- Théâtre contemporain
- Théâtre du Rond-Point
- Paris 8ème
Dépendances

- Francis Lombrail
- Thibault de Montalembert
- Théâtre du Rond-Point
- 2bis, Avenue Franklin D. Roosevelt
- 75008 Paris
- Franklin D. Roosevelt (l.1, l.9)
C’est un jour particulier.
Comme prévu, Tobias, Henri et Carl ont rendez-vous à 14h. Il est 14h10 : Carl n’est toujours pas arrivé. C’est un jour particulier…
« Dépendances » et « Rotterdam la nuit » sont deux pièces aux résonances communes.
Des huis-clos familiaux où l’on pénètre comme sur un ring. Car la famille ce sont aussi des règles qui volent en éclat, une pudeur que l’on viole, une chaleur qui peut se glacer, une proximité qui peut s’étirer jusqu’au point de rupture.
Les personnages de ces pièces sont en perpétuelle tentative avortée de dire leur amour, et en perpétuel échec et repli dans des zones de contrôle de soi par le rire, le masochisme, la boulimie, l’aquoibonisme ; ces territoires où la langue se fait moins évidente, et la prise de parole moins sûre.
Comme dans une arène où ce qu’il y a de plus anodin ou de plus dramatique entre frères ou entre sœurs coexiste ; ils se jaugent, se rapprochent, s’entrechoquent et s’entremêlent dans une joute répétée, jusqu’à l’épuisement.
Il manque "quelque chose" pour nous captiver totalement. Deux comédiens pleinement investis dans leur rôle ne font pas nécessairement une bonne pièce !
Il me manque quelque-chose pour adhérer pleinement. Les personnes qui liront cette critique auront vu la pièce et je me permets d'écrire sur les dernières minutes. Que ceux qui ont vraiment compris l'histoire me le disent. Pour ma part j'ai "imaginé" que le troisième frère Franck est soit décédé (La mère attend au cimetière) soit a disparu sans laisser d'adresse. A la date anniversaire de cette disparition les deux frères se retrouvent pour une partie de jeux de rôles (Ils aiment jouer). Et imaginent une situation dans laquelle Franck viendrait les retrouver. Mais, il n'y a pas d'évolution dans la pièce ni dans le jeu des acteurs.
Seules les 5 dernières minutes donnent à penser, certaines scènes que l'on analyse à posteriori donnent sens à la fin. Mais, ai je raison?
Un peu plus de pistes à suivre et moins de longs silences auraient été les bienvenus. Mais un bon exercice et une bonne idée.
Là, pas de vidéo, ni d'escalier qui monte à l'étage, mais deux chaises, une table basse, un tabouret, une photo aussi, et, intelligemment, deux portes ouvertes en fond de scène avec un éclairage : ainsi, ces ouvertures font comme un rappel sur le passé, ou bien un passage vers l'avenir.
La fin explique de façon subtile (et certaine) les questions que l'on peut se poser en cours de spectacle.
Bravo aux acteurs, F. Lombrail et T. de Montalembert, ainsi qu'à C. Ghattas, auteur et metteur en scène pour ce moment qui semble quasiment "vécu" !
Ni que j'ajoute que l'affiche réunit deux comédiens d'envergure : Francis Lombrail, qui vient de recevoir, avec l’équipe de 12 Hommes en Colère, le Globe de Cristal 2018 de la meilleure pièce de théâtre, et Thibault de Montalembert, connu notamment pour son rôle dans la série Dix pour cent, Globe de Cristal 2018 de la meilleure série télévisée.
N'y allez-y pas pour voir des célébrités mais parce que le texte et l'interprétation vont vous embarquer. Charif Ghattas a imaginé des personnages qui sont en perpétuelle tentative avortée de dire leur amour, et en perpétuel échec et repli dans des zones de contrôle de soi par le rire, le masochisme, la boulimie, l’aquoibonisme comme on peut en connaitre dans sa propre famille, surtout quand il y a un héritage à concrétiser.
Le terme est équivoque parce que la plupart du temps une succession ne se limite pas à décider ce qu'on fera de biens matériels. La situation réactive des blessures d'enfance, des jalousies jusque là contenues et réveille des secrets engloutis.
C'est assez rare pour qu'on le souligne : le metteur en scène est aussi l'auteur. Il est donc très bien placé pour avoir une vision nette de ce qu'il veut faire vivre au spectateur. Il a eu la très bonne idée de dégager l'espace scénique en l'affranchissant des coulisses. Il réussit l'exploit de nous faire croire à un triplex avec pour accessoires une table et quelques chaises ... , et un (vrai) escalier menant aux étages.
La bande son est elle aussi condensée sur l'essentiel : un grondement qui peut être celui d'une déferlante marine. Celle qui ouvre le spectacle et qui, de mon point de vue, est un indice important sur ce qui va suivre. Elle reviendra plus tard, comme un rêve inversé.
L'ombre d'Henri (Thibault de Montalembert) précède l'homme. Les deux frères ne se disent pas bonjour. Leur allure parle pour eux, la posture, les vêtements, surtout les chaussures. On a compris qu'ils n'ont pas le même caractère et que l'affrontement sera inévitable, qu'il sera même salutaire peut-être.
Ce serait des animaux on dirait qu'ils se reniflent. Les regards d'évitement fendent l'atmosphère comme des flèches. Chaque réponse devient une question, prenant aussitôt un autre sens. T'es chiant quand tu t'y mets se plaint le premier ... et le second (Francis Lombrail) s'y met vraiment. La violence n'est pas toujours contenue. Quand elle se matérialise sur le plateau le spectateur croit à une erreur, mais non, ce sera comme ça tous les soirs. Les comédiens sont bons, on n'en doutait pas, mais avec une bonne "direction d'acteurs" ils sont excellents.
C'est le genre de spectacle qu'on ne peut pas raconter davantage, au risque de dévoiler ce qui participe à maintenir le spectateur en haleine. On est entièrement absorbé par ce qui se joue sous nos yeux. C'est ce qu'on aime dans ce théâtre qui a quelque chose de ce que des auteurs comme Nathalie Sarraute ou Samuel Beckett nous ont fait partager.
Deux frères interprétés Francis Lombrail (Tobias) et Thibault de Montalembert (Henri) attendent quelqu’un qui n’arrive pas. Le temps passe très lentement avec une économie de mots où le silence est pesant de discours. Ces deux hommes peu expansifs échangent sur leur passé et sur un investissement rentable futur possible. L’entente n’est pas au beau fixe et semble ne l’avoir jamais été. De plus, les positions différentes créent des tensions.
Puis les questions qui fâchent sont lâchés où souvent juste des regards font office de réponses. Mais doucement, ils vont d’ouvrir l’un à l’autre. On comprend pourquoi il se retrouve dans cet espace avec juste une table et quelques chaises. Cette maison est celle de leur mère. Les derniers locataires sont partis. Il faut prendre une décision, est-ce qu’ils la gardent ou est-ce qu’ils la vendent ? Comme c’est une décision collégiale, Carl doit être présent. Ce troisième frère pourtant n’arrive pas. La surprise de la raison à cette absence semble assez évidente. La réponse se trouve dans la vidéo projetée en début et fin de spectacle. Mais cette évidence doit prendre forme pour cette famille qui doit face à un déchirement.
Le climat pesant convainc moyennement de ce drame familial. L’émotion dramaturgique se veut présente et intense. Mais elle effleure légèrement le cœur de la tragédie. Car lorsque la chute nous est montrée, la surprise est moins étonnante et parait logique.