Contagion

Contagion
  • Théâtre Paris-Villette
  • 211, avenue Jean Jaurès
  • 75019 Paris
  • Porte de Pantin (l.5)
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Stéphane est professeur d’histoire. Supposé bien connaître les jeunes, il est diversement sollicité au sujet du soupçon de radicalisation qui plane sur eux.

Au cours de trois face-à-face avec un adolescent, un journaliste et un auteur dramatique, il tente de répondre aux attentes des uns et des autres. 

Piégé par ce sujet toxique, son besoin de fuir devient vital.

 

« STÉPHANE – Je cherche une zone décontaminée. Une zone où il soit possible de penser à autre chose. Peut-être qu’il n’y en a pas. Peut-être que c’est trop tard. Que tout le monde est atteint, et qu’il n’y a plus de refuge pour la joie. Je cherche des mots nouveaux. Je veux des mots qui ne soient pas des poisons. Je ne veux pas ressasser, je veux converser. Je veux des conversations. » Contagion (Séquence 3 : Exflitration)

 

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À nouveau, François Bégaudeau signe une pièce de théâtre qui comme ses autres écrits, s’invite dans la clairière de nos consciences. Dans cette multitude d’informations aux allures de poncifs qui nous encerclent et nous sollicitent en permanence.

Il joue au passeur et tente de nous conduire à réfléchir avec ses personnages, à la critique des courants de pensée sur la jeunesse et ses prétendus méfaits, sur l’information et son omniprésence, qui cherchent à nous atteindre et nous soumettre, faisant le lit de nos peurs en ces temps de guerre terroriste.

Nous ne pouvons que nous sentir concernés par ce spectacle caustique et percutant qui nous interpelle sur des sujets de société, majeurs et piquants, comme la contagion des craintes qu’ils inspirent et les amalgames grossiers qu'ils véhiculent.

Stéphane est enseignant, prof d’histoire. Apparemment, il cherche à ne pas ressembler à son destin. Professeur oui (séquence 1) mais pourquoi pas journaliste (séquence 2) ou comédien (séquence 3) ? Nous le suivons dans ces trois temps de vie.

Prof, ami du père de Maxime, il accepte de discuter avec le jeune fils de 18 ans. Son père a peur et s’inquiète, Maxime passe beaucoup de temps devant son ordinateur. Serait-il manipulé ? Par ces temps qui courent, le djihad, tout ça… Risque de contamination oui mais pour qui ?...

Une joute s’installe entre le professeur et son ancien élève, entre l’ami du père envoyé en sauveur et le fils de 18 ans dont on ne sait plus tout de ses occupations. Le système est-il oppressif ? Que croire parmi les complots et les faits réels dont les informations institutionnelles et parallèles se font l'écho ? Entre analyse critique et scepticisme, entre communication et manipulation, entre transmission et conditionnement, entre certitudes et croyances, comment comprendre et combattre cette peur grandissante nourrie de nos propres peurs ?... L’un comme l’autre en prend pour son grade. Match nul. Chacun sa route, chacun son chemin.

Nous retrouvons Stéphane dans le bureau d’un rédacteur en chef d’une publication numérique de « breaking news » en mode « up to date » sur le terrain du sensationnalisme de la radicalisation. Il propose un article à FX qui lui oppose sa ligne éditoriale. Comment ça ? Penser la radicalisation dans une perspective historique ? La réduire à une peur de nos peurs ? Pas vendable ou pas intéressant, on ne sait pas. Sans doute trop éloigné des stéréotypes transportés par ce média et des phrases toutes faites proférées par FX.

Puis nous assistons à une répétition de la pièce de théâtre d’Alexandre. Il met en scène Stéphane qui travaille un monologue. De coupures en coupures, ils s’interrogent sur la place du théâtre, son propos, sa portée. Que doit-on représenter au théâtre ? La vie telle qu’elle est, qu’elle devrait être, qu’elle est comprise ? Comment contribuer à développer l’esprit critique sur les faits qui nous entourent et nous envahissent ? Comment aider à penser l’actualité sociale et politique ? Le théâtre sert-il un engagement citoyen ?

Stéphane se rend compte que sa liberté de conscience est occupée par la peur d’avoir peur. Il ne tolère plus sa soumission à ces peurs entretenues et vaines. Il veut s’échapper de cette zone contaminée et s’en extraire par exfiltration. Ailleurs vers un refuge de la joie, là où converser sur d’autres sujets serait possible.

L’écriture de François Bégaudeau emprunte ses codes au langage actuel et nous semble proche, aux idées brutes et à l’humour médiateur. La pièce relève du théâtre d’interrogation sociale à visée pédagogique, à l’instar de Jerzy Grotowski ou d’Augusto Boal.

