- Classique
- Comédie Française - Salle Richelieu
- Paris 1er
Les Fourberies de Scapin

- Gilles David
- Benjamin Lavernhe
- Adeline d'Hermy
- Didier Sandre
- Comédie Française - Salle Richelieu
- 2, rue de Richelieu
- 75001 Paris
- Palais Royal (l.1, l.7)
Denis Podalydès revient en tant que metteur en scène Salle Richelieu avec Les Fourberies de Scapin qui, jouées plus de 1 500 fois par les Comédiens-Français, n’ont pourtant pas fait l’objet d’une nouvelle production depuis vingt ans.
Il aime l’idée d’une « pièce de troupe, écrite non pas pour la Cour mais pour le peuple », créée en 1671 au Palais-Royal pendant une période de travaux. Molière est alors libéré des contraintes des comédies-ballets et des comédies à machine : c’est du « théâtre pur » qui offre au metteur en scène une grande liberté d’action.
La scène se passe à Naples, porte ouverte à l’imaginaire maritime, tendue vers l’Orient. Face à deux pères autoritaires, deux fils aux amours contrariées s’en remettent au rusé Scapin, habité d’une folle énergie de revanche, double de Scaramouche, acteur italien à la vie aventureuse que Molière admirait : « à vous dire la vérité, il y a peu de choses qui me soient impossibles, quand je m’en veux mêler. »
Si le valet bouffon reçoit des coups de bâton, et en rend notamment dans la célèbre scène du sac, Denis Podalydès rappelle qu’il tire son nom du verbe italien scappare qui signifie « s’échapper », « s’envoler ». S’ensuit alors, dans un climat de demandes de rançons et de contrariétés paternelles, une avalanche de stratagèmes et autres fourberies que l'auteur excellait à peindre.
Ce Scapin est magnifique, par ses décors, ses costumes, sa lumière dorée qui nimbe toute la scène et nous plonge dans l’Italie au XVII ieme siècle. La mise en scène de Podalydès est aussi pleine de trouvailles et d’idées qui fonctionnent à merveille. Cela atteint son apogée lors de la célèbre scène du sac qui est un pur moment de plaisir farcesque qui redonne tout sa dimension de théâtre de foire à cette comédie. L’idée de cette grue qui promène le sac au dessus des spectateurs, ce jeu avec le public qui rompt le quatrième mur et nous renvoie à notre enfance et aux frissons des spectacles de Guignol, tout cela rend ce moment jouissif. Mais le plus beau et le meilleur reposent sur Benjamin Lavernhe qui campe un Scapin virevoltant et époustouflant.... il illumine cette piece et sait jouer de toutes les formes de comique. L’ensemble créer un spectacle d’anthologie n’en déplaise au spectateur grincheux qui s’est permis d’interrompre le spectacle par ses remarques déplacées.
C’était la première fois que j’emmenais mon ado de 14 ans à la comédie française.... et je pense qu’elle en gardera un souvenir inoubliable !
Incontournable pièce étudiée, vue et revue aux temps des bancs scolaires, ce grand classique ne s'oublie pas.
Preuve que le temps ne chamboule pas tout : Les Fourberies de Scapin se regarde toujours avec autant de plaisir. Que dire si elle est jouée par la troupe de la Comédie-Française, si excellente ? A l'exception du film "Le sens de la fête", d'Eric Toledano et Olivier Nakache, le comédien Benjamin Lavernhe ne m'avait pas réellement tapé dans l’œil. Surgissant d'en dessous des planches, la gueule enfarinée, un peu crade, les cheveux en pétard, Benjamin Lavernhe interprète Scapin avec évidence. Il est nu comme un vert de terre et traîne de belles casseroles. On fait appel à ses services pour sortir les gens de la mouise. Il use de stratagèmes, de ses fameuses fourberies. Il a juré qu'il arrêterait. Mais deux jeunes garçons, Octave (Julien Frison) et Léandre (Jean Chevalier), ont eu l'outrecuidance de nouer des relations et plus si affinités, respectivement avec Hyacinte (Claire de La Rüe du Can) et Zerbinette (Adeline d'Hermy), sans juger bon d'en informer leur pater familias, Argante (Gilles David) et Géronte (Didier Sandre). La colère de ces derniers gronde : impossible de défier ainsi une telle autorité, encore moins pour des unions avec des filles d'aussi basses conditions. Mais puisque "la tranquillité en amour est un calme désagréable", Scapin reprend du service plein d'ardeur pour aider cette jeunesse et la venger. Il dépense son énergie pour soutirer de l'argent aux victimes, offrant des scènes grandioses : Silvestre (Bakary Sangaré) mettant un peu trop de cœur dans ses menaces envers Argante ou Scapin frappant sans relâche le sac dans lequel Géronte avait trouvé refuge. Point d'orgue de la pièce, le public encourage le fourbe à battre de plus belle. Scapin ne peut qu'être empreint de folie pour continuer cette violence ubuesque tout en interprétant avec brio autant de personnages.
On soutient ce roublard et on fanfaronne avec lui. Scapin nous emporte et nous fait rire comme des gamins. Quel bonheur ! C'est un jeu très affirmé où les gestes sont rois et les grimaces reines. Loin de basculer dans la grossièreté, la farce s'en trouve grandement renforcée.
