation dans la recherche d’un emploi, par exemple.
Mais il faut tout de suite faire une distinction entre la langue et son orthographe : l’orthographe étant son code graphique qui permet de la transcrire.

D’ailleurs pour une entrée en matière qui se veut humoristique, vous aurez une petite dictée à effectuer, rien de bien méchant.
Une dictée qui pourrait vous réserver des surprises avec le doublement des consonnes tant apprécié dans notre belle orthographe, ou ce que l’on pourrait appeler « fioriture », lisible à profusion.

En remontant au moyen âge, on s’aperçoit que nos moines copistes ne sont pas étrangers aux bizarreries actuelles de notre orthographe.
Vous y apprendrez par exemple, la raison de l’accord de l’auxiliaire avoir avec son COD, ou bien encore le fameux pluriel des poux, cailloux, hiboux, j’en passe et des meilleurs, et les pluriels des mots en « x » qui ont modifié par exemple les cheveus en cheveux.
Ah ces moines, ils ne nous ont pas rendu la tâche facile, aujourd’hui encore, leurs « maladresses » nous pénalisent, nous agacent.

L’orthographe de la langue française est si complexe, diront ceux qui veulent la simplifier et si riche diront les puristes, qu’en inventant un mot (proposé par nos deux conférenciers), par exemple « Kréfission », il existe dans l’orthographe française, 240 façons de l’écrire. Et je ne vous parle pas du son « 100 » qui s’écrit de façons si différentes : cent, sang, s’en, sans…

Un dictionnaire qui évolue à la vitesse d’un escargot, qui selon certains ne tient pas compte de l’évolution de la société, donc de sa langue, avec à sa tête des académiciens dont aucun n’est linguiste, ce qui est un comble !

Seulement voilà, il faut bien un cadre pour mettre en pratique cette orthographe ou c’est vite l’anarchie et c’est là tout le problème : que faut-il respecter ? Comment faire évoluer plus rapidement notre langue, par voix de conséquence son orthographe ?
Cette soi-disant évolution ne serait-elle pas pour certains un nivellement par le bas ?
Un cadre défini par qui ? Des linguistes ? Des académiciens ? Et qui par exemple avec les quelques fautes de français que j’ai relevées pendant la conférence, certes qui ne s’opposent pas à la compréhension des propos, mais qui ne sont pas correctes avec les règles actuelles de notre langue française.
Tout le débat repose sur ce que l’on peut accepter au nom de la simplification ou pas, pour sa compréhension.

Un débat passionné au bon sens du terme qui n’est pas près de s’arrêter, et une simplification au résultat des échanges de ce soir qui n’est pas près de s’instaurer…

Un spectacle instructif, drôle, qui a l’avantage de poser la question et d’y trouver une réponse, leur réponse, sur les absurdités de la langue française ; à vous de vous y rendre pour y donner votre opinion, le tout dans la convivialité…
15 oct. 2018
7/10
9
La découverte de ce spectacle vient d’un hasard total : c’est en discutant écriture inclusive avec Julia Passot, qui travaille au Théâtre du Rond-Point, qu’elle me parle de ce spectacle présenté il y a quelques années au Festival OFF et qui revient sur les critiques faites aux règles de français aujourd’hui. Moi qui défends cette langue et lutte contre les nouvelles lubies simplificatrices ou inclusives de notre temps, me voilà intriguée. Et même si je doute qu’on parvienne à me convaincre sur le sujet, j’aimerais quand même entendre ce que ces deux jeunes belges ont à nous dire.

Pourquoi le français comporte-t-il toutes ces exceptions ? Pourquoi continuons-nous à souffrir des ces choux, hiboux, cailloux et genoux alors que les gnous suivent la règle d’accord ? D’où vient cette contrainte étrange qui transforma les cheveus en cheveux ? Avez-vous remarqué comme le français accumule les marques de pluriel comparé aux autres langues ? Avez-vous remarqué qu’en français, le son [s] peut s’écrire de 13 façons différentes ? Avez-vous compris les règles, les avez-vous intégrées, ou vous embêtent-elles au quotidien ? Le spectacle soulève les incohérences, les exceptions, les difficultés imposées par les règles d’écriture du français, et cherche quasiment à les décrédibiliser.

Tout commence par une dictée. C’est bien, j’ai toujours adoré ça. Je suis très confiante ; j’apprendrai par la suite que j’ai fait une faute. Tant mieux, le spectacle m’aura au moins appris que le mot baratin ne prend qu’un « r ». Pour le reste, je ne sais pas ce que j’y apprends. Ou plutôt non : je ne sais pas ce que ça va changer. Les deux compères font une démonstration quasi-mathématiques pour prouver que les règles d’aujourd’hui ne sont pas ou plus pertinentes, qu’elles relèvent d’erreurs du passé, qu’elles ne sont pas tellement liées à l’histoire de la langue.

Alors oui, c’est vrai, j’entends. Et je vois, car ce spectacle-conférence sait utiliser des outils pour convaincre : lorsqu’on propose de nouvelles orthographes aux spectateurs, un algorithme enregistre en temps réel les réponses pour donner le pourcentage de validation et de refus de la salle. Un autre algorithme trouvera 240 façons d’écrire un mot inventé par les comédiens. Un autre enfin proposera une orthographe aléatoire à l’écoute d’un son. Mais tout cela est totalement extrême, et je me situe à l’autre extrémité. Réfractaire à ce changement, me voilà à me bloquer complètement.

Plusieurs choses m’ont gênée dans ce spectacle. D’abord, il manque un contradicteur, car si les arguments présentés sont pour la plupart recevables, ceux de l’autre bord, le mien, le seraient tout autant. Et puis, certaines affirmations me semblent exagérées – on est parfois pas si loin du point Godwin. Ensuite, il y avait des scolaires dans la salle ce soir-là. Je trouve ça très chouette d’emmener des scolaires voir ce genre de spectacle. Mais devant leurs réactions, je ne peux m’empêcher de constater que, pour eux, simplifier l’orthographe ne vient que satisfaire leur flemme d’apprendre. Je ne peux m’empêcher d’y voir un certain nivellement par le bas : on prend le niveau actuel des élèves, on se rend compte qu’ils n’arrivent plus à intégrer certaines règles, alors on les supprime. Et j’ai mal.