- Théâtre contemporain
- L'Étoile du Nord
- Paris 18ème
Les Missions d'un mendiant
Solitaires et attachants, les personnages de ces 4 pièces courtes de Daniel Keene posent un regard inquiet sur le monde et questionnent notre identité.
D'abord il y a La Fille, Prévert et les baleines, puis Le Père condamné et son fils handicapé. Il y a l'Autre et sa fille qui rendent visite à La Mère. Et aussi Tom et Dick qui s'inquiètent d'Harry qui a pris toutes les couvertures. Un monde étrange, drôle et poétique.
Ce spectacle est le fruit de la collaboration de deux structures : le Théâtre Eurydice et le Théâtre du Cristal qui réunit les membres de deux compagnies permanentes de comédiens en situation de handicap. Ils nous offrent ici un autre regard sur la pratique théâtrale et nous démontre que le théâtre demeure un lieu de rencontres où convergent toutes les sensibilités.
Voici un projet artistique de qualité pour un spectacle abouti et réussi. Un fichu bon moment qui nous donne l’occasion de savourer le théâtre de cet auteur humaniste par excellence.
Même s’il semble chercher toujours et encore les profondeurs de la relation à l’autre, de ce qui fonde l’identité, Keene reste assurément un auteur accessible, choisissant des situations simples pour des sujets parfois complexes. Il joue avec l’émotion comme on joue aux Légos, par touches successives, par essais, par des façons détournées voire incongrues de poser les bases d’une quête à comprendre l’autre et à se comprendre aussi.
« Je dis Je » est un monologue quasi onirique. Il est dit, chanté, murmuré, crié parfois, par une comédienne portant le texte avec ferveur et simplicité. « elle » nous parle d’elle et nous. De son identité qu’elle semble vouloir protéger en la revendiquant.
« La visite » nous parle de l’amour et de la protection fraternels. La petite sœur et le frère sont joués avec une tendresse et un désespoir palpables.
« Avis aux intéressés » apparait comme le moment fort du spectacle. Joué avec sincérité et engagement par deux comédiens concernés. Ils donnent à cet ode à l’amour filial un côté déchirant, distillant progressivement l’émotion.
« Tabouret à trois pieds » interroge la question de la protection. Pourquoi protéger l’autre ? A qui demander protection ? Les trois Sans-logis s’échangent des réponses tout en tensions et jusqu’au-bouistes.
Un beau spectacle pour de beaux textes, à ne pas manquer.