- Théâtre contemporain
- Théâtre de la Bastille
- Paris 11ème
Maitres anciens

- Théâtre de la Bastille
- 76, rue de la Roquette
- 75011 Paris
- Voltaire (l.9)
L’avant-dernier roman de Thomas Bernhard est une comédie libératrice qui bouscule tout sur son passage, et notamment certains monuments de la culture européenne – de Beethoven à Heidegger, de Véronèse à Klimt.
Nicolas Bouchaud, accompagné d’Éric Didry et Véronique Timsit, en révèle la puissance d’interpellation, tout en soulignant l’acuité de son propos sur la transmission.
Au musée d’art ancien de Vienne, trois personnages se croisent et mêlent leurs propos sur l’art, l’enfance, l’État catholique, la saleté des toilettes viennoises, le deuil, ou encore l’industrie musicale, « véritable massacreur de l’humanité »… Ces trois voix n’en font qu’une dans ce spectacle qui fait la part belle à une langue en constant débordement, tour à tour rageuse, burlesque et érudite. Progressivement, la satire fait place à un roman familial, dans lequel se lisent les biographies fictives des personnages et s’intercalent les pages d’un journal de deuil. Comment se défaire de nos héritages, qu’ils soient collectifs ou intimes, pour vivre au présent – tout en reconnaissant leur indéniable emprise ? Comment éviter de figer nos maîtres en autant de pièces de musées ?
Évoquant aussi bien l’influence du mouvement dada que de Johnny Rotten, le spectacle interroge l’essence d’un geste artistique de pure rupture. La mise en scène brouille la frontière entre la salle et la scène pour mieux inclure le public dans le cheminement de la parole.
Sortir des voies balisées de l’histoire officielle, voilà ce à quoi Maîtres anciens nous invite, avec une radicalité qui est avant tout une ouverture à la joie et une promesse d’émancipation.
Le processus est toujours le même : Nicolas Bouchaud s’adresse directement au public, lui demande parfois sa participation, sans le mettre mal à l’aise et cela fonctionne toujours (ou presque : son adaptation de Paul Celan « Le Méridien » m’avait moins emballé à cause du texte pas évident du tout).
Et là où j’ai été surpris en tant que non-spécialiste de Thomas Bernhard, c’est qu’hormis la critique de la société autrichienne dont il est, lui, le spécialiste, Bernhard, par l’intermédiaire de Bouchaud, parvient à nous émouvoir quant à la véritable raison de la présence du vieux Reger dans ce musée d’histoire de l’art.
Nicolas Bouchaud est un conteur exceptionnel qui, à l’aide de ses partenaires Eric Didry et Véronique Timsit, parvient à nous passionner et à nous donner envie de lire/voir, etc. tout ce qu’ils touchent.