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Le Dragon
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Evgueni Schwartz, auteur, dramaturge russe, écrit Le Dragon en 1943, pièce aussitôt interdite par Staline dès sa première représentation en 1944. C’est un conte fantastique où la noirceur le dispute à l’ironie mordante, un drame d’où surgissent des créatures médiévales dans une ville sans nom, quelque part aux confins d’un pays imaginaire. On connaît peu ou mal Evgueni Schwartz, même si Antoine Vitez, Pierre Debauche ou Christophe Rauck avaient monté Le Dragon. La puissance de cette pièce réside dans la dialectique qu’elle déploie. Ce Dragon, incarnation du totalitarisme, la plupart des habitants s’en accommodent. La monstruosité n’est pas le fait d’un seul mais bien de toute une société. Aussi spectaculaire soit-elle, la monstruosité est répartie, diffusée dans un corps social, une société entière. Et quel danger représente une société entière qui « sort de l’humanité » ? Ce que sous-entend Evgueni Schwartz, c’est que le peuple peut avoir son destin entre ses mains.
Pour Thomas Jolly, “cette figure du monstre, qui hante de nombreuses pièces de théâtre, me fascine car elle interroge profondément : quand sort-on de l’humanité ? Quand cesse-t-on d’être humain ?”
Dans une ville, le dragon à trois têtes règne tyranniquement sur la ville. Chaque année, une belle jeune fille lui est donnée et emmenée dans son repère et en meurt. Un visiteur arrive dans la maison de Charlemagne et Elsa.
Elsa sera la belle fille donnée au dragon prochainement. Le visiteur, Lancelot, est un chevalier héro. Il tombe amoureux d’Elsa et propose de se battre contre le dragon. L’histoire continuera dans cette fibre fantastico-médiévale.
La pièce dénonce le totalitarisme, la dictature. Elle nous interroge sur l’aveuglement des peuples, l’absence de rébellion et surtout dans le dernier acte sur l’émergence de nouveaux tyrans sans révolte des peuples ou de chacun. Les revirements d’opinion selon les évènements sont montrés. Être toujours dans le bon sens de la pensée commune. On comprend alors pourquoi ce texte a été censuré par Staline. Le fond de ce conte nous laisse réfléchir et joue sur notre propre pensée et notre propre capacité à refuser les situations contre la liberté. On y voit la soif de pouvoir, il y a toujours un tyran prêt à prendre le pouvoir à la chute d’un autre tyran. La corruption et les abus de pouvoir sont omniprésentes.
La pièce est un bijou qui nous plonge dans l’atmosphère de cette ville sous emprise. On rit des personnages. On s’amuse du dragon à trois têtes (véritablement). Le chat est sournois à souhait. Le bourgmestre nous hallucine dans sa folie. On est pris dans cette atmosphère fantastique.
Thomas Jolly fait beaucoup de références dans ce texte. La grande table de festin est-elle une référence à son Thyeste ? Il y en a partout. La pièce est intense.
Je ne peux que souligner le jeu des acteurs qui sont tous parfaits. Le bourgmestre nous marque par son interprétation mais tous jouent de façon impeccable.
Tout est équilibré. La mise en scène est minutieuse, technique, grandiose, fantastique… Thomas Jolly nous livre une pièce de référence. Le décor est génial. Tout est fantastique et se met au service de ce conte fantastique dans lequel je suis tombée à pieds joints avec le plus grand plaisir.
On est au bord d’un chef d’œuvre. Même si je ne suis pas objective, Thomas Jolly nous livre une très grande leçon de théâtre.
A voir absolument.