Critiques pour l'événement Lorenzaccio
23 janv. 2023
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« Lorenzaccio » d’après l’œuvre d’Alfred de Musset dans une mise en scène de Jean-Marie Ledo sur la scène du théâtre Le guichet Montparnasse est une chronique d’une mort où la passion s’enlace dans le romantisme, inspirée par un voyage à Venise, à Florence, avec sa maîtresse George Sand.

Jean-Marie Ledo et Jean-François Labourdette ont adapté, en extrayant la substance vénéneuse de ce drame romantique d’Alfred de Musset, un monument de la littérature française, une version qui se concentre sur le « duel » : Alexandre de Médicis et Lorenzo de Médicis, son mignon comme Alexandre aime à l’appeler, une ambigüité non développée mais bien présente dans les regards et les gestes équivoques.

Nous sommes au temps de la renaissance Florentine, au XVIe siècle, accueillis par la chanson « Vedrai vedrai…Quand vient le soir, je retourne chez moi, ne voulant même pas te parler car tu ne me vois pas avec tendresse » interprétée par la superbe voix rocailleuse de Jack Savoretti qui laisse planer une douceur, une mélancolie, dans cette atmosphère où le spectre de la mort flotte dans l’air avec ce crane étincelant posé symboliquement sur le trône d’Alexandre de Médicis, duc de Florence, devenu un tyran parmi les tyrans.

Il n’y aura pas plus d’Alexandre de Médicis à Florence qu’il n’y a de soleil à minuit : aime à se répéter Lorenzo, au sobriquet péjoratif de Lorenzaccio. Au son de sa guitare, quelques notes symbolisent sa volonté d’éliminer le tyran pour le bien de tous : le décor est planté !

Un projet qui arrivera à son terme mais dans une déception à la hauteur de son attente : un Médicis remplacera un Médicis !

On peut y retrouver dans ce texte une part d’Alfred de Musset avec sa vie de noctambule, de débauche, où l’alcool enivre plus que de raison. Une adaptation au cœur de cette intrigue Alexandre – Lorenzo où les gestes en disent plus que la parole. Une pièce où le « mâle » domine, la femme étant reléguée à un artifice secondaire, tout en arborant la croix du Seigneur.

Des satellites se déplaçant en électrons libres viennent donner corps à cette histoire où le romantisme côtoie le morbide.
La marquise Cibo, maîtresse d’Alexandre, symbole de la débauche, empêtrée dans ses sentiments, espérant trouver son salut en se confessant au Cardinal Cibo, son beau-frère. Un cardinal bien au fait du projet de meurtre qui ne sera pas écouté, tout comme Giomo qui ne fait pas lui non plus confiance à Lorenzo, ils auront beau s’en confesser à Alexandre, rien n’y fera.
Pierre Strozzi, à la jeunesse impétueuse, au code d’honneur inflexible, à l’esprit vif en opposition à son père Philippe, plus mesuré qui représente la sagesse…en perdition, qui pense que « Oh Christ ! la justice est devenue une entremetteuse ».
Marie Soderini, la mère de Lorenzo, qui souffre du mal être de son fils, tout comme Catherine Ginori, la tante de Lorenzo. Une tante qui attirera la convoitise d’Alexandre tout en contribuant bien involontairement à sa perte…« La volonté de Dieu doit se faire malgré les hommes ».
Une galerie de personnages hauts en couleur interprétée par Maïna Louboutin, Laurent Moulin, Corentin Calmé, Alexis de Chasteigner, Jean-François Labourdette, Michelle Sevault et Natacha Simic.

Jean-Marie Ledo, dans le rôle d’Alexandre, nous livre une nouvelle facette très intéressante de son jeu équilibré et inquiétant, tout en soulignant judicieusement dans sa mise en scène le côté obscur de cette intrigue à la réalité terrifiante. Les masques tombent avec Romain Châteaugiron dans le rôle de Lorenzaccio, obsédé par un projet qui le conduira à sa perte. Un rôle interprété tout en finesse, inspiré admirablement par un vent de liberté.