- Théâtre contemporain
- Théâtre de la Reine Blanche
- Paris 18ème
La fonction de l'orgasme

- Théâtre de la Reine Blanche
- 2bis, Passage Ruelle
- 75018 Paris
- La Chapelle (l.2)
À partir des théories de Wilhelm Reich, grand psychanalyste et agitateur d'idées, Constance Larrieu, Didier Girauldon et Jonathan Michel inventent un spectacle en forme de revue comique et intrigante.
Techniques, schémas, textes théoriques sont agrémentés de témoignages de sexologues, de psychanalyste et... d'un gigolo.
On étudiera la dimension biologique, sociologique, psychologique et fonctionnelle de l'orgasme.
On en mesurera les effets positifs, on cherchera des preuves, on évaluera sa capacité d'épanouissement.
Mais ce gai savoir ne reste pas longtemps théorique, la conférencière, seule en scène, devient cobaye.
Et par-delà le thème, c'est une personne qu'on va suivre, une créatrice qui nous fait vivre les joies et les difficultés de son entreprise... à la recherche du plaisir théâtral.
Ce qui m'a surprise dans son annonce c'est le sous-titre de "vraie-fausse conférence scientifique" qui semble minimiser le travail accompli, tant du point de vue de la recherche, hyper documentée, de sa justesse (je ne pense pas qu'on puisse mettre quoique ce soit en doute) que sur le plan artistique, en réduisant la performance de la comédienne à une pseudo conférence.
C'est un moment de théâtre, de chant, de danse ... très complet que nous offre le trio composé de Didier Girauldon et Constance Larrieu avec Jonathan Michel.
La comédienne a relaté la genèse du projet au cours d'une rencontre (animée par le psychanalyste, grand amateur de théâtre, David Rofé-Sarfati) après la représentation. Elle voulait travailler sur les pièces de Sarah Kane mais changea d'avis lorsque son professeur de l'ERAC (Ecole Régionale d’Acteurs de Cannes) lui donna le livre de Wilhelm Reich, médecin et psychanalyste, précurseur des thérapies corporelles, élève puis dissident de Freud. Comme elle a eu raison!
Si le livre, paru en 1927 en Allemagne, a été censuré (il sera réédité en Amérique en 1942) la situation n'a pas considérablement évolué puisque la communication du spectacle a été censurée sur Facebook. On peut s'en étonner mais l'orgasme est redevenu un gros mot.
Cet ouvrage a de quoi passionner et Constance y voit très vite un sujet pour le théâtre. Elle va s'y atteler pendant des mois et, suivant la suggestion de Jonathan, filmera régulièrement son ressenti au fil de deux ans de recherche en noir et blanc, sous des angles peu flatteurs, dont on ne sait pas si c'est uniquement par pure maladresse même si elle dit n'avoir aucune compétence en la matière. Le résultat est en tout état de cause ... jouissif et il faut saluer le travail de montage, dont vous aurez un aperçu dans la bande-annonce qui mérite d'être vue, notamment pour l'extrait d'une des nombreuses interventions du Dr Pierre Desvaux. Lui a-t-on dit qu'il a des talents comiques manifestes ?
Le spectacle commence d'ailleurs, et c'est logique, par un morceau de cette vidéo dont la drôlerie détend l'atmosphère.
Intervient ensuite Constance Larrieu, dans un costume d'une couleur saumon très inhabituelle pour une conférencière, qui va nous disséquer les recherches de Reich en prenant la pose sur une estrade aux allures de canapé. Ses mimiques sont fort savoureuses. Le propos est néanmoins sérieux et aborde la composante politique de la sexualité comme on le fait rarement au théâtre.
C'est la première fois qu'elle se livre à un monologue. Sa forme, associant plusieurs médias, rend le spectacle polymorphe, sérieux, intelligent, et jouissif, ce qui est un minimum pour traiter un tel sujet.
La mise en scène est astucieuse, avec par exemple l'emploi de ballons noirs ou blancs qui évoquent les démonstrations que Reich faisaient en public avec des vessies de porc.
Si la comédienne a raison de pointer que les pratiques culinaires se sont améliorées avec la diffusion des épisodes de Top chef on pourrait souhaiter qu'elle ait sa part d'influence (positive) dans les pratiques visant à la recherche du plaisir. La séance de sophrologie orgastique qu'elle nous offre en anglais est un moment grandiose. Et le discours final, brandissant un néon comme un drapeau, est un morceau de bravoure exhortant à lutter pour le droit à une vie sexuelle heureuse.
Impossible de tout dire (et surtout Constance le fait mieux que quiconque) mais on peut déjà on peut déjà la remercier d’avoir lu pour nous le livre du psychanalyste, d'avoir repris et approfondi chaque élément de sa recherche et de l'avoir si bien ... digéré. Voilà un spectacle qui mérite la prescription thérapeutique !
Les non-spécialistes ne connaissent pas le nom de Wilhelm Reich. Très vite la comédienne nous prévient de son objectif de spectacle : "il faut que cela soit jouissif". L'orgasme c'est l'affaire de tous et de toutes. "On est toutes des bombes. Il faut juste trouver le détonateur". Voilà, elle a mis le public en de bonne condition avec une dose d'humour. "Nous sommes tous ici pour parler de l'orgasme".
