- Théâtre contemporain
- Théâtre de l'Aquarium
- Paris 12ème
Mille francs de récompense

- Théâtre de l'Aquarium
- route du Champ-de-Manœuvre
- 75012 Paris
- Château de Vincennes (l.1) puis bus 112
Cyprienne et sa famille vont être saisies de tous leurs biens par les huissiers !
Leur seule échappatoire serait d’accepter l’infâme marché de Rousseline, banquier sans scrupules : il les sauvera à condition que la belle Cyprienne l’épouse... Mais c’est sans compter sur Glapieu, repris de justice en cavale qui s’est réfugié clandestinement dans la maison. Ce Robin des rues, libertaire au verbe haut, bien résolu à ne plus laisser “ceux d’en haut” en faire à leur guise, réussira-t-il à sauver cette famille des griffes du banquier ?
Cette franche comédie à rebondissements multiples, écrite par un Hugo en verve durant son exil à Guernesey (alors que Napoléon III dirigeait la France grâce au soutien des lobbys financiers - déjà !), s’avère incroyable de modernité. Véritable réquisitoire contre une société à deux vitesses, fondée sur l’individualisme et le profit à tout prix, elle redoublera d’impertinence avec cette (brillante) distribution affichant la diversité française : hier comme aujourd’hui, la discrimination est d’abord sociale !
Le flouze !
En sept mots comme en cent, voici le principal moteur de la pièce trop peu jouée de Victor Hugo, une pièce écrite en exil à Guernesey, alors que Napoléon III règne, grâce notamment aux puissances financières. (Tiens, tiens... quelle modernité de propos, non ?...)
La famille de Cyprienne menace d'être saisie pour cause de dettes. Le banquier sans scrupule Rousseline aux ordres du pouvoir leur propose un marché infâme, un deal honteux. Mais c'est sans compter avec le héros Glapieu !
Le metteur en scène Kheireddine Lardjam a bien compris l'actualité et l'universalité de ce thème de l'argent roi qui corrompt tout et annihile toute humanité.
Il en a tiré une adaptation jouissive, souvent hilarante et on ne peut plus actuelle.
Ici, Glapieu (repris de justice sous la plus du père Hugo) est un jeune coquin sympathique, passé par l'école d'application de Melun (si si, elle existe...) et le centre pour jeunes délinquants de Poissy. (Pareil...)
Dans ce rôle, Maxime Atmani est éblouissant.
En « jeune des cités » gouailleur, charmeur, enjôleur, beau parleur, beau faiseur, il est épatant.
Il va dans un premier temps être le narrateur de l'histoire, au moyen d'une sorte de slam enjoué et non dénué d'une certaine poésie, avec de vraies formules qui font mouche, des saillies très drôles.
Tel un griot des cités, il fait avancer l'action, tisse des liens entre les personnages, établit des passerelles.
Une vraie trouvaille dramaturgique.
Pour dépoter, ça va dépoter ! Lardjam fait en sorte que sur le plateau se déroule une farce moderne, par moments burlesque, menée tambour battant.
La distribution est aux petits oignons.
Dirigés très précisément, avec un vrai sens de l'occupation du plateau et des déplacements, tous confèrent à ces deux heures une énergie et une puissance folles.
Pas un moment de répit. Ils nous tiennent et ne nous lâchent plus. Ca pulse, ça bouge, on s'attrape, on se frappe, on s'empoigne.
Il y a parfois une dimension Comedia Del'Arte dans tout ça !
Azzedine Benamara est un Rousseline fourbe, mielleux et sans scrupule à souhait. Il m'a vraiment impressionné. Une très belle interprétation parfois décalée (je n'en dirai pas plus) mais très juste de ce personnage malfaisant.
Romaric Bourgeois est un huissier à la guitare électrique HF ravageuse. Ses riffs musicaux et verbaux sont parfaits.
J'ai beaucoup apprécié la partition de Aïda Hamri en Cyprienne. La jeune comédienne ne s'en laisse pas compter et a beaucoup d'abattage et de talent.
Tout comme une nouvelle fois Etienne Durot. J'aime beaucoup le jeu en finesse de ce comédien que j'ai beaucoup apprécié l'automne dernier dans un malade imaginaire monté par la compagnie seine-et-marnaise Scènes en Seine.
Le reste de la distribution est à l'avenant et nous procure beaucoup de plaisir.
La scénographie de Estelle Gautier, qui travaille beaucoup en ce moment, contribue à ce sentiment d'énergie et de force. Le tout est à base d'éléments composés de caisses en bois surmontés de très grands panneaux en plexi sur lesquels sont projetées des video graphiques du plus bel effet.
Beaucoup de corbeaux, ainsi qu'au dernier acte des petites loupiotes faisant penser à des racks de serveurs informatiques. (Je ne vous dirai pas pourquoi...)
C'est là aussi une grande réussite visuelle.
Les grands auteurs classiques sont faits pour être bousculés, à condition d'en respecter le sens et le propos.
Cette adaptation due à Kheireddine Lardjam est sur ce plan-là également exemplaire.
Les jeunes de trois classes venus assister à la représentation ont tout à fait assimilé cette dénonciation du pouvoir de l'argent, ainsi que les grands idéaux hugoliens.
Au retour de la Cartoucherie, dans la navette, une lycéenne confiait à l'une de ses camarades :
« Wouala, à l'oral du bac français, j'vais leur parler de cette pièce que j'ai vue à Vincennes, et de Victor Hugo ».
J'ai trouvé que c'était une excellente idée !
Découverte d’un texte de Victor Hugo peu connu. Il refusera de le voir jouer de son vivant. Le 18 avril 1866 Victor Hugo refuse Mille francs de récompense à Marc Fournier qui le lui demandait pour l’Odéon : « Mon drame paraîtra le jour où la liberté reviendra ».
Ce texte a été écrit 4 ans après les misérables.
Pourchassé par la police, Glapieu se cache dans un appartement. Il découvre une jeune fille vivant avec sa mère et son grand père malade et ruiné. Puis surgit un agent d’affaires, un riche banquier magouilleur…
Glapieu voleur, poète et philosophe.
*Comme c’est drôle, les oiseaux ! Ça se moque de tout. Voler, quel bête de mot ! Il a deux sens. L’un signifie liberté, l’autre signifie prison.
*La première sottise, fil à la patte qui ne se casse jamais. O qui que vous soyez, qui ne voulez pas faire la deuxième sottise, ne faites pas la première.
Au fil de la pièce nous le découvrirons justicier.
La mise en scène est assez rock en roll et innovante. C’est une parodie. Burlesque.
L’huissier et sa guitare électrique, le numéro « Grande Eugène » de Rousseline et de Pontresme, oui l’avocat aime les tripots ! On a du mal à suivre.
Dommage, les comédiens sont dynamiques, que ce soit Linda Chaïb en mère fofolle, et Aïda Hamri, jeune fille versant dans le gothique mais déterminée à ne pas se laisser faire, Maxime Atmami amusant Glapieu, Azeddine Benamara que j’aurai vu moins guignolesque.
J'ai été gênée par le côté "burlesque" de la mise en scène et justement je trouve que le propos d'Hugo était noyé dans trop de fantaisie, par contre oui les comédiens sont très bien.