Critiques pour l'événement La Version Browning
27 déc. 2016
7/10
51
Une pièce prenante par son itensité dramatique croissante, Jean-Pierre Bouvier y est d'une remarquable froideur et aidé par un très bon texte so british.

Pour le reste, aussi bien les décors, costumes et seconds rôles, on a beau n'être qu'au théâtre de poche, c'est un peu léger.
7,5/10
32
La fin des années 1940 dans un collège britannique. Dans l'atmosphère surannée d'un appartement confortable un professeur mal-aimé et sur le départ fait face aux trahisons multiples de son entourage. Jean-Pierre BOUVIER livre une prestation remarquable, entouré d'une belle distribution et dans une mise en scène qui laisse éclater les passions.

TOMBENT LES MASQUES

En cette fin des années 1940 au Royaume-Uni, le professeur Croker-Harris a convoqué l'élève Taplow pour une leçon de rattrapage de version grecque qui sera déterminante pour son passage en classe supérieure. Au cours de cette heure c'est une tragédie digne des auteurs grecs qui va se dérouler sous les yeux de l'élève.

Croquignole, comme l'ont surnommé les élèves, n'est guère apprécié. Il incarne toute la rigueur de l'institution. Si Taplow se montre espiègle lorsqu'il singe son professeur devant le professeur Hunter, il fait moins le fier face au redouté enseignant. Malade, Croker-Harris s’apprête à quitter ce poste qu'il occupe depuis de nombreuses années. On comprend vite que derrière l'amertume se cache une blessure profonde qui n'est pas seulement celle due au désenchantement vis-à-vis de son rôle d'enseignant ou sa déception de quitter cette école.
Tout au long de cette fin de journée défilent proches et inconnus qui chacun démolissent un peu plus ce professeur au cœur malade. Comme une lente mise à mort, consciente ou pas, de celui qui aurait pu être un grand professeur et qui voit se succéder et s'empiler les preuves de l'échec de sa vie.

JEAN-PIERRE BOUVIER MAGISTRAL

Jean-Pierre BOUVIER livre une prestation magistrale. Son professeur Crocker-Harris se bat contre cette chute qui semble chaque instant plus inéluctable. Le professeur redouté de tous ses élèves semble s'affaisser physiquement et moralement un peu plus à chaque coup que lui inflige son entourage. La silhouette se recroqueville, semble à la limite de la rupture. Les yeux souvent mi-clos c'est par la voix qu'il transmet toute la force intérieure du personnage, ses ruptures, sa souffrance, ses désillusions.

C'est toute l'hypocrisie de cette société britannique qui est mise à jour. Les masques craquent. Les jalousies et les rancœurs éclatent comme un soir d'orage libérant les tensions trop longtemps retenues. Pour son adaptation Patrice KERBRAT a gardé l'époque dans laquelle Terence RATTIGAN a voulu placer cette comédie humaine. Le dramaturge britannique y démonte les codes d'un univers qu'il a bien connu ayant lui-même étudié au Trinity College d'Oxford. Loin de figer le texte dans le temps ce parti pris permet de donner toute la dimension intemporelle et universelle des tourments et passions éprouvés par ses personnages.

Mme Crocker-Harris (Marie BUNEL) est un monstre de froideur à l'encontre de son mari. Leur couple s'est délité dans le temps, sombrant dans le mensonge, la trahison, le mépris mutuel qui est devenu le ciment de leur relation. Elle sombre dans une romance pathétique avec un professeur Hunter (excellent Benjamin BOYER) lui-même au comble de l'hypocrisie tant vis-à-vis de sa maîtresse que de son collègue et ami. Et on a du mal à croire que le jeune couple qui va leur succéder dans ce logement de fonction puisse connaître une relation plus heureuse. Le reste de la distribution est d'une grande justesse. Thomas SAGOLS est crédible en Taplow, élève à la fois moqueur et admiratif de ce professeur si sévère et si désabusé. Crocker-Harris reconnait-il en son élève l'adolescent qu'il fut lui-même ?

Le décor d'Edouard LAUG, la lumière de Laurent BEAL et les costumes de Caroline MARTEL sont en parfaite harmonie pour créer un atmosphère sombre, intime voire renfermée, et parfois étouffante, comme les liens entre les membres de cette bourgeoisie mortifère. Néanmoins l'espoir finira par l'emporter.

En bref : Une adaptation très réussie de la pièce de Terence Rattigen. Une atmosphère tendue, sombre. Une dénonciation de l'hypocrisie de la bourgeoisie britannique et une illustration des passions, des espoirs et désillusions des hommes et des femmes, porté par la remarquable et émouvante interprétation de Jean-Pierre BOUVIER. Une des réussites de cette rentrée de l'automne 2016.
24 sept. 2016
7/10
36
Le décor très british n’est pas sans rappeler celui de The Servant qui s’installa dans la même salle du Poche-Montparnasse pour y connaître le succès que l’on sait. Même pays, même époque (lendemain de la seconde guerre mondiale), même violence crue dans les rapports.

