Cuando vuelva a casa voy a ser otro

Cuando vuelva a casa voy a ser otro
Avec Agustín Rittano
  • Agustín Rittano
  • Mauricio Minetti
  • Santiago Gobernori
  • Julieta Vallina
  • Andrea Nussembaum
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Peut‑on faire l’archéologie de sa vie ?

Quelle est l’influence des mythes familiaux ? Sous la dictature argentine, le père de Mariano Pensotti a enterré des objets compromettants dans le jardin de ses propres parents. Des années après, alors qu’il avait cherché en vain et oublié l’emplacement, les nouveaux propriétaires de la maison retrouvent les sacs contenant les pièces cachées. Dans cette véritable capsule de temps, il découvre les traces du jeune révolutionnaire que son père était dans les années soixante‑dix et se retrouve face à un double de lui‑même, qui est aussi un étranger.

À partir de cette histoire vraie, le metteur en scène argentin a écrit une fiction qui croise la vie de quatre personnages : un père, son fils « ancien jeune metteur en scène talentueux », une chanteuse en quête de reconnaissance et un jeune homme politique de gauche. Dans Cuando vuelva a casa voy a ser otro*, la scène devient un musée archéologique des identités dans lequel les légendes enfouies remplacent les objets ou les ossements. Mariano Pensotti fait d’ailleurs explicitement référence au musée archéologique de Patagonie qu’il a visité dans son enfance.

Le dispositif scénique utilise des projections de textes qui commentent les scènes à la manière des cartels renseignant les oeuvres d’art. La pièce est construite en chapitres et des tapis roulants font apparaître et disparaître les acteurs de la scène. Loin d’être nostalgiques de leur passé, les personnages « fuient en avant » et tentent de se construire une identité propre.

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19 févr. 2016
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127
Vaste question que celle de l’identité, de l’héritage de mythes familiaux et de la construction du moi.

Ce sont toutes ces thématiques que Mariano Pensotti insère dans sa très belle pièce Cuando vuelva a casa voy a ser otro (Quand je reviendrai à la maison, je serai un autre). Inspiré par le Musée Archéologique de Patagonie qu’il a visité durant son enfance, il décide de baser sa création fictive sur une anecdote réelle, vécue et racontée par son propre père qui, lorsqu’il était jeune révolutionnaire sous la dictature argentine, enterra dans le jardin familial des objets jugés compromettants qui seront retrouvés près de quarante ans plus tard par les nouveaux propriétaires, mettant à jour les vestiges de son passé.

Ainsi, Mariano Pensotti va proposer une archéologie de la vie de quatre protagonistes : un père Alfredo (touchant Mauricio Minetti) hanté par le marxisme et son passé de révolutionnaire, son fils Manuel (charismatique Agustin Rittano) un organisateur de meetings politiques, ancien metteur en scène qui a connu la gloire avec sa pièce El Río qu’il souhaite remonter à l’identique, mais aussi Natalia (pétillante Andrea Nussenbaum) la chanteuse du groupe des Révolutionnaires morts en quête de reconnaissance mais qui se fera démollir en participant à un reality show et Damián (Santiago Gobernori) un jeune homme qui plagie la vie des autres pour se sentir exister lui-même, jusqu’à se faire engager dans un groupe hommage aux Beattles version travestis pour couvrir sa fuite quand sa supercherie sera découverte. Julieta Vallina, dont le rôle principal est celui de la femme de Manuel, complète cette dynamique distribution.

Lorsque le rideau se lève, nous découvrons deux tapis roulants qui glissent vers des sens opposés. Sur celui du fond se trouve une magnifique fresque, un panorama mobile où les dinosaures côtoient l’Acropole et le fabuleux Parthénon grec. Nous basculons déjà dans les vestiges du passé. Sur le second tapis, Manuel filme son père Alfredo. Ce dernier lui raconte l’anecdote des objets enterrés et de ses retrouvailles avec cette « capsule temporelle » dont une fameuse cassette contenant une mystérieuse chanson qui ne rappelle en lui aucun souvenir. S’enchaîne alors une narration croisée qui cherche à prouver qu’une vie n’est pas forcément condamnée à n’être qu’errances et incertitudes même si nous passons notre temps à découvrir qui l’on est vraiment.

Quelles influences cimentent notre identité ? Peut-on devenir un autre soi-même ? C’est passionnant car il n’existe aucune réponse, juste des interprétations. Les acteurs évoluent avec beaucoup de naturel et une folle énergie pour incarner une multitude de personnages en quête de soi jusqu’à la superbe scène finale, très réussie visuellement parlant, où défilent des œuvres dans un musée vivant exploitant les capsules temporelles du passé.

Mariano Pensotti fait un théâtre vivant et enjoué, fortement influencé par sa formation en cinéma et en arts visuels. La caméra et les images sont omniprésentes, de même que les voix off ou le narrateur sur scène. Il s’amuse à brouiller les pistes du réel et de la fiction qui s’interpénètrent grâce notamment au travelling suggéré par les tapis roulants. La narration se construit en quatre chapitres suivis d’un épilogue dont les titres figurent sur un écran / cartel encadré par des ampoules rouges, de même que quelques éléments narratifs, pas toujours indispensables néanmoins. Il veille à un mouvement perpétuel sur le plateau, à la fois linéaire et cyclique, comme le fil du temps qui passe et qui nous ramène inlassablement à nos origines, tout en refusant de se figer, fuyant en avant vers l’inconnu. C’est ainsi que nous nous construisons sur des fondements enfouis, regardant ce que nous avons été et qui n’a plus vraiment grand-chose à voir avec ce que l’on est devenus car « nous sommes ce que nous racontons de nous-mêmes ».

« Je est un Autre » disait Rimbaud. « Je ne suis personne et les autres sont comme moi » répond Manuel. Ici, il s’agit presque d’un double vu comme un autre soi-même. Si le thème peut sembler profond et réflexif, Mariano Pensotti ouvre des portes pour inviter à penser le sujet sans pour autant en faire un théâtre philosophique. C’est frais, léger et décalé. L’auteur/metteur en scène pose des questions sans jamais y apporter de réponses toutes faites, laissant à chacun le soin d’y puiser des pistes pour son propre questionnement en le libérant progressivement d’un passé encombrant pour bâtir un avenir et se sentir là où il doit être.
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Texte
Jeu des acteurs
Emotions
Intérêt intellectuel
Mise en scène et décor