CONTAGION contribue à faire le compte des impostures politiques et des tentatives de nivellement contrôlé des médias de masse. Comme un cri de guerre contre une guerre qu’il ne veut pas, Bégaudeau y tient haut le flambeau pour dénoncer sans renoncer, pour que les propos obscurs ne se répandent pas sans faillir d'être montrés et étouffés.

La mise en scène de Valérie Grail favorise l’accès au texte en composant une expression artistique fluide, simple et efficace, dénuée d’effets inutiles. Ce qui laisse toute la place qui convient au jeu des comédiens.

Raphaël Almosni joue un Stéphane troublé et troublant. Il veut nous convaincre de la sincérité et de la force de son personnage qui doute et se rebelle. Il y parvient avec brio.

Come Thieulin étonne et détonne. Il joue avec une redoutable ingéniosité et une belle adresse ses trois personnages. Du jeune Maxime à FX et Alexandre, il est crédible de bout en bout.

Un texte captivant, une mise en scène réussie et des comédiens brillants. Un spectacle à ne pas manquer.
9 juin 2017
9/10
38
Le théâtre interroge le réel.
C'est l'une de ses fonctions premières.
Et plus le réel est complexe, plus ce théâtre-là doit le questionner.
Parce qu'interroger le réel, c'est avant tout nous interroger.

C'est ce qu'ont très bien compris François Bégaudeau, auteur d' « Entre les murs », Palme d'Or à Cannes, et la metteure en scène Valérie Grail.

Début janvier 2015, ce début d'année de sinistre mémoire, celle-ci a passé commande auprès de l'auteur d'une pièce qui permettrait de placer chaque spectateur face à ses responsabilités en matière de partage du savoir et de l'information.

Oui, par les temps qui courent, comment décrypter sereinement les masses d'informations, les tonnes de désinformations en tous genres, avec leurs fantasmes associés ?
Qui écouter, qui croire, comment distinguer information et communication, comment se forger un avis, une opinion, comment ne pas se faire manipuler, à qui faire confiance ?

Le titre « Contagion » est à cet égard explicite : c'est la reprise du titre du film éponyme, dans lequel ce n'est pas une épidémie qui fait le plus de ravages, c'est la façon dont tout le monde en parle.

La force du texte de Bégaudeau va résider dans le fait qu'ici, nous ne sommes pas dans un rapport de didactique de mauvais aloi. Non, il ne s'agit pas d'asséner une vérité, il s'agit de nous faire nous poser des questions.
Et le message passe d'autant mieux.

La pièce est articulée en trois séquences.

Dans « Contamination », un candidat au bac et son ancien prof se renvient à la figure leurs certitudes respectives en ce qui concernent la théorie du complot. Qui va contaminer qui ?

Puis, dans « Radicalisation », un rédac-chef mainstream veut envoyer à tout prix un ancien prof dans une cité pour en extirper un reportage destiné à flatter les bas-instincts des téléspectateurs, à grands coups de clichés, de rumeurs, de on-dits, de lieux-communs afin de distiller sournoisement la peur.
Qui va radicaliser qui ?

Enfin, dans « Contagion », un metteur en scène et son comédien s'interrogent sur la façon d'interpréter un type qui décide de se radicaliser.

Nous sommes bien entendu dans cette dernière partie dans une mise en abyme du théâtre...

L'auteur est habile. Très.
Entre les trois parties, les passerelles abondent, les personnages déclinent le thème principal suivant de subtiles variations.

Très habile également, Valérie Grail !
Elle a évité le piège des « images ». Son décor est blanc, pas besoin d'images TV, pas besoin d'archives. Il faut se focaliser sur le texte et les comédiens. A nous de faire le boulot, à nous de placer notre propre curseur.
Les transitions entre les trois « actes » sont très judicieuses, avec un joli effet de lumière générée seulement par l'écran d'un ordinateur.

Les deux comédiens sont irréprochables.
Ils se répartissent successivement les rôles : celui qui sait, celui qui croit, celui qui veut faire croire, celui qui a peur, celui qui veut faire peur, celui qui doute, celui qui bascule, celui qui manipule...

Raphaël Almosni et Côme Thieulin sont dirigés très précisément.
D'une justesse parfaite, ils m'ont totalement accroché. Impossible de les lâcher.

Ils nous font rire, également. Le texte est en effet émaillé de traits humoristiques.
Car oui, on pourrait rire de cette manipulation des cerveaux. C'est bien de cela dont il s'agit.

Voici donc un théâtre citoyen, engagé, tel que je l'aime.
Un théâtre qui donne envie de raisonner et de résonner.
Un théâtre qui nous fait nous poser la question essentielle : « Où j'en suis, moi, et comment je me positionne ? »
Votre critique endiablée
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Notes détaillées (pour les plus courageux)
Texte
Jeu des acteurs
Emotions
Intérêt intellectuel
Mise en scène et décor