Avec sérieux, folie et bonne humeur, elle nous plonge dans une pseudo-conférence avec des références scientifiques et des témoignages, garants de la véracité des dires. Mais cela n'empêche pas de mettre de l'extravagance pour bien illustrer ces propos. Quoi de plus naturel d'être dans une tenue moulante pour parler sur une musique très sensuelle du déroulement d'un acte sexuel ou de montrer une orgie de ballons! Attention, c'est chaud.
Un spectacle en trois parties où se mélangent les projections, les costumes, les quelques accessoires et tout cela sur une peau de bête à poil et un petit support pour s'asseoir. La compagnie Jabberwock qui trouve un équilibre assez juste entre les références à l'oeuvre et notre société actuelle. Le plaisir et l'orgasme est possible à tous. Les freins à ce plaisir sont nombreux et pas insurmontable. Pour cela, il faut que chacun puisse s'épanouir, se sentir bien, lâcher prise et avoir confiance dans l'autre. Un beau message d'espoir que prend à coeur la compagnie.
La fin se termine dans une ambiance enfumée avec Constance Larrieu levant le bras avec un néon de couleur. Elle indique le chemin à suivre avec conviction, force, revendication et jouissance. Sans jamais tomber dans la vulgarité ou le racolage facile.
La "cuirasse caractérielle", c'est l'un des nombreux termes qu'utilise le psychanalyste Wilhelm Reich, assistant d'un certain Sigmund Freud, dans son ouvrage paru en 1927, « La fonction de l'orgasme ».
Cette somme scientifique a été adaptée sur scène pendant une heure et quart par Constance Larrieu, avec Didier Girauldon et Jonathan Michel, les membres de la compagnie Jabberwock.
Ce qu'elle nous propose est un véritable tour de force, une performance artistique.
Un spectacle « scientifico-philosophico-politico-humoristique » !
Une pseudo-conférence consacrée à ce sujet d'importance qu'est l'orgasme.
Le ton est donné dès notre arrivée dans la salle, avec projetés au lointain des éléments d'études récentes qui prouvent que le fait de connaître de multiples orgasmes est très bénéfique pour la santé mentale et physique des individus.
Puis, un petit film noir et blanc très drôle nous montre la comédienne nous présentant la genèse de son projet.
A l'issue de cette projection, la conférencière arrive sur scène, pantalon/tailleur orange, chignon sévère, et s'installe sur un petit podium-escalier bleu de trois marches.
La conférence commence.
Où est le théâtre là-dedans, me direz-vous ?
Il est omniprésent.
Notamment dans le décalage entre le texte scientifique assez austère, parfois un peu ardu, et la façon dont nous le dit Melle Larrieu.
D'une façon subtile, espiègle, maligne, avec des regards en dessous, un sourcil qui se lève parfois, est elle absolument drôlissime.
Jamais graveleuse, jamais pesante, bien au contraire, elle dit certes les choses, appelant un clitoris un clitoris, un pénis un pénis, mais avec un ton léger, parfois badin, clair, compréhensible et très spirituel.
La comédienne possède une sacrée vis comica.
La suite du spectacle va nous le prouver, avec une scène d'anthologie.
Dans un slow langoureux, sous des lumières de boîte de nuit, elle va nous détailler d'une voix très sensuelle, avec des poses suggestives, la courbe scientifique de la montée du plaisir.
La courbe et le slow suivent la même progression, le décalage entre le fond et la forme est jubilatoire !
Nous aurons droit également à des interviews, avec en particulier un psychanalyste, une thérapeute, un professeur de médecine qui nous fait bien rire avec son franc-parler, tous concernés par le sujet.
Sans oublier un certain spécialiste de l'orgasme. Je vous laisse découvrir, mais ce que fait la comédienne de son témoignage et des courriels échangés entre eux est absolument hilarant !
Deux « cobayes » sont pris à partie de façon à la fois judicieuse, drôle et très bon enfant. (Ma cuirasse caractérielle, donc...)
La pornographie est également abordée de manière on ne peut plus intelligente, avec une autre petite vidéo hilarante.
Et puis la dernière partie sera politique.
Parce que le sujet l'est éminemment, politique.
Constance Larrieu rappelle, un sabre laser à la main, que l'orgasme et le plaisir sexuel avec sa recherche associée font peur à beaucoup d'hommes, ce qui conduit dans certaines cultures à la volonté et à la pratique d'asservissement total des femmes.
Cette angoisse conduit également à bien des dictatures et bien des fascismes, nous prouve-t-elle.
D'ailleurs, entre parenthèses, la livre de Reich fut interdit par le pouvoir nazi.
D'ailleurs, la page Facebook du spectacle fut quant à elle censurée très récemment. Si si, je vous assure !
On l'aura compris, ce sujet n'est pas anodin. La comédienne nous prouve que seule la conscience du vivant, et au passage une vraie éducation sexuelle mais aussi sensuelle, permettrait probablement de nous prémunir contre ces formes d'autoritarismes absolutistes.
Le message est à la fois sain, salutaire et pédagogique.
Il faut absolument aller découvrir ce spectacle à la Reine-Blanche, ce lieu qui associe Théâtre et Science.
Constance Larrieu nous instruit, nous amuse énormément et nous fait réfléchir.
C'est un moment de théâtre qui fait vraiment du bien.
Les applaudissements sont nombreux, les « bravo » fusent !
Un spectacle jouissif !