- Théâtre contemporain
- Théâtre de la Bastille
- Paris 11ème
La mort de Danton

- Théâtre de la Bastille
- 76, rue de la Roquette
- 75011 Paris
- Voltaire (l.9)
Deux cent vingt-deux ans nous séparent des journées tragiques où Georges Danton et ses amis sont exécutés, dévorés par cette Révolution française qu’ils ont enfantée et qui a rayonné dans toute l’Europe, faisant trembler les tyrans et donnant de l’espérance aux peuples soumis.
Georg Büchner, en fils déçu de ce grand mouvement, construit cetteMort de Danton en imaginant les héros déchus incarcérés et continuant à parler, à discuter, à s’affronter, enfants des Lumières qui ici se dévoilent hors des clichés héroïques.
C’est à la révélation de cet intime que s’intéresse François Orsoni, à ces troubles profondément humains ressentis par ceux qui vont mourir et qui nous apparaissent si proches dans ces moments où les masques tombent face à la mort annoncée.
Or la clarté manque dans cette mise en scène de François Orsini. Pour tout dire, dans le premier tiers, on ne comprend pas grand-chose. Cela tient à plusieurs choix: tous les personnages sont joués par une poignée d'acteurs, ce qui est une source de confusion. Les changements d'accessoires et les déplacements ne permettent pas toujours de comprendre qui parle, s'il s'agit d'un homme politique ou d'un comparse. Cela est accentué par la monotonie du phrasé des acteurs, qui, tous et tout le temps, déclament; peut-être le metteur en scène veut-il par là nous plonger dans l'atmosphère de 93, en faisant ainsi parler tous les acteurs comme à la tribune, mais cela émousse absolument l'intérêt: il n'y a jamais ces ruptures si importantes au théâtre. On est forcé de dire que les acteurs ne sont pas bons, qu'ils sont souvent faux, alors qu'on les a connus ailleurs excellents, tel Yannick Landrein: il faut donc bien que ce soit une directive du metteur en scène.
Celui-ci a choisi un dispositif bi-frontal, tous les acteurs sont assis autour d'une très longue table (ou
parfois marchent le long de celles-ci), à chaque bout de laquelle se trouvent les accessoires qui leur permettent de changer de figure. La monotonie tient donc aussi au grand statisme de ce dispositif: l'immense table occupe quasi tout l'espace scénique. Ce statisme ne serait pas trop gênant si l'on comprenait les enjeux du dialogue, mais, là, il contribue à l'ennui.
Les changements à vue brisent l'illusion théâtrale -c'est à la mode, et F. Orsoni a sans doute voulu accentuer cette distance en distribuant ironiquement ses acteurs à contre-emploi: Danton est joué par un acteur fluet, pâle, et c'est le massif Jean-Louis Coulloc’h qui tient le rôle de Robespierre. Cette inversion ôte beaucoup de force au personnage de Danton, devenu une espèce de dandy, affublé même de ces fameuses lunettes teintées qu'on associe à Robespierre. L'intérêt de cela m'échappe, à vrai dire...
Comme m'échappe l'intérêt de mêler au texte de Büchner des passages chantés, ou d'y ajouter des extraits de Pierre Michon ou de Michel Houellebecq: cela ajoute à la confusion qui est la dominante de ce spectacle, que je qualifierais en fin de compte de prétentieux.
Il ne reste plus qu'à attendre que cette grande pièce soit remontée, pour pouvoir l'apprécier à sa juste valeur...