Une vraie leçon pour le théâtre populaire !
Les décors façon chantier n’apportent strictement rien à la pièce, pas plus que les costumes façon crade, pas plus que le fait que Scapin puisse se retrouver nu sur scène à nous exhiber ses fesses, habitude stérile dont les metteurs en scène ne savent désormais plus se départir.
Forte personnalité et timbre de voix puissant et intéressant de Bakary Sangaré, je n’ai toutefois pas compris plus de trois mots de ses tirades.
Ensemble vivant et enjoué de la troupe de la comédie française, il est toutefois de bon de ton de leur rappeler qu’une des qualités premières du théâtre est la diction, trop de mots perdus entre la scène et le public pour que la pièce jouée puisse vraiment emporter pleine et entière satisfaction...
Avec ces Fourberies de Scapin, la Comédie Française est sous son plus beau jour: des rires d'enfants, un public qui participe et ressort enchanté...
Bravo !
On ne présente plus Scapin : ce valet qui va intriguer pour des jeunes gens amoureux et qui, en plus d’arracher de l’argent à leurs pères, va se venger par une scène de coups de bâtons à la fois drôle et cruelle. On le présente souvent intelligent et vif, metteur en scène de cette grande farce qu’il va orchestrer pour notre plus grand plaisir – je l’ai aussi connu blasé, usé par la vie et profondément seul, un Scapin plus humain que jamais et qui faisait résonner certaines tirades de la pièce avec une énergie dénonciatrice, lourde d’un passé qu’on devinait. Scapin est un terreau fertile pouvant donner lieu à diverses interprétations. Alors pourquoi la proposition de Denis Podalydès est-elle aussi vide ?
Son Scapin est totalement bipolaire : est-on dans la farce ou dans le drame ? Pourquoi Scapin aide-t-il ses maîtres ? Il ne ressemble plus qu’à une vague marionnette, un pantin dépourvu d’âme. Pour combler le vide, rien de mieux que de lourds décors qui prennent autant de place qu’ils sont inutiles. Je préfère ne pas penser au coût d’une telle installation : disposés sur les 3/4 de la scène, ils figurent un port offrant plusieurs points de vue aux comédiens : à cour, c’est un échafaudage de 5 étages que les acteurs passeront leur temps à monter et descendre, avec force bruits et mouvements ; à jardin, une sorte de belvédère duquel on devine vaguement une vue sur le port, et sur lequel les acteurs feront quelques allers-retours sans intérêt. Tout ça pour finalement venir jouer le reste du temps à l’avant-scène, bien loin de ce décor finalement inutile.
C’est peut-être l’un des spectacles de la Comédie-Française que j’ai vus où l’esprit de Troupe était le plus absent. Forcément, à venir toujours en solitaire devant les spectateurs, cela jure avec la véracité des dialogues et leur crédibilité. De manière générale, sur ce spectacle, la direction d’acteurs laissait fortement à désirer : dès les premières minutes du spectacle, Julien Frison – Octave, ses cris et ses gesticulations à outrance donnaient le ton du spectacle : bruyant et mouvementé. Grande déception également du côté d’Adeline d’Hermy – Zerbinette, qui est d’habitude lumineuse et singulière sur le plateau, et qu’on retrouve ici totalement hors du ton, avec des rires sonnant faux, presque vulgaire dans ses intonations, à se demander pourquoi Léandre manque de se tuer pour elle. Seuls les deux comédiens incarnant les pères, Gilles David et Didier Sandre, semblent avoir compris quelque chose de leurs personnages, offrant des scènes plus rythmées. Je salue également le jeu de Gaël Kamilindi, que je vois pour la deuxième fois sur la scène de la Salle Richelieu, et qui a composé un Léandre touchant, tout en innocence et en sensibilité.
Comme j’ai retardé ma venue aux Fourberies pour cause d’Hommage à Molière, j’ai quand même eu le temps de voir passer quelques critiques. Loin d’être unanimes sur la mise en scène, je voyais quand même ressortir un point commun en la personne de Benjamin Lavernhe. Je n’avais aucun doute sur le talent du jeune homme. Je n’en ai toujours aucun et ne mettrai pas en cause le comédien, mais bien plutôt encore la direction d’acteur, pour avoir ainsi écrasé les dispositions du pensionnaire sous une incarnation basée uniquement sur l’énergie et le cabotinage. Est-il vraiment utile de préciser que sa tirade sur la justice, que j’avais enfin réussi à entendre dans la version de Brethome, résonnait ici comme une liste de course, un mauvais moment à passer ? Il est sans doute la plus grosse erreur de Podalydès dans ce spectacle : avoir transformé le rôle de Scapin en le numéro de Scapin. Il est celui qui joue le plus pour le public, semblant totalement hors de l’histoire alors qu’il devrait la créer. Il cherche à faire son propre spectacle et plus il ajoute des gags, moins je rentre dans son jeu. Ce qui m’a le plus marquée, c’est à quel point ce Scapin, qui tentait de faire rire le public, ne semblait pas s’amuser.