Dans La Version Bronwning nous assistons à la chute d’un professeur de lettres classiques en fin de carrière. Nous sommes au début de l’été, les élèves attendent leurs résultats, l’un d’eux vient rattrapper un cours chez Andrew Crocker-Harris (alias « Croquignolle » pour ses élèves). Très vite le malaise s’installe. Davantage que la retraite, Crocker-Harris semble attendre la mort. Son épouse le déteste, le trompe, l’humilie. Et ce depuis des années. Sans doute depuis toujours. Ses collégiens le craignent et le dénigrent. Certainement depuis toujours.
La nouveauté, ce soir, c’est que la page doit se tourner : Crocker-Harris est contraint de faire le bilan de cette vie de misère.

Malgré l’interprétation bouleversante de Jean-Pierre Bouvier, cette histoire ne parvient pas à nous toucher totalement. Sans savoir pourquoi, on reste sur le seuil de cet intérieur anglais que l’on oubliera sans doute plus rapidement que celui de Tony et Barrett…
19 sept. 2016
7/10
60
Plongeon dans les entrailles d’un professeur malade et légèrement névrosé. D’une rigueur presque sans faille, Crocker-Harris laisse pourtant entrevoir les traits d’un personnage sensible, à l’écoute de ses élèves et surtout soucieux de ce qu’ils pensent de lui.

Un amoureux d’Eschyle qui enseigne sa passion. Un perfectionniste sarcastique et un mari qui tolère que sa femme aille voir à droite et à gauche. On apprend à apprécier ce personnage à la rigueur anglaise, strict au premier abord mais qui peu à peu dévoile ses faiblesses et parvient à émouvoir tout son public. Jean-Pierre Bouvier réalise une performance impressionnante dans son rôle du Professeur Crocker-Harris, Marie Bunel est tout aussi louable en femme machiavélique et perverse. On peut en dire autant de l’intégralité du casting, les comédiens excellent.

C’est une pièce psychologique et profondément intense, dotée d’une interprétation délicieuse. Un beau moment de théâtre à l’anglaise.
18 sept. 2016
5/10
109
La rentrée 2016 sera preppy ou ne sera pas. Au Théâtre de Poche, Patrice Kerbrat assume sans détour le parfum suranné et so British de La Version Browning de Terrence Rattigan. Composé à l’aube des années 50, ce huis-clos professoral sur l’échec d’un ponte à la veille de sa retraite a pris un petit coup de vieux. Si Jean-Pierre Bouvier se glisse corps et âme dans la peau de l’enseignant au bout du rouleau, l’ensemble manque de peps et met du temps à démarrer.

Quand un prof arrive à la fin de sa carrière, vient l’heure du bilan. A-t-il été juste ? A-t-il pris goût à découvrir des perles rares et à transmettre avec pédagogie son savoir ? Pour Andrew Crocker-Harris, le constat ne semble pas vraiment glorieux. Exigeant (trop ?), tyrannique (le Himmler des secondes selon le principal !) et idéaliste… Sa femme Millie déchante aussi : quelle plaie d’avoir épousé un raté égocentrique ! Souffrant du coeur, le passionné de lettres classiques se voit contraint de déménager. Mais avant, Taplow, un de ses élèves, doit valider une version grecque à son domicile pour savoir s’il passera dans la classe supérieure.

Terrence Rattigan signe une comédie douce-amère assez terrible sur le métier d’enseignant, sur ses grandes illusions et le choc de la réalité. Il prend le temps de poser le cadre de son thriller vintage, de brosser avec soin sa galerie de personnages mais le rythme s’en ressent cruellement. Patrice Kerbrat, trop respectueux sans doute du texte, aurait pu pratiquer quelques coupes et nous éviter certains passages franchement ridicules (les scènes d’amour entre Millie et son amant Hunter, le prof de sciences, sont désolantes de fausseté – on se croirait dans un mauvais soap !).

Jean-Pierre Bouvier, le cœur sous la glace
À l’image du décor délicieusement rétro d’Édouard Lang, le spectacle se laisse regarder sans déplaisir mais avec une légère odeur de renfermé. Tout cela ronronne un peu trop, les enjeux tardent à s’imbriquer. Le jeu des comédiens sauve la mise ; la direction d’acteurs est au cordeau. Aux premières loges, Jean-Pierre Bouvier domine la scène : sur le fil constant du burn-out, le comédien se livre avec une pudeur accablée qui attise de suite la compassion. Malgré un rôle apparemment ingrat, celui du prof imbu de lui-même, il parvient à lui donner une belle humanité, une fragilité sur le point de se briser en mille morceaux, pour parvenir in extremis à se ressaisir et à changer la donne. Marie Bunel joue à merveille son rôle de femme abjecte et délaissée. Malicieux et gaffeur, Thomas Sagols est crédible en lycéen à la traîne.
14 sept. 2016
6/10
45
La Version Browning est une pièce difficile à critiquer.
Rien n'est strictement mauvais mais il y a quelque chose qui cloche et on ne sait pas quoi. Là sont mes questionnements et ma frustration.

Les acteurs sont bons, la mise en scène sobre, efficace. Pourtant, elle rend cet effet de pesanteur, encore alourdi par le rythme de la pièce. On étouffe donc, comme le personnage principal et on s'identifie quelque peu.

La pièce est bonne mais elle a un petit arrière goût...